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Eufemiano Fuentes
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Un dossier de cyclisme-dopage.com
Repères
- Médecin espagnol, gynécologue de formation (!), il a officié dans plusieurs équipes dont Once (époque Alex Zülle et Laurent Jalabert) et Kelme. Il ne cache pas ses liens d'amitié avec Luigi Cecchini, un autre médecin aux pratiques douteuses. Il est l'époux de l'athlète Cristina Perez Diaz.
- 1955 : Naissance à Las Palmas (Espagne)
- Années 70 : Il obtient un diplôme de gynécologie à la faculté de Navarre à Pampelune. Il devient aussi champion universitaire du 400 mètres haies.
- 1979 : il exerce pendant un an dans un petit cabinet privé de Las Palmas.
- 1980 : à l'initiative de Manuel Pascua Piqueras, nouvel entraîneur en chef de la fédération espagnole d'athlétisme, il devient médecin de la résidence Blume, un centre d'entraînement pour athlètes. Il collabore avec José Maria Odriozola, un biochimiste qui deviendra plus tard président de la fédération espagnole d'athlétisme. Il met en place au sein de la fédération un programme qu'il appelle "suivi biologique" et qui consiste à tester sur les sportifs des produits composés officiellement de substances ergogéniques, d'aminoacides et de sérum.
- 1984 : il commence à travailler dans le monde cycliste, en particulier avec l'équipe Orbea-Danena qui deviendra Seat-Orbea l'année suivante.
- 1985 : son "patient" Pedro Delgado, remporte le Tour d'Espagne. Côté athlétisme, les choses vont moins bien. Les laboratoires du conseil supérieur des sports espagnols (CSD) le déclarent persona non grata après qu'il eut tenté de camoufler des produits dopants interdits dans des flacons autorisés par la FIA (fédération internationale d'athlétisme). Cinq des sportifs qu'il suit sont contrôlés positifs. La fédération décide de ne pas les suspendre, mais Fuentes doit s'expliquer publiquement pour la première fois : "Les personnes contrôlées étaient volontaires pour ces tests. Le corps médical est conscient qu'il ne peut pas réaliser ce genre de tests sur des athlètes confirmés. Ce serait mauvais pour leur image et pour l'image du sport espagnol."
- 1986 : sa future femme et spécialiste du 400 mètres haies, Cristina Perez, qu'il a rencontrée quelques temps plus tôt, est contrôlée positive aux amphétamines. La fédération espagnole d'athlétisme rompt sa collaboration avec Fuentes.
- 1990 : il devient médecin à lala Once de Manolo Saiz.
- 1991 : son "patient" Melchior Mauri, remporte le Tour d'Espagne. Il est alors sous les couleurs de la Once de Manolo Saiz.
- 1992 : s'occupe de l'équipe Amaya de Jesus Montoya.
- 1994 : s'occupe de l'équipe Kelme.
- 1995 : s'occupe du club de deuxième division espagnole de Elche.
- 1996 : refuse une proposition d'engagement du FC Barcelone (première division espagnole de football) pour devenir médecin à plein temps de l'équipe Kelme.
- 2001 : la police intercepte un message sur le répondeur d'Angel Casero de l'équipe Festina. Fuentes informe le coureur qu'il l'attend sur la ligne de départ "avec ce que tu sais"..
- 2002 : toujours médecin de la Kelme, il signe, selon Jesus Manzano, des ordonnances d'hormones masculines. Il se défend en affirmant que les gélules ont été dérobées à sa soeur Yolanda, également médecin de l'équipe Kelme. La même année, il invoque des raisons familiales pour refuser une nouvelle offre d'embauche du FC Barcelone.
