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Actualité du dopage |
L'équipe américaine Trek-Segafredo est née en 2011 au Luxembourg à l’initiative de Frank et Andy Schleck, accompagnés de Brian Nygaard et de Kim Andersen, tous quittant la Saxo Bank. Dès l’année suivante, elle fusionne avec la Radio-Schack de Johan Bruyneel. Le manager belge sera écarté en fin de saison, suite aux aveux de Lance Armstrong. Il purge depuis une suspension à vie.
Fabian Cancellara fut une des figures marquantes des premières années de l’équipe. On se souvient de son incroyable doublé Tour des Flandres – Paris Roubaix en 2013. Incroyable : « Qui n'est pas ou qui est peu croyable par son manque de vraisemblance », définition du Larousse.
Quand Andy Schleck crée l’équipe en 2011, il ne sait pas encore qu’on lui attribuera le Tour de France 2010 sur tapis vert, Alberto Contador étant déclassé. En 2013, Chris Horner, dans une résurrection à la Cavendish, emporte le Tour d’Espagne 2013. Par la suite, Trek attire deux anciens vainqueurs de Grands Tours : Alberto Contador, justement, et Vincenzo Nibali qui y court toujours.
On a souvent vu les hommes de l’équipe Trek à l’attaque sur ce Tour de France. Leurs efforts ont été récompensés avec la victoire de Bauke Mollema à Quillan.
Une histoire compliquée
En 11 ans, l’équipe a été touchée par trois affaires de dopage. La première, dès la deuxième année touche Frank Schleck, co-fondateur de l’équipe. Il est contrôlé positif au Xipamide, un diurétique, sur le Tour de France 2012 et immédiatement suspendu provisoirement par l’équipe. Il sera suspendu 2 ans par l’agence antidopage luxembourgeoise. Il a toujours nié les faits. Avant cette affaire, il avait été mouillé dans l’opération Puerto. En mars 2006, il avait versé près de 7000 euros sur un compte suisse appartenant au Dr Eufemiano Fuentes. « Ce paiement devait financer un programme d'entraînement sportif spécifique (élaboré) par des experts », avait expliqué Schleck.
André Cardoso a été contrôlé positif à l'EPO hors compétition en juin 2017. Le coureur tente d’expliquer le contrôle positif par une consommation excessive d’alcool. Bien que l'analyse de l'échantillon B se soit avérée « non-concluante », la CADF (Cycling Anti-Doping Fondation) le suspend pour quatre ans, estimant avoir suffisamment d’éléments pour justifier la disqualification.
Jarlinson Pantano, a été contrôlé positif à l’EPO au Tour du Haut-Var 2019. Le Colombien, ancien vainqueur d’étape sur le Tour de France 2016, est immédiatement suspendu par l’équipe Trek. Il sera suspendu quatre ans par l'Union cycliste internationale et mettra un terme à sa carrière.
La liste complète des affaires de l’équipe est consultable ici.
Aucun coureur épinglé
L’équipe ne compte aucun coureur épinglé dans notre annuaire du dopage parmi son effectif.
Kim Andersen, recordman du monde des contrôles positifs, à l’origine du permis de se doper
L’équipe Trek compte pas moins de quatre dirigeants épinglés dans notre annuaire du dopage : deux directeurs sportifs, un médecin et un soigneur.
Symbole des dérives du cyclisme dans l’ère pré-Festina, Kim Andersen est le véritable recordman du monde des contrôles positifs. Nous en avons dénombré six. Ou sept. C’est confus. On s’y perd. Mais c’est beaucoup. Seul le sprinter ouzbek Djamolidine Abdoujaparov pourrait contester ce titre, mais il a triché : il a été contrôlé positif six fois, à quelques jours d’intervalles, donc pour les mêmes produits. Kim Andersen, lui, a établi son record sur huit ans, entre 1985 et 1992. On l’aime beaucoup, il nous fait rire. Après son contrôle positif au Tour du Limousin en 1987, il déclare : « Depuis que j'ai été contrôlé deux fois positif [six fois en réalité], je prends toutes mes précautions. Je ne suis quand même pas con ! ». Moyennant quoi il se fait contrôler positif à l’Amstel Gold Race en 1992. C’est con, non ?
