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Pas un, mais deux Lance Armstrong font un combat de boxe française (#6)

10/07/2023 - cyclisme-dopage.com - Antoine Vayer - #TeamWattthefuck

Le combat des chefs
Source : Espé - 10/07/2023

L'ère des puissances miraculeuses de Lance Armstrong, entre 1999 et 2009, à 422 Watts Etalon de moyenne sur les col-radars du Tour de France, qu'on croyait avoir oubliée les dix années suivantes (remplacée par une ère de puissances suspectes mais plus raisonnables), se rappelle à notre souvenir depuis 2019 avec l'avènement de Pogacar puis Vingegaard. Cette résurgence nous inquiétait.

Les radars du Tour de France depuis 1994
Source : Frédéric Portoleau - 23/07/2022

Cette ère est non seulement confirmée mais dépassée.

On sait que l'apport des technologies de pointe est limité et ne compte pas pour grand-chose dans un troisième col à 7-8%, après quatre heures de vélo menées à fond de train par des équipiers plus forts que les leaders. Il n'est qu'à voir cet incroyable poids-lourd belge Wout Van Aert, weight class de plus de 75 kilos qui attend son Jonas de 59 kilos dans la dernière montée de l'étape après s'être échappé dès le kilomètre zéro, pour le tracter. L'apport 2.0 de la “modernité” est pourtant encore vendu, exactement comme pour l'Américain au moment de son avènement, pour expliquer l'inexplicable. Les jeunes startupers de l'école de commerce de l'organisateur, épaulés par leurs “journalistes”, jouent l'arlésienne, désuète comme la nostalgie vendue en permanence afin de noyer le présent, totalement inhumain. Les records de vitesses et de puissances ont déjà été explosés en 2023 sur certaines classiques. On a parlé de « cinq fantastiques » jeunes phénomènes de foire décomplexés sur un vélo (Pogacar, Vingegaard, Evenepoel, Van der Poel, Van Aert) , à fond en permanence, sans fatigue, sans stigmates. Sur Netflix, on filme des Marvel, des guerriers invincibles et immortels sur un fond de musique classique. On oublie les humains autour qui sont des gueux.

Avec l'analyse des premières performances de ce Tour 2023, au moment d'un premier bilan, on peut dire qu'Armstrong serait battu dans ce combat de boxe ou de catch - c'est selon - que se livrent le Slovène et le Danois. On peut, au travers de certains de leurs exploits ponctuels quantifiés en watts, les qualifier de mutants par moments. Ils ne sont pas suspects, ils ne sont pas miraculeux comme Lance. Ils sont mieux. Ils sont stimulés par leur duel sur le ring. Ils se portent des coups au visage dans cette zone mutante affolante des Pantani, Ulllrich, Indurain et Riis qui ont marqué de tant de cicatrices douloureuses ce sport. Le sang gicle à nouveau. Cette année, les arcades de tous les suiveurs qui fronçaient déjà les sourcils sont éclatées. Lance Armstrong était tout seul à écraser le peloton en l'utilisant comme punching-ball. Ils sont deux désormais à taper dessus. Plus fort encore. Tout le monde est éclaboussé. Comme autant de radars sur des cols majeurs, quatre rounds sur neuf ont déjà eu lieu.

ECHAUFFEMENT : shadow boxing

L'échauffement, c'est important en boxe. Au Pays basque, une première entame a été extrêmement musclée sur la montée de Pike dans le final de l'étape de Bilbao : 574 watts étalon pendant 3'43sec, 8,25 watts/kg ! Plus c'est court, plus on frappe fort et vite. Un étrange Français était là au warm-up sur la fin du sommet, Victor Lafay, qui a accompagné le jab dans le punching-ball poire de la bosse. Il a fait illusion et diversion. Il a même gagné une étape. Certains ont parlé d'espoir pour le classement général. Après 9 étapes, il est désormais 85ème à 1 heure 23 minutes et 21 secondes. C'était du shadow boxing.

Rajoute un lest à l'arrière...
Source : Espé - 10/07/2023

ROUND 1 : uppercut

Les deux combattants du Tour, Pogacar et Vingegaard sont alors vraiment montés sur le ring des ascensions pyrénéennes. Jonas Vingegaard a tout d'abord asséné un incroyable uppercut à Pogacar dans le col de Marie Blanque, situé à 18,5km de l'arrivée à Laruns. Le Danois a escaladé la rampe de 5,36 km à 10,26% en 16'13sec. La puissance moyenne Etalon de ce rude coup porté a été mesurée à 486 watts (7,1 w/kg si 60 kg). Tadej Pogacar, accompagné de Sepp Kuss, dernier sparring-partner du Danois, qui encaisse bien, a concédé 37 secondes au sommet, soit une puissance étalon de 466 watts.