- 2004 :
- Avant le départ du Tour de France 2004 à Liège, Rudy Pevenage réserve une chambre dans un hôtel à Kelmis. Il fait placer un réfrigérateur supplémentaire dans sa chambre. Alberto León, surnommé Ali Baba, venu avec le TGV de Bordeaux jusqu’à Liège livre les poches de sang préparées par Fuentes. Le lendemain soir, les docteurs José Luis Merino et Eufemiano Fuentes rejoignent Pevenage. "Une liste a été établie avec les coureurs qu’Ali Baba a dû visiter en tant que transporteur. Il l’a fait sur mon VTT et les paquets étaient dans son sac à dos. Ali Baba était un touriste à l’allure parfaite. Les poches de sang ont été soigneusement emballées dans des cartons de lait vides et scellées avec un code", expliquera Rudy Pevenage en 2020 dans son livre Der Rudy
- Un ancien coureur de l'équipe Festina loue pour son compte un appartement à Limoges pendant le Tour de France. Il y aurait pratiqué une transfusion sur Tyler Hamilton. (Cliquez ici pour en savoir plus).
- 1984 : il affirme se retirer définitivement du cyclisme pour se consacrer à la recherche d'un remède contre le rétinoblastome, grave maladie oculaire dont souffre une de ses filles.
- 2004 : alors que le Tour de France 2004 observe une journée de repos, il effectue des transfusions sanguines sur plusieurs de ses patients, parmi lesquels Tyler Hamilton. L'opération aurait eu lieu dans un appartement mis à disposition par Pascal Hervé, ancien coureur Festina, qui est alors propriétaire d'un restaurant dans la ville
- 2006 :
- Il exerce officellement dans l'équipe Liberty Seguros mais a développé une clientèle qui va bien au-delà.
- En février, il commence à travailler avec Thomas Dekker. Les deux hommes auraient été mis en relation par Jacques Hanegraaf. Dekker verse 10000 euros en liquide au médecin le 26 avril à l'occasion d'une transfusion. Lors d'un déplacement à Madrid, le 10 mai, la transfusion est effectuée par l'ancien vététiste Alberto Leon, qui fait office d'assistant pour le Dr Fuentes. Plus tard, au Tour d'Italie, Dekker remarquera la présence d'Alberto Leon (aussi connu sous le sobriquet Ali Baba) sur le parking de l'hôtel de l'équipe CSC.
- Selon Dekker, son coéquipier Remmert Wielinga aurait aussi été un des jeunes patients du Dr Fuentes. Wielinga a toujours nié.
- Fuentes reçoit la visite à son domicile de la police espagnole le 23 mai. C'est le début de l'opération Puerto. La Guarda Civil retrouve 89 poches de sang dans son congélateur ainsi que des agendas remplis de noms de cyclistes. Il est arrêté.
- 2007 : il bénéficie d'un non-lieu dans le cadre de l'opération Puerto, le juge estimant que les fait de mise en danger de la vie d'autrui ne sont pas établis, même si l'existence d'un réseau de dopage sanguin est avéré. Fort de cette décision, il se prend à rêver de prix Nobel de médecine, ainsi qu'il le confie au Stern du 27/12/2007.
- 2009 : selon Jörg Jaksche, les coureurs qui avaient affaire à lui le contactaient sous le nom de code d'Astérix.
- 2010 : à nouveau soupçonné d'avoir participé à un trafic de stupéfiants, il est inculpé et incarcéré pour "délit contre la santé publique et trafic de substances illicites" dans le cadre de l'enquête sur l'affaire Galgo. Fuentes apparaît dans le dossier sous le pseudo de "Dios".
- 2011 : il est recruté par l'Universidad de Las Palmas, club de football de deuxième division espagnole connu pour diffuser avant les matchs l'hymne franquiste.
- 2012 : En mars, il admet avoir pratiqué des transfusions sanguines dans des hôtels en compagnie de José Luis Merino Batres. Bonne nouvelle pour Fuentes en mai dans le cadre de l'affaire Galgo déclenchée en 2010 : la juge Mercedes Perez ordonne "le non-lieu et le classement des procédures" pour l'ensemble des 12 accusés.
- 2013 : Jugé, en compagnie de sa soeur et de trois autres accusés, dans le cadre du procès de l'affaire Puerto, il écope d'une peine d'un an de prison. En Espagne, les peines de moins de deux ans de prisons ne sont pas effectuées.
