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Indice de confiance de MOVISTAR TEAM : 6,8


11/07/2021 - cyclisme-dopage.com - S. Huby - #TeamWatttheFuck







L’équipe Movistar est née en 1980, comme Alejandro Valverde. Elle a eu cinq noms : Reynolds, Banesto, Illes Balears, Caisse d’Epargne puis Movistar. Valverde en a eu deux : Valverde puis ValvPiti puis à nouveau Valverde. Le vétéran a toujours bon pied bon oeil. Il a failli s'imposer en Andore.

Un lourd passé

La liste des affaires de l’équipe est désespérément longue. Elle est consultable ici. On y retrouve (presque) au hasard : Angel Arroyo (1982), Julian Gorospe (1987), Thomas Davy (1996), Abraham Olano (1998) ou Marco Fertonani (2007). Mais on y trouve aussi deux vainqueurs du Tour de France (Pedro Delgado et Miguel Indurain) et deux Champions du Monde (Alejandro Valverde et Rui Costa).

Nettoyage du corps pour Pedro Delgado

Tout le monde se souvient du contrôle positif au Probénicide du maillot jaune Pedro Delgado pendant le Tour de France 1988. Ce produit masquant permettant de dissimuler la prise de stéroïdes anabolisants est interdit par le CIO mais pas encore par l’UCI. Le coureur espagnol sauve son maillot grâce à un imbroglio juridique dont l’antidopage a le secret.

Interrogé par Damien Lemaître dans le livre Secrets de Maillots Jaunes , publié en 2018 (Editions Hugo Sports), il revient sur cette affaire : « J’ai été contrôlé tous les jours jusqu’à Paris à partir de l’étape de l’Alpe d’Huez (...) et cette molécule n’est apparue qu’une seule fois. Si j’avais vraiment voulu masquer quelque chose, je l’aurais prise tous les jours, non ? J’ai la conscience tranquille. J’ai dû prendre une pastille à l’hôtel, le soir de l’étape de l’Alpe d’Huez ou le lendemain matin, je ne m’en souviens plus. Peut-être qu’on me l’avait administrée. L’étape de l’Alpe avait été très difficile. Le lendemain, il y avait ce contre-la-montre individuel et il fallait bien nettoyer le corps, éliminer les toxines C’était une aide, rien de plus. Je ne savais pas du tout ce que c’était. Dans l’équipe, tout le monde était en état de choc ». Autant dire que Delgado prenait ce qu’on lui donnait pour « nettoyer le corps », sans trop se poser de questions.

Miguel Indurain, le mutant

Pedro Delgado a alors pour équipier un certain Miguel Indurain. Le Navarrais est un jeune plein de promesses. Accompagné de José Miguel Echavarri, le manager de l’équipe, il passe des tests en Italie à la clinique de Ferrara, dirigée par le Dr Francesco Conconi. Le médecin italien est célèbre pour avoir dirigé la seconde partie de carrière de Francesco Moser et l’avoir mené au record du monde de l’heure en remettant au goût du jour les transfusions sanguines. Indurain en revient avec un plan sur cinq ans, basé essentiellement (et officiellement) sur un travail spécifique et une perte de poids : Indurain pesait alors 90 kg.

About #Jaja and Ferrari, I just find this interesting piece, from the italian police investigation "Il prezzo del silenzio" in 2000... #Valverde @festinaboy @lancearmstrong pic.twitter.com/Hkfm3Ult8T

— Stéphane Mandard (@StephaneMandard) October 1, 2018

Cinq ans plus tard, en 1991, Indurain est effectivement devenu un autre coureur. Il commence à piaffer dans l’ombre de son leader Pedro Delgado. Quelques mois plus tôt, il a commencé à travailler avec le docteur Sabino Padilla. Ses tests sont excellents, meilleurs que ceux de Delgado. Ils se confirment en course puisqu’Indurain remporte son premier Tour. Le vainqueur de l’année précédente, Greg LeMond , ne comprend plus rien : « Des vitesses jamais atteintes devinrent la norme. De bons coureurs certes, mais pas des champions patentés, se mirent à survoler la discipline. Ceux qui tenaient le haut du pavé jusqu'alors étaient devenus trop vieux, trop gras ou trop fainéants pour préserver leur rang », écrit-il en 2009.

