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Actualité du dopage

Verbruggen invité au bal des faux culs


01/11/2000 - Libération - Renaud Lecadre

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Hein Hein Verbruggen, président de l'UCI (Union cycliste internationale), a dû en convenir à demi-mots: «Il y a un petit groupe de tricheurs; et puis il y a un groupe beaucoup plus grand de coureurs qui sont obligés de suivre, sinon ils se sentent défavorisés; la troisième catégorie ne se dope pas mais se bourre de médicaments autorisés; la quatrième, plus petite, ne prend rien du tout.»

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Prenons le cas de Laurent Brochard, coureur de Festina, champion du monde en 1997. Contrôlé positif à l'issue de la course, il a produit un certificat médical à retardement pour justifier sa prise de lidocaïne. L'article 43 du règlement de l'UCI est pourtant formel: l'alibi thérapeutique produit «après le contrôle» ne peut être retenu. Hein Hein Verbruggen s'assoit consciencieusement dessus: «Si un médecin veut tricher, il peut le faire avant ou après la course.» Au diable le règlement, donc. Brochard, qui a toujours nié s'être dopé pour obtenir son titre mondial, n'a pas été suspendu.

(...) Autre champion du monde, de VTT cette fois, Jérôme Chiotti. Il a avoué une prise d'EPO à l'occasion de son titre 1996. Bonne mère, la Fédération française de cyclisme (FFC) lui accorde une sanction avec sursis. L'UCI fait aussitôt appel: pas question de faire une fleur au repenti. «Nous sommes très stricts avec l'application du règlement», se justifie sans rire Hein Hein Verbruggen. Ce flagrant délit de deux-poids-deux-mesures ouvre un boulevard à Me Thibault de Montbrial, l'avocat de Bruno Roussel, ancien directeur de Festina: «Cela démontre la volonté de l'UCI de maintenir l'omerta. Le signal est clair: les prochains à parler n'échapperont pas à une sanction.» Son client apporte un témoignage similaire. A l'issue du Tour des Flandres 1994, Hein Verbruggen coince Roussel dans un couloir, s'ingère dans un conflit privé entre l'équipe cycliste et son sponsor Festina. La conversation se termine par cette menace: «Je suis en mesure de vous faire un coureur positif quand je veux.» Willy Voet, soigneur de l'équipe, confirme ces propos tenus par Hein Hein Verbruggen.(...)

Hein Hein Verbruggen fait tout pour ressembler à sa caricature, surtout lorsque président du tribunal, Daniel Delegove, l'interroge sur les trous de sa politique antidopage. (...) «Vous avez commencé à consacrer de l'argent à la détection de l'EPO à partir de 1995. Jusqu'à ce jour, le budget que vous y avez consacré à cette recherche s'élève à 1,8 million de francs. C'est peu par rapport au budget de fonctionnement de l'UCI sur cette même période (de 1995 à 2000) estimé à 250 millions de francs», assène-t-il avant de redonner la parole à Hein Hein Verbruggen.

Lui, son scientifique préféré est le docteur Patrick Mangin. Ancien responsable du laboratoire de Strasbourg, qui avait mis au point un test de dépistage par les cheveux (ceux de Laurent Brochard, qui a commis l'impair de les porter longs, ont permis d'établir son programme de dopage sur deux ans), ce bon docteur a subitement changé d'avis en prenant la direction du laboratoire de Lausanne, qui travaille surtout pour l'UCI. Evidemment, Hein Verbruggen se retranche derrière cette sommité. «Depuis 1991, les tests capillaires permettent d'envoyer des gens en prison à perpétuité, mais pas de suspendre un coureur pendant six mois», s'étonne le président Delegove. «Vous me l'apprenez», rétorque la réputée partie civile, dont l'interrogatoire prend l'allure de celui d'un prévenu.

(...) Le président Delegove essaie de le titiller sur la filière batave - l'équipe Festina était composée d'anciens responsables de l'équipe néerlandaise PDM, pionnière en matière de dopage. Dès 1989, sept coureurs, compatriotes de Hein Verbruggen, décèdent dans des conditions suspectes. «C'est tout de même étrange, tous ces cyclistes néerlandais qui meurent. Tous ne sont pas morts, mais beaucoup furent touchés.» Hein Verbruggen élude, car l'essentiel est ailleurs. Il est toujours en place à la tête de l'UCI.


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Cette page a été mise en ligne le 10/09/2005