- 2015 : Son nom apparait dans le scandale de la banque suisse HSBC. Il aurait retiré 265000 euros en liquide en 2005. Il déclare que cette somme était destinée à s'acheter un bateau et à payer l'hôpital pour sa fille.
- 2016 : En avril, son nom apparaît dans le scandale des "Panama papers" révélant un vaste système d'évasion fiscale et de blanchiment d'argent. Le médecin aurait ouvert un compte en 2005 avant de le fermer dans la foulée de l'affaire Puerto. 900.000 euros auraient transité sur le compte. En juin 2016, il est acquitté, la justice espagnole considérant que le sang utilisé dans les transfusions n'est pas un médicament dopant et que le médecin n'est donc pas coupable de délit contre la santé publique.
- 2017 : Après avoir été blanchi, le Dr Fuentes demande à la justice espagnole de lui restituer les poches de sang de ses anciens clients. Résultat, un jugement rendu en juin empêche les autorités antidopage de mettre la main sur ces précieuses pièces à conviction.
"Patients" du Dr Fuentes
Cyclistes
Equipe cyclistes
Affaires de dopage dans les équipes de Fuentes
- Jose Cayetano Julia Cegarra (Kelme - 2002) : contrôlé deux fois positif (Tour de l'Avenir, Paris-Tours) et suspendu 6 mois.
- Jésus Manzano (Kelme - 2002) : reconnaît en 2004 avoir été dopé et affirme l'avoir été par le Dr Fuentes.
Il a dit
1994
- « Quand je suis sur une course, je roule avec les coureurs. Mais quand je suis en vacances, je suis totalement débranché et il est difficile de me joindre. » (El Mundo Deportivo, 12/05/1994)
2006
- "Il y a des traitements biologiques qui permettent d'améliorer la récupération des sportifs. On ne peut pas manipuler le sang. (...) On peut le remplacer si la vie du sportif est en danger. "Mon objectif est de m'occuper de mes patients." (romandie.com - 05/07/2006)
- "Quand la police m'a interpellé, ils ne m'ont pas laissé appeler ma femme. j'ai même dû retirer mon alliance. Ils m'ont aussi empêché de prendre du linge quelle heure il était. j'ai eu l'impression d'être un criminel de guerre." (Cité par Pédale ! - 07/2011)
2007
- "Le sport de haut niveau est un cirque dans lequel la santé des athlètes est reléguée au second rang. Peut-être me donneront-ils le prix Nobel dans 20 ans, peut-être vont-ils me construire un monument commémoratif. Ou ils me tueront. (...) Le corps d'un cycliste professionnel n'est pas fait pour endurer trois semaines d'efforts continus." (Stern du 27/12/2007)
2008
- "Le cycliste est le sportif qui souffre le plus. Ce qu'on lui impose est effroyable. Par expérience, je sais que ce sont des personnes manipulables." (Cité par Pédale ! - 07/2011)
2010
- "Si je parle, on retire immédiatement le championnat d’Europe et la Coupe du monde à l’Espagne." (propos que le Docteur Fuentes aurait tenus à un compagnon de cellule et rapportés par www.20min.ch le 13/12/2010)
2013
- « J'ai décidé de procéder à des extractions et réinjections de sang. Le sang devient visqueux lorsque l'hématocrite s'élève, c'est dangereux et c'est pourquoi nous procédions à son extraction pour faire descendre le taux. Nous le congelions des fois que son propriétaire aurait besoin de se le réinjecter, dans le cas inverse où son hématocrite serait trop bas, ce qui est tout aussi dangereux. L'UCI a fixé la limite maximale à 50 %, je ne comprends pas pourquoi elle n'impose pas une limite minimale. Nous avons agi pour la santé du coureur. » (Procès Puerto, 29/01/2013, cité par velo101.com)
Ils ont dit de lui
1992
- Javier Minguez, directeur sportif de l'équipe Amaya : "Fuentes est un professionnel qui soigne un autre professionnel." (L'Equipe - 13/05/1992)