Le groupe de David Gaudu, déjà complètement sonné, a perdu 1'02sec, ce qui correspond à 454 watts étalon. Le meilleur temps de Marie Blanque qui datait du combat de 2020, Pogacar vs Roglic en 17'36sec a été amélioré de 1'23sec ! Vingegaard a creusé ensuite l'écart dans la descente, Pogacar a passé la ligne d'arrivée avec 1'04sec de retard, dans les cordes.

Vingegaard a réalisé une performance exceptionnelle car la durée du col était en fait de 20 minutes et l'arrivée n'était pas située au sommet. Il fallait conserver un peu d'énergie pour les derniers kilomètres. En cours d'étape, le col du Soudet a aussi été monté vite par le peloton : plus de 400 watts étalon pour ce long col, 10,96 km à 9,09% en 35 minutes, soit du 409 watts étalon C'est dire la qualité et la densité du niveau général. Pourtant, ce sont des cadets à côté des deux leaders Jumbo-Visma et UAE Emirates.

La performance de Vingegaard nous rappelle l'incroyable montée de Verbier du poids welter Contador en 2009 (20'55sec à 494 watts étalon, avec ou sans moteur ?) ou certaines montées de Marco Pantani lors du Giro (Oropa 477 watts étalon sur 23'12sec, en 1999) ou du Tour de Suisse 1995, Flumserberg (20'02sec à 483 watts étalon). Vingegaard a réalisé la meilleure performance de sa carrière et une des plus grosses en cyclisme sur des montées de 15 à 20 minutes. C'est une performance de mutant (voir le graphique de son profil de puissance, ci-dessous). C'est acté. C'est bien triste pour le vélo et les vertueux.

Le profil de puissance de Jonas Vingegaard
Source : Frédéric Portoleau - chronoswatts.com - 10/07/2023
Le profil de puissance de Tadej Pogacar
Source : Frédéric Portoleau - chronoswatts.com - 10/07/2023
Le profil de puissance de Lance Armstrong
Source : Frédéric Portoleau - 10/07/2023

Un autre boxeur, vainqueur du Giro 2022, Jay Hindley, qui s'était révélé en 2020 après le confinement et une période sans aucun contrôle possible s'est inscrit en challenger et a remporté l'étape de Laruns. Il est encore 3ème du classement général à 2'40”. L'Australien de la Bora, avec une succession de hook (coup de poing crocheté court), a renvoyé tous les membres de l'échappée dans le corner du col de Marie Blanque. Felix Gall, qui sort d'un très bon Tour de Suisse, a été son concurrent le plus coriace. Hindley escalade le tronçon de référence (5,36 km à 10,26%) en 17'38sec. Il s'agit d'une très bonne performance, au niveau de Pogacar et Roglic en 2020. L'échappée avait gravi très rapidement le col du Soudet. Felix Gall, premier au sommet a établi un nouveau record en 33'08sec soit du 437 watts étalon. Un niveau de puissance rarement vu pour un long col en cours d'étape. Certains se sont épuisés là et ne se relèveront jamais. Ce jeune et prometteur Gall, en cette journée de repos est déjà 16ème du général à 9'46sec au général. Out.

ROUND 2 : bras arrière

Le lendemain, sur la route de Cauterets-Cambasque, nous avons encore assisté à un corps-à-corps de contre-prise à grande intensité entre les deux boxeurs. L'équipe Jumbo Visma, en confiance, a voulu casser la distance et a accéléré le rythme dans le mythique col du Tourmalet, puis Vingegaard avec un bras arrière a attaqué à 1,3 km du sommet. Seul Pogacar a pu faire une parade bloquée en suivant et a encaissé sans broncher. Un nouveau record depuis Grip en 36'41sec a été établi, soit du 429 watts étalon ! Il appartenait, excusez du peu, au duo Ullrich-Armstrong en 38'43 sec pour 416 Watts Etalon, lors de leur combat de 2003, quand les transfusions et ingestion d'hormones diverses étaient à leur sommet. L'ex-record est tombé avec deux minutes et trois secondes de moins et 16 Watts Etalon en plus. Dingue. Sur la partie finale de 4,89 kms à 8,88%, Vingegaard a développé 465 watts (6,8 w/kg si 60kg) pendant 13'27sec à une altitude moyenne de 1898m en tentant un nouvel uppercut. Cela correspondrait à du 490 watts vers 1000m d'altitude si on applique une perte de puissance de 6% par tranche de 1000m. Délirant. Les coureurs visant la troisième place du classement général ont concédé deux minutes dans cette ascension, complètement sonnés. Pinot qui avait été la star du Tourmalet en 2019 est déjà 15ème à 9'36sec au classement général. Il est en hors-combat, conscient, mais trop blessé pour suivre les assauts. Ou bien de loin.

