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Actualité du dopage |
Le rapport à l’autorité des organisateurs du Tour de France a évolué. De manière verticale, les ordres sont donnés. En tous points, cela ressemble à un établissement scolaire où la discipline est stricte, psychorigide, même si elle n’a aucun sens. Les journalistes sont infantilisés, parqués derrière des barrières "ganivelles" s’ils sortent de la salle de presse où ils sont masqués. Ils sont surveillés par des membres de l’organisation avec des brassards de plusieurs couleurs, jaune, rouge, comme celles de nos radars, mais distinguant leur rang de pion. Ils n’ont pas encore de sifflet, ni les journalistes de carnet de correspondance, mais c’est tout comme.
Plusieurs entreprises de vigiles assurent la sécurité aux côtés des gendarmes et policiers. Tout le monde doit « badger » son accréditation, partout. L’accueil des sponsors prime avec celui des élus qui paient. Il se dit que les paddocks du matin, où personne ne peut aller près des bus, seront réservés l’an prochain aux VIP. La presse en serait exclue, alors que naguère, c’était un moment privilégié de contact. La presse n’a aucun accès aux hôtels. C’est interdit, sauf en catimini. Le Covid et les pseudos « bulles » sont un excellent prétexte pour que la presse n’ait plus accès à rien, ni aux coureurs, ni au staff des équipes, pratiquement nulle part, sauf sous des conditions ridicules. Le Tour, c’est les télévisions officielles qui ont des accès privilégiés pour inlassablement les mêmes questions, les mêmes réponses brèves, les « bonbons vidéos » sous musique classique. Point. Les télévisions paient cher. Ils faut qu’elles aient un peu à manger.
L’organisation fournit des images, une banque de photographies. Elle met à disposition aussi des articles. Tout doit être sous son contrôle, feutré. Rien ne doit nuire à l’image qu’elle souhaite diffuser, imposer, vendre. Tout est vénal. Les tweets et réseaux sociaux sont surveillés. Leurs auteurs vilipendés si besoin s’ « ils nuisent à l’image du Tour ». Alors évidemment, il existe peu de résistants pour penser et donner les messages concernant le dopage, la tricherie, les mensonges, l’hypocrisie, le manque de liberté, la déshumanisation de l’évènement. Les coureurs sont au dernier échelon. Ce sont eux qui ont le moins le droit de s’exprimer, toujours dans des cadres extrêmement précis, sous le contrôle de leur équipe et de leur « press-officer » en plus de celui de l’organisateur. On les convainc qu’ils ne font pas Le Tour, mais que c’est Le Tour qui les fait, s’ils sont sages. Les résistants, une poignée d’hommes, chez les suiveurs, dans la bulle coureurs, seraient des personnages de maniement difficile. On ne les trouve presque plus. Aucun ne correspondrait de toute façon à l’image habituelle du bon citoyen du Tour respectueux, du qu’en-dira-t-on et de l’ordre établi. On les remarquerait. Mais ces femmes ou ces hommes auraient au moins une qualité essentielle : le courage et l’esprit du cœur. Ils ne se seraient pas soumis à l’injustice et inclinés devant l’inévitable victoire de ceux qui trichent, au moment où un tel comportement constitue encore la règle de ceux qui sont devant, quoiqu’on en dise. C’est admis. Après tout
Ce qui domine, partout, c’est le manque de courage, le défaut d’opinion, la paresse et la peur de ne pas être conformiste comme on le demande. Ce petit monde risque de voler en éclats si les escroqueries étaient mises à jour, si on en discutait même.
Pourtant, il y avait matière avec les performances.
Les chiffres magiques de Julian Alaphilippe, plus 500 watts réels pendant trois minutes à plus de 8 watts par kilo, qu’il est le seul de manière ponctuelle à pouvoir pousser. Ce rendement absurde lui a permis de devenir champion du monde dans la Cima Gallisterna en 2020 et de revêtir le maillot irisé qu’il a troqué avec la même surpuissance pour le maillot jaune dans la côte de la Fosse-aux-Loups. Au nom de son fils Nino. La belle histoire.