2008
- Joerg Jaksche, dopé repenti : "Maintenant, il se met en scène comme un bienfaiteur qui veut avoir procuré seulement de la "médecine thérapeutique". Il se contredit lui-même ! Il parle d'aider "des cyclistes stressés" mais il recevait des centaines d'euros quand un de ses clients gagnait une course importante." (radsport-activ.de, cité par cyclismag.com - 22/01/2008)
2010
- Rudy Pévenage, ancien directeur sportif de T-Mobile et de Jan Ullrich : "Fuentes n'était pas le seul médecin à cette époque-là. Les autres équipes avaient aussi leur organisation en matière de préparation médicale. Mais ce qui s'est passé avec Manolo Saiz et Rudy Pévenage a donné bonne conscience aux autres, comme pour Festina en 1998." (L'Equipe - 08/07/2010)
2011
- Txomin Perurena, directeur sportif de l'équipe Seat-Orbea en 1985 quand Fuentes y travaillait : "C'était quelqu'un d'adorable et de très compétent, et surtout très drôle. Il avait du mal à sortir de son lit, alors à chaque fois qu'il arrivait en retard, il nous disait avec un grand sourire que sa grand-mère était morte. Je ne sais pas combien de grands-mères il avait..." (Pédale ! - 07/2011)
- Gérard Dîne, biologiste, spécialiste du dopage : "Fuentes a réussi à nouer des relations fortes avec les sportifs car ce n'est ni un apprenti sorcier ; ni un bricoleur. C'est quelqu'un qui connaît beaucoup mieux que les autres médecins du sport les exigences qu'on impose aux cyclistes. Il les comprend puis il leur donne ce dont ils ont besoin pour y arriver. fi ne faut pas croire que sa méthode de dopage était du bricolage, faite à partir d'EPO achetée sur internet dans les pays de l'Est. Au contraire, c'était tout à fait rationnel, en fonction des exigences de la compétition, et contrôlé médicalement." (Pédale ! - 07/2011)
- Carlos Lopez, président de l'Universidad de Las Palmas, club de football de deuxième division espagnole qui l'a recruté : "Il s'est fait fusiller publiquement, mais c'est avant tout un grand professionnel." (Pédale ! - 07/2011)
2012
- Bjarne Riis ancien manager de Tyler Hamilton qui affirme que le danois lui a présenté le Dr Fuentes : "Je ne connais pas Fuentes, je ne l'ai jamais rencontré." (rtl.fr, 31/08/2012)
- Jan Ullrich, ancien coureur et ancien patient : "Je confirme que j'ai été en contact avec Fuentes. (...) Je sais que c'était une grosse erreur que je regrette beaucoup. Je veux m'en excuser auprès de tout le monde." (sur son site Internet, cité par eurosport.fr, 10/02/2012)
- Alejandro Valverde : « Eufemiano faisait partie de l'équipe technique de mon équipe précédente [Kelme]. J'étais là-bas. J'étais là, mais je ne veux pas revenir là-dessus. » (cyclingnews.com, 31/10/2012)
2013
- Tyler Hamilton : « Il est un peu timbré mais génial. Il savait ce qu’il fallait faire et comment ne pas se faire prendre. » (Tyler Hamilton, La course secrète, 2013)
- Jan Ullrich : « Oui, j'ai eu recours aux traitements de Fuentes. (...) Selon moi, il y a escroquerie à partir du moment où je me procure un avantage. Il ne s'agissait pas de cela. Je voulais favoriser l'égalité des chances. » (Focus, 24/06/2013, cité par radio-canada.ca le 22/06/2013)
2016
- Thomas Dekker, ancien patient, raconte sa première transfusion : « Je sens qu'il est totalement indifférent à qui je suis ou ce que je fais. Je suis un numéro, rien de plus. Et je ne suis pas le seul. Je suis le numéro 24, ce qui signifie qu'il doit y en avoir au moins 23 autres. » (Thomas Dekker, The Descent - Ebury Press, 2017)