|
Actualité du dopage |
Le nombre d'interlocuteurs qui me disent ou m'écrivent qu'ils ne regardent plus ni le vélo en général, ni le Tour de France en particulier, est grandissant. « Grotesque, plus d'intérêt, dégoûtés » sont les mots les plus souvent associés. Paradoxalement, j'essaie de les convaincre de continuer, car certains coureurs sont méritants, car il reste l'aspect « tactique », parfois même spectaculaire. Evidemment, pour une étape comme aujourd'hui entre Valenciennes et Dunkerque où il ne s'est absolument RIEN passé à part quelques chutes, c'est compliqué. Mais ce n'est pas à cause de cet ennui absolu que ces passionnés de vélo, quasiment fans, ont lâché la rampe. Ils ne veulent plus être dupés, trompés par la couleur jaune cocu en quelque sorte. Si le cyclisme était crédible, nous aurions deux, voire trois fois plus de personnes que les 10 millions de spectateurs officiels sur les bord de route en juillet (c'est faux, sans doute à peine la moitié). L'équipe Arkea qui va disparaître n'aurait pas de mal à trouver un budget de reconduction. J'écrirais des poèmes sur le vélo, à la gloire de leurs pratiquants. Ce n'est pas le cas.
#LeTourdAntoine, comme chaque année, ouvre ses colonnes à des invités.
Aujourd'hui pour la chronique #3 c'est le journaliste Suisse Christian Rappaz, lauréat du prix Jean Dumur en 2016, collaborateur régulier pour L'Illustré.
Lisons Christian Rappaz :
Je fais partie des quelques dizaines de milliers de privilégiés de cette planète, parmi lesquels un bon millier de Suisses, qui ont eu l'opportunité de vivre le Tour de France de l'intérieur. Je l'ai même inscrit plus de vingt fois à mon « palmarès », entre 1986 et 2007, avec deux ou trois sauts de puce lors de ses passages en terres helvétiques par la suite. Une fidélité que mon entourage ne se prive pas de relever avec un brin de malice, me rappelant que j'ai passé deux ans de ma vie sur le Tour de France. Mais pas que. Le plus souvent, ma saison débutait en mars, par Milan-San-Remo, avant d'enchaîner avec Paris-Roubaix, le Tour de Romandie, le Tour de Suisse, le Giro plus sporadiquement avant de boucler la boucle par les Championnats du monde, naguère agendés en octobre.
La famille du vélo
J'ai donc partagé la carrière d'au moins deux générations de coureurs et de champions. De Bernard Hinault à Alberto Contador, en passant par Laurent Fignon, Stephen Roche, Pedro Delgado, Greg LeMond, Miguel Indurain, Jan Ullrich, Björn Riis, Marco Pantani, Floyd Landis et Lance Armstrong. Pour ne citer que les vainqueurs élus ou déchus de la Grande boucle. Autant dire que je faisais partie intégrante de la « famille du cyclisme » dont les membres, éminents ou pas, m'étaient aussi familiers que mes collègues des journaux que je représentais. Les saisons s'égrenaient ainsi sans soubresauts notoires, avec leurs lots d'émotions et d'exploits qui nous laissaient parfois dubitatifs mais sans que de grands scandales ne viennent les éclabousser. Il y avait bien eu l'alerte du Tour 88, lorsque le « majo jaune » espagnol Pedro Delgado fut contrôlé positif à la probénécide, un diurétique qui a la particularité de dissimuler des stéroïdes anabolisants à l'analyse, mais le Sévillan avait fini par être absous de tout péché par l'Union Cycliste International (UCI), au motif qu'elle avait “oublié” d'inscrire cette substance sur sa liste des produits prohibés. Quand j'y repensebref!
L'affaire Festina
Puis survint la déflagration du Tour 98 provoquée par l'affaire Festina. Petit rappel pour les moins de 45 ans. Le 8 juillet à 5h40, soit trois jours avant le départ du Tour, un soigneur de l'équipe française Festina, parrainée par l'horloger espagnol éponyme, est interpellé par les douaniers de l'Hexagone au détour d'une petite route à la frontière franco-belge, au volant d'une voiture mise à disposition par la société du Tour de France. Dans le coffre, les gabelous mettent la main sur des sacs isothermes contenant plus de quatre cents flacons de produits dopants et stupéfiants. Soit 235 ampoules d'érythropoïétine (EPO), 120 capsules d'amphétamines, 82 solutions d'hormone de croissance et 60 flacons de testostérone et autres corticoïdes. Il faudra toutefois attendre le 17 juillet pour que l'équipe Festina emmenée par Richard Virenque et une kyrielle de coureurs suisses soit exclue. Le ciel nous tombait sur la tête.