Les chiffres magiques de Mathieu Van der Poel, plus de 600 watts réels sur une minute, qu’il est le seul de manière répétée à pouvoir pousser, ce qu’il a fait par deux fois dans mur de Bretagne pour prendre le maillot jaune à Loulou. Au nom de son grand-père Poupou. La belle histoire.
Les chiffres magiques de Mark Cavendish, coéquipier de Alaphilippe, 36 ans, considéré comme perdu pour le vélo après une longue dépression et la maladie d’Esptein Barr, plus de 1500 watts réels sur quelques secondes, avec un braquet monstrueux qui lui ont permis de gagner par deux fois, à Fougères et à Châteauroux. Au nom d’Eddy Merckx pour lui ravir son record d’étapes gagnées sur la grande Boucle. La belle histoire.
Les chiffres magiques du Slovène Tadej Pogacar qui a roulé à 50 km/h pendant le contre-la-montre de Laval, comme les plus grands rouleurs du monde qui pèsent 15 kilos de plus que lui. Mais dans chacune des trois petites difficultés du parcours il a accéléré pour augmenter sa moyenne et vaincre à 51 km/h en poussant sans doute plus de 460 watts réels et plus de 7 watts par kilo pendant 32 minutes. Au nom de sa fougue et de ses mentors tordus de son équipe UAE. La belle affaire.
Personne n’a réagi officiellement, ou si peu, malgré les évidences. La presse, le milieu est resté atone, même après la nouvelle victoire d’un membre de l’équipe Bahreïn Victorious, avec encore un Slovène, Matej Mohoric, pour une étape de 250 kilomètres qui a été parcourue à 45.5 km/h pendant 5h29 pour le vainqueur. Au nom du prince Nacer. La belle histoire.
Cette étape a usé tous les organismes. Tous ? Non, pas celui d’un seul coureur : Pogastrong.
Lors de la première étape de montagne, on a assisté à un genre de performance qu’on croyait à jamais oubliée, que l’on peut classer entre miraculeuse et mutante. Pogastrong s’est échappé en solitaire et a développé l’équivalent de 442 Watts Etalon sur 49 minutes sans ressentir aucune fatigue contrairement à l’ensemble de ses adversaires. On a référencé tous les exploits similaires en cols radars de Lance Armstrong dans sa carrière. Les chiffres parlent, Pogacar lui est supérieur ! ( voir tableau). Aucun autre coureur du peloton n’aurait pu le suivre, même au sommet de leur forme, ni Roglic, ni Bernal s’il avait été là. Cela confirme le retour aux années Armstrong que nous pressentions, en pire ! Il faut revenir aux pires années noires du cyclisme, 20 ans en arrière, pour retrouver pareille performance.
Le détail des performances lors de l’étape entre Oyonnax et le Grand Bornand vaut le détour.
La première heure de course a été faite à 48 km/h sous la pluie et sur un parcours vallonné (une ascension de 5 km et 2 autres petites côtes). Il y a eu un répit dans la deuxième heure de course et dans l'ascension du Mont Saxonnex (359 watts étalon pour les leaders dans le peloton). Puis les favoris derrière les échappés sont arrivés au pied du Col de ROMME, première partie de notre radar, 8.9 km à 9.09% . Formolo, coéquipier de Pogacar, a mené sur un rythme très soutenu pendant 15min19sec l'équivalent de 424 watts étalon.
Le Slovène a ensuite attaqué à la sortie du village de Nancy sur Cluses, à un peu moins de 4 km du sommet.
Il a produit un effort très intense pour distancer ses adversaires: 11min29s (3.9 km à 9.26%) à 468 watts étalon soit 6.7 w/kg. Au sommet Richard Carapaz a concèdé 1min07sec et le groupe Gaudu 2min ! Sur cette portion finale Carapaz s'est maintenu à 421 watts étalon (6.1 w/kg) tandis que Gaudu a développé
l'équivalent de 390 watts étalon (5.7 w/kg). Sur la deuxième partie du col, Pogacar a nettement accéléré.