Patatras, le 15 mai 1994, Miguel Indurain, est contrôlé positif au Salbutamol, un produit destiné à soigner l’asthme, plus connu en France sous le nom de Ventoline. En septembre, Indurain est blanchi par la formation disciplinaire de la Ligue du cyclisme professionnel français, composée de (journaliste de L'Equipe, du groupe Amaury, comme ASO, organisateur du Tour de France), Cyrille Guimard (directeur sportif), Thierry Cazeneuve (organisateur du Dauphiné Libéré) et Jean-François Lachaume (juriste). Tout comme son coéquipier Delgado en 1988, Indurain bénéficie d’une ambiguïté des règlements : le Salbutamol est autorisé sous certaines conditions en France et par le Comité international olympique (CIO), et sans restriction par l'Union cycliste internationale (UCI).

En 1995, l'équipe Banesto embauche le coureur français Thomas Davy. Entendu lors du procès de l'affaire Festina, il témoignera : « Dans cette équipe, notamment en 1995, j'ai été amené à prendre de l’EPO je pense. Le médecin, Sabino Padilla, venait dans les chambres des coureurs après l'étape. Les seringues étaient déjà préparées... Lorsque nous demandions ce qu'il y avait dans les seringues, nous n'avions jamais de réponse... Jamais personne n'a réussi à savoir. Ces injections étaient systématiques lors des grands rendez-vous notamment sur le Tour de France (...) ... nous nous doutions qu'il devait y avoir autre chose que des produits de récupération... nous marchions en général mieux après ces injections... on m'a également fourni des gélules de Pantestone ».

A la fin de la saison 1995, le Dr Padilla décide subitement de quitter la Banesto pour s’occuper du club de football Atletico Bilbao. Le 3 janvier 1996, Jose Miguel Echavarri se rend alors à Milan à la recherche d’un nouveau médecin : « Je recherche une collaboration avec [les médecins] Casoni, Alfieri et Lodi. (...) Sabino Padilla a laissé un vide. (...) Il nous faut donc trouver un nouveau médecin, que ce soit en Espagne ou en Italie, mais probablement à l'Université de Ferrara ».

Miguel Indurain est aussi le coureur « mutant » par excellence, selon la définition d’Antoine Vayer. Il a explosé tous les compteurs. Même Lance Armstrong n’a pas fait mieux, et de loin.


Source : Le Monde 08/06/2013

Pour en savoir encore plus sur Miguel Indurain, on peut lire son portrait ici : portraits/indurain.htm.

Alejandro Valverde, alias Valv-Piti

Alejandro Valverde, qui rejoint l’équipe Iles Baléares (actuelle Movistar) en 2005, est passé professionnel trois ans plus tôt chez Kelme, équipe où le dopage est institutionnalisé. Jesus Manzano témoignera devant le TAS (Tribunal Arbitral du Sport) en 2009 que chaque coureur suit un programme médical à base d’EPO et de testostérone établi par un certain Dr Eufemiano Fuentes. Les injections sont pratiquées par le docteur lui-même lorsqu’il n’envoie pas des seringues préremplies aux coureurs. Pendant le courant de l’hiver 2002, alors que l’équipe est réunie à l’hôtel Patilla de Santa Paula sur la côte méditerranéenne, le Dr Fuentes distribue des seringues de « pela », nom de code pour EPO. Manzano voit aussi Valverde utiliser des patches de testostérone. Quelques mois plus tard, pendant la Vuelta, le Dr Fuentes injecte 2000 unités d’EPO à Valverde à l’hôtel Reconquista. Le traitement est complété par de la cortisone.

Un an plus tard, en vue du Tour d’Espagne 2003, les coureurs de la Kelme, Valverde y-compris, se font prélever du sang à la clinique madrilène du Dr Merino Batres, complice du Dr Fuentes. Pendant l’épreuve, les coureurs reçoivent des patches de testostérone qu’ils portent pendant deux heures seulement pour déjouer les contrôles antidopage. Quant au sang, il est réinjecté vers la mi-course.

En 2004, la Garde Civile espagnole entame discrètement une enquête qui deviendra célèbre deux ans plus tard sous le nom d’« Opération Puerto ». Au cours de leurs investigations, les enquêteurs interceptent une conversation téléphonique entre le Dr Fuentes et le directeur sportif adjoint de l'équipe de Valverde, Ignacio Labarta, au cours de laquelle Valverde est évoqué.

Le 7 avril 2005, alors que Valverde participe au Tour du Pays Basque, il reçoit une transfusion. Le contrôle antidopage pratiqué ce jour-là est négatif. Normal, il s’agissait d’un simple contrôle urinaire. La saison terminée, en décembre, Valverde reçoit à son domicile Jon Riva, un compatriote journaliste. Piti, le sympathique berger allemand du coureur est un témoin privilégié de la conversation.