Il y a un mystère Kim Andersen. Il pousse à la rigolade. Pat McQuaid, alors président de l'UCI, n’affirmait-il pas en 2011 : « Je n'ai jamais entendu de rumeurs [sur lui] (...) c'est un bon directeur sportif ». Pat est drôle, non ?
Mais reprenons un instant notre sérieux. Kim Andersen est à l’origine d’un véritable permis de se doper accordé au peloton à la fin des années quatre-vingt. En effet, sa suspension à vie en 1987 conduit Hein Verbruggen, le président de l'UCI, à assouplir les sanctions en 1988 : un coureur contrôlé positif n'écope plus que de 3 mois de suspension avec sursis. Un deuxième contrôle conduit à une suspension supplémentaire de 3 mois ainsi qu'à l'exécution de la première suspension, soit un total de 6 mois. La suspension à vie, qui prévalait alors pour un troisième contrôle positif, se transforme en un an de suspension. Mieux encore, les compteurs sont remis à zéro tous les 12 mois. Un véritable désastre qui se paiera cher en 1998.
Enfin suspendu à vie en 1992, Kim Andersen refait surface en tant que directeur sportif dès 1998 dans la modeste équipe danoise Chicky World. Après avoir longtemps travaillé aux côtés de Bjarne Riis, il s’émancipe en créant Leopard Trek en 2011 avec Andy et Frank Schleck.
Les lecteurs qui ont envie de rire (jaune) pourront se payer une tranche supplémentaire en consultant le portrait que nous avons consacré à Kim Andersen ici.
Steven de Jongh, un directeur sportif au passé chargé
Steven de Jongh faisait partie de l’équipe TVM exclue du Tour de France 1998. Cela aurait dû attirer l’attention de Dave Brailsford, patron de la Sky, qui clamait vouloir constituer son équipe avec des dirigeants vierges de toute affaire de dopage. Il lui aurait d’ailleurs suffit de consulter le verdict du procès TVM qui s’est tenu à Reims en 2001.
Poussé par une enquête interne de la Sky, l’ancien coureur passé par la Rabobank et la Quick Step, reconnait finalement avoir eu recours au dopage durant sa carrière. « J’ai pris de l’EPO entre 1998 et 2000 à plusieurs occasions », écrit-il sur son site Internet en 2012. « Il était temps d’être honnête. C’est le moment de parler. J’aurais pu continuer à la fermer, mais il était temps d’admettre mes erreurs et de parler ouvertement. J’étais un jeune coureur, l’opportunité s’est présentée et c’était un sacré défi de rester à l’écart. J’ai pris un produit facile à prendre et je savais qu’on ne pouvait pas le détecter. Il n’y a pas eu de pressions de la part de directeurs d’équipes ou de médecins. C’était ma propre décision. Je pense que chacun doit prendre ses responsabilités quand il fait des choix et je n’ai pas fait le bon à cette époque. J’ai été choqué par les rumeurs et les histoires de programmes organisés dans le cyclisme (). Je n’ai rien vu de tel. Personne ne m’a forcé. »
Suite à ces aveux, il est prié par l’équipe Sky où il officiait comme directeur sportif depuis trois ans, de prendre la porte. Il trouve refuge chez Tinkoff-Saxo dès 2013. Oleg Tinkoff et Bjarne Riis n’étaient pas très regardants sur l’éthique. Il a rejoint Trek – Segafredo en 2018.
Thomas Dekker le désigne comme un des principaux co-équipiers chez Rabobank, avec Michael Boogerd, à l’avoir initié au dopage.
Un médecin et un soigneur épinglés
Emilio Magni a débuté comme médecin d'équipe en 1997. En 2000, il est embauché chez Mercatone Uno, où il s’occupe spécifiquement du leader Marco Pantani. En 2001, il passe chez Fassa Bortolo et fait l'objet d'une enquête. Il est soupçonné d'être responsable du dopage de Bartoli, Casagrande et Raimondas Rumsas. Plus tard, il a fourni des conseils médicaux au jeune talent Peter Sagan avant de suivre Vincenzo Nibali. Il a rejoint Trek en 2020 après être passé par Liquigas, Astana et Bahrain-Merida.