RECORD à ROM(M)E
Tadej Pogacar a battu le record de la montée qui datait de 2009, 27min08s par Contador, Kloden et les frères Schleck. Il a fait 26min48sec à 19.9 km/h et développé 442 watts étalon, 6.35 w/kg. Derrière Carapaz a roulé en moyenne à 19.1 km/h, en 27min55sec, pour 422 watts étalon, 6.1 w/kg et David Gaudu à 18.52 km/h, en 28min48sec, 406 watts étalon, 5.95 w/kg. Seul dans l’ancien monde, Pogastrong a maintenu son niveau après une très courte descente dans le col de la Colombière, 7.5 km à 8.52%, deuxième partie de notre Radar. Aucun des nombreux échappés rattrapés n’a pu tenir sa roue, ne serait-ce qu’un mètre.
POGACAR, un nouveau mutant qui sommeille.
Pogacar, seul, sur la Colombière en 21min55sec n’a pas pris le record mais sous la pluie, avec un vent de face à proximité du sommet il n’a fini qu’à 12 petites secondes prés de la performance record de 2018 faite par un groupe mené par Dan Martin suivi de Froome et l’équipe Sky . Par contre, il a maintenu sous la pluie sa puissance moyenne étalon de 441 watts (6.35 w/kg), sans fatigue apparente, ni du début de Tour, ni de la veille, ressentie par l’ensemble du peloton. Par rapport au même enchainement du radar en 2018, deux faits importants sont à souligner. Le col de Romme avait été gravi presque 3 minutes plus lentement en 29min30sec , 402 watts étalon avec 40 watts de moins que cette année. Le col de la Colombière avait été escaladé en peloton groupé en 2018. Pogacar l'a gravi seul, sans drafting (aspiration). En 2009, dans ce même enchaînement, Contador et les frères Schleck avaient gravi la Colombière en 22min48sec avec 53 secondes de plus que Pogacar cette année, après une rapide montée de Romme en 27min08sec.
Sur l'ensemble des deux cols, Romme plus Colombière, Pogacar a donc réalisé une performance qui représente 49 min de montée à 442 watts Etalon !
C’est stupéfiant, vraiment.
Au Dauphiné Libéré, dans une autre performance qui a choqué tout le monde, Mark Padun, de chez Barheïn, a tenu 45min17s à 430 watts étalon sur la montée de la Plagne. Pogacar a réalisé une performance bien supérieure à celle de Padun et à toutes celles de Lance Armstrong en solitaire ( voir tableau).
Les grandes performances sur les longues montées ces dernières années qui se rapprochent de celle de Pogacar sont rares.
- Armstrong avait gravi, avec Valverde, la montée de Courchevel en 2005 en 42min50sec à une puissance étalon estimée de 435 watts, mais ils étaient deux.
- Contador et Rasmussen: Plateau de Beille 2007 : 44min17sec, 431 watts étalon, ils ont été tous les deux suspendus.
- Contador (avec clenbuterol) et Schleck 2010: Tourmalet 50min, 431 watts étalon, 11 watts de moins
- Roberto Heras vuelta 2000, Angliru, 40min43sec 436 watts étalon, rattrapé par la patrouille lui aussi.
Ivan Basso, qui a été suspendu deux ans, a réalisé une performance un peu au-dessus de celle de Pogacar, à Monte Bondone en 2006 avec 455 watts étalon pendant 46min15sec. Celle du Slovène devient historique. Miguel Indurain à La Plagne en 1995 a fait aussi 450 watts étalon sur 45min40sec. C’est sa performance mutante la plus significative qui rejoint celle des autres mutants sur les longues montées comme Pantani à Montecampione au Giro 1998, 47min35sec, 458 watts étalon.
Pogacar est en passe de rejoindre ce club extrêmement fermé, celui des mutants. Il n’aura pas à forcer son talent. Miraculeux, cela suffira.
POGACAR, monsieur +10%
Derrière Pogacar, tous les coureurs ont "explosé". Ils sont tous avec 40-50 watts de moins que lui.