Le 6 mai 2006, des poches de sang sont retrouvées dans un frigo du Dr Fuentes. L’une d’elle deviendra célèbre. Elle porte le code « 18 VALV. (PITI) ». Piti... comme le chien de Valverde. Le 23 mai 2006, le Dr Fuentes est arrêté en possession d’une carte de l’hôtel Silken au dos de laquelle figure en clair le nom de Valverde. La Garde Civile saisit aussi le parfait attirail du médecin dopeur ainsi qu’environ 200 poches de sang ou de plasma. Le laboratoire de Barcelone, qui analyse en août 2006, 99 poches retrouvées chez Fuentes, trouve de l’EPO recombinante dans 9 d’entre elles, dont la fameuse poche n° 18.

Il faudra pourtant attendre novembre 2006 pour que le nom de Valverde soit évoqué publiquement dans l’affaire Puerto . Ceci ne l’empêche pas de garder de nombreux soutiens dont celui de son équipe Caisse d’Epargne qui le conserve dans son effectif.

Alors que Valverde participe au Tour de France 2008, il fait l’objet le 21 juillet à Prato Nevoso en Italie d’un contrôle antidopage de routine. Ou presque, car le Comité National Olympique Italien (CONI) envoie au juge d’instruction espagnol, le 6 novembre 2008, une commission rogatoire lui demandant un échantillon de sang contenu dans la poche n° 18. L’objectif est de comparer l’ADN de la poche avec celui du prélèvement sanguin de Prata Nevoso qui porte le numéro A-278350. C’est chose faite le 2 février 2009. Bingo. Confondu par son ADN, Valverde est bien le fameux « VALV. (PITI) ». Il est convoqué par le CONI pour le 16 février 2009. Il obtient un report de l’audition au 19 février. Miraculeusement, le juge d’instruction espagnol rédige le 18 février, une « Ordonnance de Révocation » annulant celle autorisant l’utilisation de l’échantillon de la poche n° 18 par le CONI. S’ensuit une longue bataille juridique menée par Valverde et ses avocats pour faire obstacle au CONI, à l’UCI et à la justice italienne. Il faudra encore plus d’un an pour que les arbitres du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) statuent et décident à l’unanimité de le suspendre pour une période de 2 ans, à compter du 1er janvier 2010. « [S'ils me sanctionnent], je reviendrai au cyclisme et je continuerai de gagner. Sans états d'âme », avait déclaré Valverde quelques semaines plus tôt. De fait, revenu en 2012 sous le maillot de la Movistar, il n’a de cesse d’embellir son palmarès.

No hay palabras para describir lo de @RafaelNadal, historia viva del deporte. Muchas felicidades por el 12º #RolandGarros, campeón ?? pic.twitter.com/uzwD76h5TT

— alejandro valverde (@alejanvalverde) June 9, 2019

Rui Alberto Faria Da Costa stimulé

Vainqueur du contre-la-montre du Tour du Portugal 2010, Rui Costa est provisoirement suspendu après avoir été contrôlé positif à un produit stimulant, le methylhexaneamine. Ce produit est interdit depuis quelques mois seulement. Avec son frère, lui aussi contrôlé positif, il explique avoir utilisé « un supplément diététique à base d'arginine ». L'intention de se doper n’ayant pas être prouvée les deux coureurs voient leur suspension levée en février 2011. Rui Costa est conservé par la Movistar. Deux ans plus tard, il devient Champion du monde sur route à Florence, en Italie. Il a rejoint UAE en 2017.

Depuis 11 ans, l’équipe Movistar a réussi à passer entre les gouttes. C’est le seul point positif.

Trois victimes du Blitz dans l’encadrement

Quatre membres de l’encadrement de la Movistar sont épinglés dans notre annuaire du dopage. Trois d’entre eux ont été pris en flagrant délit de détention de produits interdits pendant le fameux Blitz du Tour d’Italie en 2001.

La manager José Luis Arrieta (coureur Ibanesto.com, ancêtre de la Movistar) est pris en flagrant délit de détention de Durvitan, un médicament interdit contenant de la caféine. Quelques années plus tard, il témoigne en faveur de Valverde dans la procédure qui l’oppose devant le TAS à la Fédération Espagnole de Cyclisme à la suite de l’affaire Puerto. Le coureur le fait citer en tant que dirigeant et ancien collègue coureur. Arrieta fait rempart et s’offre en d’alibi expliquant qu’il a passé la journée du 7 avril 2005 avec Valverde et que le coureur n'aurait eu ni l’occasion ni le temps d’effectuer une transfusion sanguine contrairement à ce que pensent les enquêteurs.

