Dossier dopage

Un système pour dépister les bovins engraissés aux hormones pourrait être adapté au sport


22/01/2005 - Libération - Blandine Hennion

Les experts de la lutte antidopage vont peut-être devoir retourner au champ. «Suivez le boeuf !» semble leur lancer Alain Paris, un chercheur de l'Inra (Institut national de la recherche agronomique) (...) qui travaille depuis dix ans sur les bovins traités aux hormones. Sa contribution, lors du colloque organisé jeudi à l'Unesco par le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), a en effet ouvert de nouvelles perspectives. (...) La méthode qu'il a mise au point pour détecter les anabolisants dans la viande bovine (...) pourrait révolutionner l'approche sportive du dopage.

Son idée ? Etablir une «signature biologique du dopage» pour chaque grande famille de produits (...). Il s'agit non plus de mettre en évidence la substance dopante elle-même, mais ses effets biologiques. Les méthodes directes de détection sont en effet longues et coûteuses. Pour la fameuse EPO, cela a pris dix ans. Alain Paris veut au contraire identifier les seules conséquences métaboliques dans l'organisme de la prise de ces substances. L'intérêt ? La fenêtre de détection est considérablement rallongée, améliorant ainsi l'efficacité des contrôles. (...)

(...) Le biologiste s'est donc lancé dans la métabonomique, nouvelle science (...) qui nécessite des concours pluridisciplinaires. Entouré de chimistes et de statisticiens, il a cherché à déterminer une carte métabolique de la prise des anabolisants chez les vaches laitières et les bouvillons. Les urines d'une centaine de bêtes (...) ont ainsi pu être comparées à celles de vaches traitées aux anabolisants. Grâce à la spectrographie par résonance magnétique, ils ont pu établir une carte (...) qui visualise tous les métabolites des sujets traités et non traités. Dans un cas, le glucose, par exemple, est en bas à droite, dans l'autre en haut à droite. En un clin d'oeil, il est facile de voir si la vache considérée est saine ou engraissée aux hormones.

La méthode passionne les responsables de la lutte antidopage. Car elle facilitera considérablement la détection. La fameuse THG, ce stéroïde qui a fait fureur chez les athlètes américains, a été longtemps ignorée. «C'est le paradoxe du lampadaire, explique Alain Paris. On ne peut trouver que ce qui est éclairé. Ce nouveau stéroïde modifié était inconnu. Les fraudeurs étaient tranquilles.» Or la composition de cette molécule étant très proche d'un stéroïde archiconnu, l'athlète dopé à la THG aurait présenté la même signature biologique qu'un dopé aux stéroïdes. Il aurait donc été suspect de dopage, alors même que le produit restait inconnu ! (...)

Des dizaines de nouveaux stéroïdes existent sûrement déjà, indécelables. Sauf avec cette méthode. «Dans la lutte antidopage, il faut des preuves. (...)», convient Alain Paris (...). Les experts de l'antidopage se contentent pourtant très bien de la simple suspicion dans un premier temps. «On aurait ainsi à disposition un criblage en amont qui permettrait de mieux cibler les contrôles sur les seuls sujets suspects. Un criblage pour repérer avant d'incriminer. Ce serait beaucoup plus efficace et moins cher», se réjouit Jacques de Ceaurriz, président du Laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry.

(...) Le suivi biologique des athlètes en serait aussi amélioré, avec une mise en évidence plus rapide des paramètres suspects. A défaut de sanctions, les sportifs seraient plus volontiers mis au repos. Pour prouver avec certitude qu'un sportif est positif, il faudra en revanche encore des années. «Cela pose des problèmes juridiques, mais c'est riche de promesses», encourage Michel Rieu, le conseiller scientifique du CPLD.


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Cette page a été mise en ligne le 28/08/2006