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Actualité du dopage |
(...) Le joli consensus qui s'était dégagé lors de la dernière réunion de l'AIGCP, l'association des équipes, où les dirigeants s'étaient engagés unanimement à ne pas recruter de coureurs cités dans l'affaire Puerto, n'est déjà plus, trois semaines après, qu'un vieux souvenir. Sans surprise, c'est la Discovery Channel qui a jeté le pavé dans la mare en recrutant Ivan Basso (...). L'ancienne équipe de Lance Armstrong n'a qu'une idée, reconquérir le Tour de France...
Pour Bruyneel, la fin justifie les moyens. Patron de l'équipe Discovery Channel et à ce titre sept fois vainqueur du Tour de France en tandem avec Lance Armstrong, Johan Bruyneel n'a pas que des amis dans la famille cycliste. (...) Ses récentes déclarations concernant la pertinence des tests ADN sur les coureurs étaient déjà de nature à le démarquer encore plus de ses homologues a priori unanimes sur cette question. En annonçant (...) avoir recruté Ivan Basso, lequel avait été mis au ban du cyclisme pour avoir été cité dans l'affaire Puerto avant d'être blanchi en attendant la fin de l'instruction, le Belge et l'équipe qu'il dirige se positionnent définitivement en marge.
Après avoir ouvertement approché Jan Ullrich avant même que l'affaire Puerto ne soit mise entre parenthèses (...), Johan Bruyneel a finalement jeté son dévolu sur Ivan Basso sur lequel il avait un oeil depuis longtemps. Et que ce dernier ait été au coeur du plus grand scandale de dopage des dernières années semble être le moindre de ses soucis. Evidemment, depuis que l'Italien a été blanchi par le Comité olympique italien, puis par la Fédération italienne de cyclisme, il est juridiquement blanc comme neige. Sauf que tout n'est pas si simple dans le cyclisme d'aujourd'hui où la suspicion est partout. Pour tenter d'y faire face, les équipes et leurs sponsors, avaient courageusement adopté une position radicale. Acceptée du bout des lèvres par Discovery Channel et uniquement de façon orale, cette position morale a été balayée par la formation américaine sur l'autel de la performance (...).
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Tel George W. Bush annonçant la capture de Saddam Hussein, c'est Lance Armstrong lui-même qui a annoncé lui-même la nouvelle : "It's done"... Quel symbole ! Quel cynisme ! "C'est regrettable mais mon sentiment n'a aucune espèce d'importance", réagit Marc Madiot, le boss de la Française des Jeux, visiblement dépité. "Je regrette qu'une équipe prenne Basso mais qu'est ce qu'on peut faire de plus ? Chacun a un miroir et se regarde dedans. Il y a eu un engagement pris. Certains le respectent, d'autres pas. Moi je sais que si j'étais à la place de Basso, sûr de mon innocence, je lèverais toute ambiguïté en faisant un test ADN pour comparer avec les poches de sang trouvées en Espagne. Mais je ne pense pas qu'il le fera..."
Une nouvelle carrière commence pour Basso... Moins désabusé que Marc Madiot, plus politique, Roger Legeay, vice-président de l'AIGCP se veut plus optimiste. "(...) Je ne connais pas les conditions d'engagement de Basso avec Discovery Channel. Peut-être est-il soumis à un test ADN ? C'est possible, je l'espère. Ce serait bien qu'il s'y soumette", minaude le patron de Crédit Agricole qui, plus que la vigilance, promet la "fermeté" de l'AIGCP dont les positions ont été pourtant fortement mises à mal sur ce coup-là. "Jusqu'à maintenant l'AIGCP n'a jamais failli. Moi j'ai toujours dit : «le code éthique, tout le code éthique, rien que le code éthique». L'affaire Puerto peut évoluer au cours de l'hiver. (...) Nous, on a pris des mesures conservatoires. Tout le monde a pris ses responsabilités. On est intraitable sur la question mais on est limite car le code éthique va plus loin que le juridique."
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Alors qu'Ivan Basso a jusqu'à maintenant refusé de donner son ADN pour procéder à un test, croire que c'est l'équipe Discovery Channel qui va l'y contraindre paraît bien naïf. Car Johan Bruyneel a déjà donné son sentiment sur le sujet et une fois encore, sa voix est dissonante. "Je n'étais pas à la réunion (de l'AIGCP, ndlr) mais je peux dire que je ne crois pas que ce soit aux équipes de proposer de nouvelles règles. (...) C'est vraiment le rôle de l'UCI", déclarait-il récemment sur Cyclingnews.com.
Force est de constater, à l'instar de Vincent Lavenu, que les positions de principe n'ont pas la même valeur d'une rive à l'autre de l'Atlantique. "La perception des choses n'est pas la même chez eux et chez nous. Nous, notre approche est saine, peut-être naïve, (...) mais on essaie de tout faire pour se sortir du problème du dopage. La philosophie des équipes françaises est sans compromission. Mais visiblement, tout le monde ne se rend pas compte que c'est un cancer qui ronge le cyclisme". Le patron de l'équipe AG2R où l'on négocie actuellement le licenciement de Francisco Mancebo (...) craint désormais que Discovery Channel, qui s'est affranchi de la règle commune, n'ait ouvert une brèche quand on sait qu'un Jan Ullrich, par exemple, est toujours à la recherche d'un point de chute... "Aujourd'hui, il ne s'agit pas de chercher à aller plus vite sur un vélo pour grimper les cols plus rapidement", veut croire Vincent Lavenu. Chez Discovery Channel, en tout cas, l'important c'est toujours de gagner...
Cette page a été mise en ligne le 09/11/2006