Le deuxième temps de la montée est pour Dylan Teuns vainqueur de l'étape. Le belge n'a pas dépassé les 400 watts étalon. Carapaz a fléchi sur cette dernière montée: 24min07sec, 394 watts étalon (5.7 w/kg). Le groupe Gaudu a fini en 23min58sec sur la Colombière avec 393 watts étalon (5.75 w/kg).
Pogacar a donc été le seul coureur qui ne semblait pas fatigué en fin d'étape malgré le mauvais temps, le début d'étape très rapide, sa montée de Romme supersonique et l'étape de la veille ! Il a un rendement supérieur de 10% en moyenne à celui des autres concurrents ! C’est incroyable, indécent. 10%, c’est le maximum en amélioration de performance que peut apporter un traitement aux produits lourds dopants qu’on a pu observer dans tous les sports. Il existe une grande littérature et beaucoup de témoignages sur ce +10%. Mais Pogacar est clean, n’est-ce-pas ?
Le lendemain vers la montée de Tignes, Pogastrong s’est contenté de gérer son avance et quand il a voulu il a largué tout son monde.
Sur notre deuxième radar sur six du Tour de France, lors de la montée de Tignes, 7.2 km à 6.97 %, il a développé en moyenne un petit 388 Watts Etalon en 19’36sec. Il a juste accéléré sur la fin avec 10’42sec sur la fin et 416 Watts Etalon, 5.95 w/kg, ce qui lui a permis de remettre 30 secondes à ses suivants... Encore une fois, c’est le seul qui n’a pas paru épuisé après une étape dantesque où 19 coureurs sont arrivés hors-délai.
Le grand espoir David Gaudu a même été lâché du groupe des favoris derrière Pogacar, concédant 1min30sec au Slovène. Nous avons consacré deux articles au valeureux et talentueux David (voir celui sur le TdF2020 et celui sur la Vuelta 2020).
Le Slovène, qui le ridiculise, pourrait être tout à fait dans l’allure de notre pire prévision, à savoir qu’il pourrait être le premier à dépasser le seuil miraculeux des 430 watts étalon, atteint en 2003, avec Lance Armstrong. Il n’aura surement pas à le faire, tellement il domine déjà à 415-420 watts en lâchant tout le monde. Il se promène.
Le grotesque va continuer, déjà entamé l’an passé au tour 2020 avec quatre records battus par Pogacar, certains repris à son ancien détenteur Lance Armstrong au cols de Peyresourde, Grand Colombier, Marie Blanque et Planche des belles Filles, pour, déjà, une moyenne de 421 watts. Une moyenne qu’on n’avait pas vu depuis 10 ans avec Contador, suspendu deux ans. Armstrong a été suspendu à vie. Le peloton des vertueux, les journalistes, les suiveurs, les spectateurs sont suspendus, eux, à leur conscience. Résistez !
Nous étions comme des cochons qui avaient peur de la mangeoire. Le porte-parole d'Armstrong et Contador criait « Armstrong ! Contador ! ».
La mangeoire
Chaque jour, cet ancien journaliste belge pénétrait dans le chapiteau où travaillent les journalistes de presse écrite, l'étape finie, pour remplir la mangeoire : des propos enregistrés par ses soins auprès d'Armstrong et Contador, qui se détestaient, qui étaient tous deux contestés, dans une équipe malmenée (Astana), ce qui faisait au moins trois raisons pour que ces coureurs s'expriment par mangeoire interposée. Leur intervieweur attitré déposait son dictaphone au milieu de la pièce. Chacun pouvait venir y coller l'oreille. Pas de transistor, pas de Contador.
Les journalistes préposés aux exploits d'Armstrong ou de Contador, sachant qu'ils n'obtiendraient rien en-dehors du canal officiel, se levaient d'un pas très las. Ils se mettaient en petit cercle. Appuyaient sur « play ». Recopiaient sur un carnet. Parfois, un journaliste pas obligé faisait semblant d'aller chercher une bouteille d'eau fraîche et, sur le chemin du retour, quand il n'y avait plus personne à la ronde, s'approchait de la mangeoire. On faisait semblant de ne pas regarder. Bouton play. Vingt à quarante secondes d'une parole prophétique. « Des bonnes jambes ». « Merci l'équipe ». « On verra demain ».