Il me fait peur le poster du monsieur squelette...
Source : Espé - 16/07/2022

ROUND 3 : coup droit - haymaker

Vingegaard a ensuite profité du soutien de Wout Van Aert dans la vallée avant Cauterets. Le Belge présent dans l'échappée matinale réalise une grande étape avec des puissances étalon de 395 watts sur l'Aspin puis de 386 watts sur le Tourmalet. C'est un monstre, genre Marvin Hagler qui frappe en permanence avec des bolo punchs. Il a ensuite roulé pour son leader jusqu'à cinq kilomètres de l'arrivée. Dans la montée finale vers Cambasque, Vingegaard n'a pourtant pas réussi à finir par un K.O technique Pogacar. C'est même le Slovène qui a chassé le coup et contré violemment le Danois par un coup droit et un haymaker à proximité de l'arrivée. Le Slovène bien plus fringant que la veille, remporte l'étape et revient à 24 secondes au classement général de Vingegaard. Pogacar a escaladé la dernière ascension de 5,22 km à 7,55% en 13'09sec, soit à une puissance étalon de 462 watts. C'est une performance monstrueuse surtout après la montée record du Tourmalet et le rythme intense depuis le départ de l'étape. On félicite le cutman, membre de l'équipe UAE qui a traité les coupures et les blessures pendant la pause après le round 1 sur le corner, près du frigidaire et des poches de glace. Pogacar a donc aussi établi sa performance de mutant. C'est également acté et tout aussi triste que pour Vingegaard. Alaphilippe, le double champion du monde en retour de flamme annoncé essaie de s'échapper tous les jours. Il est 27ème à 28'29sec, lui qui était proche de gagner le Tour en 2019. Ce n'était alors que Bernal qui menait la danse.

Alors Tadej, ce Puy-de-Dôme ?
Source : Espé - 10/07/2023

ROUND 4 : crochet

Après les Pyrénées, Vingegaard et Pogacar ont entamé un 4ème round sur la montée du Puy-de-Dôme, pour célébrer le combat Muhammad Ali contre Joe Frazier, genre Poulidot-Anquetil. De la gloire passée, en noir et blanc. Le Slovène a confirmé s'être requinqué après ses soins. Il a envoyé un crochet à Vingegaard dans le dernier kilomètre pour lui reprendre 8 secondes. Pogacar vient de gravir les 4,1 km de la fin du Puy de Dôme à 11,85% en 14'25sec à une puissance étalon de 478 watts. Il revient à 17sec de Vingegaard au général. Les autres concurrents ont perdu beaucoup de temps en seulement 4 kilomètres, à commencer par les Français Gaudu, Pinot et Bardet qui concèdent plus de deux minutes sur Pogacar. Il y a deux poids lourds, les français sont des poids coqs qui s'en prennent plein la tête à chaque swing. Ne parlons même pas de Guillaume Martin, pourtant jugé en pleine forme, 17ème désormais à 11'12” du leader du Tour.

Depuis Clermont Ferrand, Pogacar a gravi le Puy-de-Dôme en 35'14sec (14,44 km à 7,68%) à la vitesse moyenne de 22,89 km/h. La partie basse jusqu'à La Barraque a été escaladée en 13'36sec, soit du 445 watts étalon C'est un record, bien entendu.

La série d'uppercut-hook-cross-jab va continuer sur les cinq rounds à venir. Nous en sommes à deux rounds partout. En boxe professionnelle, corruption, dopage, drogue et trucages sont la norme.

Si on se réfère aux trois profils de puissance de carrière de Vingegaard, de Pogacar et de Lance Armstrong (joints), l'américain serait battu par les deux autres “Lance Armstrong” (le Danois et le Slovène) dans quasiment tous les domaines et toutes les limites de temps. C'est affolant. La courbe pointillée bleue dans les graphiques d'Armstrong et Vingegaard représente le profil de puissance record de Tadej Pogacar. Elle permet de comparer les performances des “trois Armstrong”. Le match aurait été serré avec Armstrong, mais l'Américain aurait perdu. Il a certes réalisé quelques performances meilleures que les deux autres sur quelques longues montées seulement, mais cela ne va pas durer. La suite du duel annoncé, même sans aucune opposition d'autres coureurs, dans ce match de boxe, avec des rounds à venir explosifs va régler tout ça. Sauf s'il s'entendent.

L'extrapolation sur les radars à venir devrait donc confirmer cette tendance avec ce combat des nouveaux chefs. Pour le pire.

Deux Lance Armstrong, la plus grande arnaque sportive de ces dernières décennies ?

Les radars du Tour de France 2023 - Bilan après le Puy-de-Dôme
Source : Frédéric Portoleau - 10/07/2023

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Cette page a été mise en ligne le 10/07/2023