Pablo Lastras Garcia, lui aussi manager, déclare à ABC en novembre 2014 : « Le cyclisme aujourd'hui est sain. Nous avons déjà payé les erreurs du passé. [...] Avant, le vélo était très familial, désormais il est plutôt commercial. Ni meilleur, ni pire ». Tout comme José Luis Arrieta, il est pris pendant le Blitz du Giro 2001. Il est en possession de produits interdits. Il ne sera pas sanctionné. C’est sans doute ce qu’il appelle avoir « payé les erreurs du passé ». Il intègre l'encadrement technique de la formation espagnole Movistar au mois d'octobre 2016, un an après avoir rangé son vélo au clou.

Francisco Javier Vila Errandonea, dit Patxi Vila a été contrôlé positif à la testostérone. Il a subi à son domicile un contrôle inopiné diligenté par l'Union cycliste internationale (UCI) le 3 mars 2008. Suspendu deux ans par la Fédération Espagnole de Cyclisme, il fait appel devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) qui lui accordera une réduction de peine de 6 mois. Après avoir été le « préparateur » de Peter Sagan chez Bora, il arrive à la Movistar en 2020 en tant que responsable de la performance.

Le directeur sportif Maximilian Sciandri, né à Derby (Grande-Bretagne) mais d'origine italienne, est passé à la représentation de la Grande-Bretagne avant les Jeux olympiques de 1996 et a remporté le bronze dans la course sur route derrière le Suisse Pascal Richard, futur coéquipier de Linda McCartney. Après sa carrière de coureur, il devient entraîneur et directeur sportif. Il encadre l'équipe de Grande-Bretagne des moins de 23 ans, où il se lie d’amitié avec Mark Cavendish, avant d'intégrer l'équipe BMC Racing en 2011. Lorsque celle-ci change de nom et de sponsor en 2019, il rejoint la Movistar.

Bernard Sainz, plus connu sous le sobriquet de Docteur Mabuse, se targue de lui avoir prodigué des conseils : « Max Sciandri, coureur italien de la Française des jeux, dont je me suis occupé autrefois, me téléphone un jour pour un problème de toux mal soignée, qui est en train de dégénérer en bronchite chronique. Je lui demande s'il a encore des gélules d'huile de Haarlem, un produit destiné à nettoyer l'organisme. Devant sa réponse négative, je lui demande avec qui il partage sa chambre. Il m'apprend qu'il s'agit d'Yvon Ledanois. J'appelle Yvon, qui a lui aussi recours à mes compétences. Je le sonde d'abord un peu, afin de connaître les rapports qu'il entretient avec Max, car j'ai pour principe de ne pas divulguer les noms de mes « poulains ». Yvon me met tout de suite à l'aise. Max et lui sont très proches. Il va le dépanner sans problème.

Plus sérieux et grave, il été un des clients de Luigi Cecchini à l’époque où il courait dans l’équipe Motorola. Luigi Cecchini est un des plus sulfureux médecins de l’histoire du cyclisme. Nous en avons fait le portrait ici.

Lui aussi ciblé par le Blitz du Tour d’Italie 2001, Sciandri, alors chez Lampre, est pris en flagrant délit de possession, de six comprimés du médicament dénommé "PRO PLUS COFFEINE PP PRODUITS" à base de caféine.

Watts : trois coureurs en zone « suspecte »

Trois coureurs ont dépassé les 410 Watts-Etalon de moyenne sur les radars positionnés sur les routes des trois Grands Tours par Antoine Vayer et Frédéric Portoleau. Ils sont dans la zone « suspecte ». Aucun dirigeant n’a allumé les radars.

Après plusieurs Tours entre 400 et 410 Watts-Etalon, Miguel Angel Lopez élève son niveau au Tour de France 2020. Il atteint 415 WE. Sa performance la plus épatante se situe dans le col de la Loze où il réussit 406 WE sur une ascension longue de plus d’une heure.

Enric Mas dépasse lui aussi les 410 WE au Tour de France en septembre 2020. Il réalise 413 WE, deux petits Watts en dessous de Lopez.

Sur ce Tour 2020, les deux coureurs surpassent le vétéran Alejandro Valverde. Sur l’ensemble de sa carrière, ValvPiti n’a évidemment pas de rival dans son équipe. Dès 2014, il réalise 424 WE à la Vuelta. Par la suite, il prend un rythme de croisière au-dessus de 400 WE.

Movistar et le MPCC, c’est trois fois non

Movistar est la seule équipe de ce Tour France qui n’adhère pas au MPCC et dont aucun coureur ou encadrant n’adhèrent à titre individuel.

Verdict

L’ensemble vaut à la Movistar un ICCD (indice de confiance) médiocre de 6,8. C’est la médaille de bronze de la disgrâce.

Indice de confiance de MOVISTAR TEAM : 6,8
Source : cyclisme-dopage.com - 11/07/2021

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Cette page a été mise en ligne le 11/07/2021