Indécence
Une chose est sûre: l'épisode a aussitôt rompu de manière rédhibitoire la confiance que j'accordais à ceux que je considérais comme de nobles et valeureux pédaleurs. Des coureurs avec qui on partageait les bons et les mauvais moments année après année et même quelques bières (c'était encore possible à l'époque), rattrapés un à un par la patrouille. Tous nous avaient pourtant maintes fois juré les yeux dans les yeux et la main sur le coeur n'avoir jamais recours au dopage. Au pire, un antidouleur de temps en temps. Autant vous dire que dès 1999, couvrir la Grande boucle et la saison cycliste en général, ressemblait plus à une corvée qu'un à privilège pour moi. Un pensum que plusieurs Tours du renouveau comme les qualifiait Jean-Marie Leblanc, ne parvenaient pas alléger. D'autant qu'en matière de renouveau, les cadors désormais présumés à l'eau claire, roulaient et grimpaient encore plus vite que leurs devanciers “chargés comme des mules”. A mes yeux, le « spectacle » devenait indécent.
Perte de sens
Ma mission n'avait plus de sens. Ma passion et mon envie d'y croire avaient été piétinées, massacrées par des « sportifs » sans foi, ni loi. Il fallait constamment faire le tri entre le probable tricheur et le supposé vertueux, trier le vrai du faux, le vraisemblable de l'improbable. Un exercice idiot et inutile. Pire, au moment de balancer chaque article, j'avais l'impression de tromper mes lecteurs que j'avais abreuvé de belles histoires écrites par « mes » Géants de la route. J'ai donc jeté l'éponge. Non sans avoir subi - et gagné - une procédure de plus deux ans entamée par l'innommable coureur lituanien Raimondas Rumsas, troisième du Tour 2002, plusieurs fois contrôlé positif au cours de sa carrière. Une plainte soutenue par la société du Tour déposée suite à une interview du procureur de la République de Bonneville, M. Vincent Le Pannerer, qui avait ordonné l'incarcération de madame Edita Rumsas (67 jours), arrêtée par la douane française quelques heures après l'arrivée du Tour à Paris avec, dans sa voiture, des produits considérés comme dopants. Au fil de ses réponses, M. Le Pannerer mettait en doute la fiabilité des contrôles antidopage ainsi que la probité du coureur lituanien et de son épouse. Les faits tragiques qui ont ensuite touché la famille Rumsas finiront de lui donner raison.
Gianetti est suisse
Personnellement, je n'ai jamais regretté ma décision de rompre avec le spectacle de dupes que sont devenues les grandes épreuves de cyclisme. Délibérément laissées aux mains des tricheurs de l'époque, mon compatriote Mauro Gianetti en tête, manager général de l'équipe UAE au sein de laquelle évolue notamment l'extra-terrestre slovène Tadej Pogacar. Les courses et leur issue sont tellement écrasées par les petits hommes verts qu'elles en deviennent ridicules.
Depuis mon pas de retrait, j'ai essayé d'apporter ma modeste contribution à tenter de rétablir un peu d'équité et d'honnêteté en soutenant ceux qui dénoncent - ou dénonçaient - les imposteurs (Antoine Vayer, Pierre Ballester, Christophe Bassons et autres vrais amoureux de la petite reine). A vrai dire, je suis devenu totalement indifférent au cyclisme et au Tour mitonnés à la sauce Pogacar, Vingegaard ou autre Evenepoel. Je me contente de suivre ce barnum de très loin et de rire - jaune - lors de chaque victoire et de chaque record signé par cette petite brochette de « champions venus d'ailleurs ».
Pour être tout à fait franc, j'ai appris ce week-end par une interview d'Antoine Vayer diffusée par l'excellent média alternatif français Tocsin, que le Tour de France 2025 a démarré
Cette page a été mise en ligne le 07/07/2025