Actualité du dopage

Quand Jalabert confond "docteur Citroën" et docteur Ferrari


25/06/2013 - lemonde.fr - Stéphane Mandard

Lors de son audition sous serment, le 15 mai, devant la commission d'enquête sénatoriale sur l'efficacité de la lutte contre le dopage, Laurent Jalabert a manié l'humour. A la question des parlementaires qui essayaient d'en savoir plus sur les pratiques en vigueur au sein de la formation espagnole ONCE avec laquelle le Français se mua de meilleur sprinteur en meilleur grimpeur du Tour de France entre 1992 et 2000, l'ancien coureur eut cette réponse : "Notre docteur était surnommé docteur Citroën."

Une boutade pour sous-entendre qu'il n'avait pas collaboré avec Michele Ferrari, le médecin italien de Lance Armstrong. Selon nos informations, le nom de Laurent Jalabert apparaît pourtant dans des documents saisis par la police italienne au domicile de Michele Ferrari lors d'une enquête diligentée en 1998 par le juge de Bologne, Giovanni Spinosa. Ses pièces montrent notamment que l'hématocrite (considéré comme un marqueur indirect de la prise d'EPO) du Français passe de 42 % le 19 janvier 1997 à 54 % le 28 août 1997.

En recoupant les procès verbaux conservés par le ministère des sports et les analyses effectuées en 2004 par le laboratoire antidopage de Châtenay-Malabry sur des échantillons d'urine prélevées lors du Tour de France 1998, la commission d'enquête sénatoriale a pu identifier qu'un des nombreux prélèvements positifs à l'EPO appartenait à Laurent Jalabert.

Lundi, sur les ondes de RTL, puis sur France Télévisions (...) l'ancien sélectionneur de l'équipe France a plaidé sa bonne foi et pris ses distances avec le docteur... Fuentes. "Je peux vous assurer que jamais je n'ai eu affaire à ce docteur, il a été dans l'équipe ONCE visiblement avant que je n'y arrive mais je n'ai jamais eu affaire à ce docteur comme ça a pu être dit à de multiples reprises... Je n'ai jamais eu rien à voir avec l'affaire Puerto."

En 1998, ce n'est effectivement pas le médecin espagnol, qui vient d'être condamné à un an de prison pour avoir organisé un vaste réseau de dopage démantelé à Madrid en 2006, qui était en relation avec des coureurs de la ONCE. Mais un ancien coureur, qui a porté les couleurs de la formation espagnole aux côtés de Laurent Jalabert en 1998, confirme au Monde que le Français, comme d'autres de ses partenaires de l'époque, a bien été en relation avec le docteur Ferrari.

Pendant le Tour de France 1998, le Suisse Alex Zülle, autre ex-coéquipier, qui venait de quitter la ONCE pour la formation Festina, avait été placé en garde à vue dans le cadre de l'affaire dite Festina. Lors de son interrogatoire, il avait confié aux enquêteurs : "Lorsque je faisais partie de l'équipe ONCE, je peux dire que la vingtaine de coureurs consommait de l'EPO sous contrôle des docteurs [de l'équipe], Nicolas Terrados et un prénommé José."

(...)

En 2004, le tribunal de Bologne avait condamné Michele Ferrari à une peine d'un an de prison avec sursis pour fraude sportive et exercice illégal de la profession de pharmacien. Le médecin avait été relaxé en appel deux ans plus tard pour prescription des faits. Mais en juillet 2012, l'agence américaine antidopage, l'Usada, l'a suspendu à vie en raison de son implication dans la mise en place du système de dopage qui a bénéficié à Lance Armstrong au sein de la formation US Postal.

Si Laurent Jalabert ne risque pas de sanction par rapport aux résultats de l'analyse des échantillons de 1998 - pratiquée en dehors de toute procédure disciplinaire -, il s'expose néanmoins à des poursuites pénales s'il s'avère qu'il a menti sous serment devant les sénateurs.


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Cette page a été mise en ligne le 25/06/2013