A possibly even more notorious active doctor in pro cycling is Bahrain Merida team doc Emilio Magni (Pantani's doctor, Mercatone Uno, Fassa Bortolo, Liquigas, Astana)
— Spit in the soup (@Spitinthesoup) July 25, 2018
?? Magni on the second rest day.
The rider with the long sleeves (33°C) came in second yesterday. pic.twitter.com/R5bhSFHeZg
Le soigneur Stéphane Gicquel a été mêlé à l’affaire Sébastien Grouselle, du nom du jeune coureur, décédé à la suite d’une chute lors du Grand Prix cycliste de Montereau (Seine-et-Marne), le 18 septembre 1998. Les analyses toxicologiques révèlent l'absorption de corticoïdes par le jeune coureur semi-professionnel de l'équipe Big Mat Aubervilliers. Stéphane Gicquel, son soigneur, est condamné en première instance à dix-huit mois de prison dont neuf fermes pour, notamment, incitation et facilitation à l'usage de substances dopantes et vénéneuses. Il fait appel et est rejugé par la cour d'appel de Paris, le 12 juin 2008. Il est défendu par Me Stéphane Mesones, bien connu pour avoir défendu à plusieurs reprises Bernard Sainz, alias « Docteur Mabuse ». Plusieurs coureurs du C.M. Aubervilliers viennent expliquer que Gicquel transportait des produits dopants dans des valises et les vendait aux coureurs. Dans le jugement, on peut lire : « Stéphane GICQUEL reconnaissait la fourniture de produits dopants mais en minimisait l'importance. Il reconnaissait qu'il transportait dans sa valise, à compter de 1996, une gamme de produits corticoïdes (« une ou deux ampoules de SOLUDECADRON, trois ou quatre de KENACORT, des cachets de CELESTENE et de SOLUPRED »). () Selon lui, il aurait fourni de tels produits à trois ou quatre reprises seulement, notamment du SOLUDODECADRON à Grégory PAGE en 1996, en présence de Stephan GAUDRY. Ces corticoïdes étaient prescrits, selon lui, par le médecin de l'équipe, le Docteur PROVOST, les factures étant remises à Stephan GAUDRY. Il précisait qu'il s'était rendu à Vintimille pour y acheter des produits interdits en France (TATIONIL, PREFOLIC, IPOSOTAL, EPARGRESOVIT notamment), en accord avec Stephan GAUDRY ». Stéphane Gicquel obtient finalement la relaxe. Le tribunal a considéré que les produits étaient délivrés légalement, sur ordonnance médicale.
Vincenzo Nibali et les radars, la preuve par sept
Vincenzo Nibali est un grimpeur exceptionnel. Dès le Tour de France 2009, chez Liquigas, il réussit 424 Watts-Etalon (WE) de moyenne sur les « radars » positionnés par Antoine Vayer et Frédéric Portoleau. C’est un record qu’il ne dépassera plus jamais.
Antoine Vayer définit la limite « suspecte » à 410 WE. Par la suite, le « requin de Messine », franchit encore cette limite de 410W à six reprises : Tour d’Espagne 2010 (414 WE), Tour de France 2012 (412 WE), Tour d’Italie 2013 (414 WE), Tour d’Espagne 2013 (415 WE), Tour de France 2014 (417 WE), Tour d’Espagne 2017 (411 WE).
Trek et le MPCC, c’est non
Trek n’adhère pas au MPCC et aucun encadrant n’y adhère à titre individuel. Seuls deux coureurs adhèrent : Edward Theuns (présent sur ce Tour de France) et Amanu Ghebreigzabhier.
Verdict
L’ensemble vaut à la l’équipe Trek un ICCD (indice de confiance) médiocre de 10,6, tout juste au-dessus de la moyenne, à peine mieux que la Jumbo-Visma.
Cette page a été mise en ligne le 16/07/2021