Nous sommes douze ans après, la mangeoire déborde. Une horreur pour les cochons ( je me rappelle d'une scène sculptée dans l'église de Marciac, avec des pourceaux gourmands qui partent à la glandée, mais, ici, rien de gourmand). Ce ne sont pas les journalistes qui y perdent le plus, mais les lecteurs, ainsi que les coureurs n'ayant rien à cacher ou à craindre de leurs propos, c'est-à-dire une immense majorité (notons que ceux qui ont des choses à cacher sont souvent très aériens à l'oral, de sorte que la mangeoire est dans leur cas superflue). Toutes les équipes versent chaque jour des dizaines d'interviews enregistrées en interne, via des mails, plate-formes de téléchargement et groupes WhatsApp. Pas le droit de poser d'autres questions. Pas le temps de connaître ceux qui font ce sport, de dessiner leur portrait, de les faire parler, de les comprendre, peut-être de les aimer.
Distanciation et pool
Les « distanciations » imposées par le Covid ne sont pas en cause dans cette coupure brutale et déshumanisante. Quelques semaines après le Tour du « Armstrong ! Contador ! », je me trouvais aux championnats du monde de Mendrisio (en 2009, donc). L'UCI expérimentait un dispositif visant à ce que les journalistes de presse écrite n'accèdent plus à la ligne d'arrivée, mais à ce qu'ils collectent les « réactions » des coureurs par l'intermédiaire d'un « pool » de journalistes désignés par la fédération internationale, en concertation avec le syndicat (fictif) des journalistes de vélo. Le « pool » est la plaie de la politique et d'autres gros sports. La fabrique du néant. Le choix de filtrer ne conduit pas seulement à occulter des questions gênantes (d'ailleurs assez rares) mais à produire du rien. Lors de ces mêmes championnats, décidément instructifs, j'apprenais qu'un haut responsable du Tour envisageait d'appliquer le système de « pool » sur sa course, après les avoir vus à l’œuvre sur un salon international de Monaco. Idée repoussée, mais pas pour très longtemps. En 2015, je m'en suis ému auprès de Vincent Lavenu, partisan d'un sport tenu par la proximité des personnes. Il m'avait répondu : « Vous avez de la chance. On est plus ouvert que dans le foot ». Pourtant...
La mangeoire désormais institutionnalisée a été construite par les organisateurs et une poignée d'équipes, évidemment les plus riches, les plus victorieuses et les plus suspectées – les trois qualités roulent de conserve. Les raisons sont variées, du temps de récupération accru qu'on voudrait accorder aux coureurs (à la place, on les occupe avec des rencontres avec des sponsors et VIP), monétisation de la parole (des esprits cinglés imaginent la nuit des plateformes payantes où on viendrait se connecter pour écouter ce que pense tel ou tel coureur : l'étape suivante ?). En moins de cinq ans, nous avons basculé. Nous = toute la chaîne du vélo. Plus de chair, plus de verbe. Certains coureurs ont même été priés de réserver leur communication aux réseaux sociaux, et de confier cette « expression » à des agences qui travaillent en sous-main avec leurs équipes. Le football : nous y serons.
« Dis-le pour nous »
Sans parler des opérations promotionnelles ou des interviews « intimistes » ordonnancées sur Zoom avec seulement quatre journalistes posant les mêmes questions (la version non intimiste en prévoit trente posant les mêmes questions), et en attendant le moment où un moment de révolte fendra la mangeoire en deux à coups de hache, il est difficile mais possible de contourner pour un journaliste de presse écrite. Grâce à une minuscule poignée d'équipes qui pensent que leurs coureurs ont le droit de parler, peut-être même le devoir. Grâce à certains de ces coureurs qui envoient des messages clandestins, usés que leur corps appartiennent à leur employeur, leur liberté de ton mais aussi désormais le moindre mot qui sort de leur bouche. Ils sont les premières victimes de ce néant. Souvent, quand ils écrivent en cachette, ils ajoutent : « Dis-le pour nous ».
Pierre Carrey, né au pied des Pyrénées, est journaliste indépendant
Cette page a été mise en ligne le 04/07/2021