Actualité du dopage

Histoires belges (#8)


13/07/2023 - cyclisme-dopage.com - Antoine Vayer

Le vainqueur de la coupe du monde de cyclo-cross 2019 et 2020, n°1 mondial de la discipline, champion d'Europe en 2016 en battant Van der Poel et Wout Van Aert, excusez du peu, est Belge. C'est une star du cyclisme. On se souvient de cette conférence de presse, la plus mémorable du siècle d'un type qu'on ne reverra, hélas, plus jamais,

Il s'appelle Toon Aerts. C'est le dernier grand champion masculin pris pour dopage en France et suspendu deux ans à cause de la présence de métabolite de Létrozole. L'échantillon a été collecté à l'occasion d'un contrôle hors compétition le 19 janvier 2022 du côté de Flamanville, entre l'usine de retraitement des déchets de La Hague et la centrale nucléaire EDF.

Shari Bossuyt, autre championne belge, cycliste professionnelle d'une équipe World Tour, a aussi été contrôlée positive au létrozole par l'Agence Française de Lutte contre le Dopage (félicitations à l'instance) à l'issue de sa victoire dans la 3ème étape du Tour de Normandie, le 19 mars dernier. Leur point commun : leur manager. Il a une explication scientifique, lui. Il ne s'est pas démonté. Il est belge :

« Ce n'est pas une coïncidence si mes deux athlètes ont été contrôlés positifs dans la même région en Normandie. Ils n'ont pas dormi dans les mêmes hôtels, soit, mais dans des hôtels distants de 15 kilomètres. Nous savons qu'ils ont tous deux mangé de la viande et utilisé des produits laitiers de la même région. Y a-t-il un agriculteur qui utilise le létrozole ? »

Il aurait presque pu invoquer l'influence contaminante des deux “fleurons” du nucléaire français. Il n'a pas osé. Mais cela nous a donné l'occasion de nous replonger dans les explications diverses et variées de sportifs rattrapés par la patrouille. On est dans la troisième dimension Le lait de la vache normande qui contamine uniquement les coureur(e)s belges, du même manager et à un an d'intervalle : c'est sûr, il est maudit. Faut-il changer de manager ou de lait ? La question se pose.

Avant ces deux affaires, le cas le plus célèbre de contrôle au letrozole remontait à 2017, lorsque que la substance a été retrouvée dans les urines de Sara Errani, star du tennis alors âgée de 30 ans. Sa justification : sa mère Fulvia avait été opérée d'un cancer du sein en 2012. Elle a ensuite pris des pilules de Femara, dont l'un des composants est le létrozole. Sa mère gardait les pilules dans une boîte près de l'évier et donc une pilule s'était accidentellement mélangée aux tortellinis, les pâtes qu'elle avait préparées. C'est tout con. C'est presque passé crème. Au tennis, on ne suspend pas trop. Elle avait pris deux mois d'exclusion mais a fait appel devant Tribunal arbitral du sport (TAS). Elle avait donné cette explication. Le TAS lui a infligé 10 mois. Quand même !

Contadormirdebout

Comme Toon Aerts et Shari Bossuyt, le célèbre Alberto Contador (après déclassement, il reste à son palmarès deux Tours de France, trois Tours d'Espagne et deux Tours d'Italie), avait quand même pris deux ans en 2010 pour un contrôlé positif au Clenbuterol. Dans une conférence de presse surréaliste où la presse n'avait même pas ri, il avait donné comme explication qu'à la journée de repos du Tour de France le président de la fédération espagnole lui avait amené un excellent steak du pays et que la viande était sûrement contaminée. Le président fort marri avait acquiescé. Un vrai fan. Pat Mac Quaid, le président de l'Union Cycliste Internationale (que j'avais vu pour un long rendez-vous dans le palace de Lausanne et qui m'appelait « docteur ») s'attribuait le mérite de la suspension d'Alberto. Il aurait demandé à ce que les flacons du Tour de France soient envoyés au laboratoire de Cologne (plus sérieux que Chatenay-Malabry) pour vérifier la présence d'Aicar. Bingo. Pas de trace d'Aicar, mais un flacon avec du clenbutérol. Celui de Contador. Ils avaient aussi trouvé des traces de phtalates, des résidus plastiques de poches à injection. L'argument d'Alberto ne tenait plus. Comme quoi, quand on cherche on trouve. Bravo Pat. Alberto a rebondi ensuite, plus fort qu'avant, comme Toon Aerts va rebondir, vous verrez en 2024 !

Contador désormais retraité avec sa suspension a ainsi obtenu son diplôme de commentateur-consultant pour Eurosport. Normal, on est dans le recyclage des produits toxiques, comme à La Hague. Il dirige aussi une équipe professionnelle (Eolo-Kometa, classée 22ème au classement ICCD). Il est associé à Ivan Basso, un autre suspendu deux ans qui a gagné deux fois le Tour d'Italie avec des watts incroyables et qui a terminé 2ème du Tour de France. Contador mange encore trop de viande néanmoins, c'est sûr. On a peur pour lui.

A l'insu de leur plein gré

La soirée trop arrosée, la déshydratation, la prise de cortisone pour soigner une douleur à la hanche, le traitement pour la thyroïde, le taux de testostérone naturellement élevé, les bidons pollués et piégés ne sont même plus des excuses funs. L'hormone de croissance détectée dans les urines à cause d'une infection de la prostate ou bien les règles qui expliquent la présence d'EPO, c'est mieux. Les gâteaux à la graine de pavot, les produits pris pour des problèmes d'érection ou de fertilité, la transmission à cause du rapport sexuel c'est bien aussi. Ça fonctionne parfois avec de bons avocats. Le chien qui fait de l'asthme et qui transmet le produit pour le soigner après des léchouilles, les bonbons péruviens à la cocaïne de la grand-mère, les doses pour la belle-mère (elle ramasse la belle-mère, c'est son rôle) négligemment prises dans le même verre contaminé ou dans l'assiette sont plus sympas que la théorie du complot avec des produits versés dans le café. On peut aussi inhaler des produits paraît-il ou être victime d'un baiser contaminé à la cocaïne. Attention aux fréquentations. Le bon mais sale pigeon contaminé du père de Van der Poel c'est comme la guêpe qui vous a piqué, suite à quoi vous prenez la mauvaise pommade. Classique. L'eau qui dégouline sur des déchets hospitaliers qui contenaient de l'EPO, marcher dans une flaque en éclaboussant son pantalon ainsi que ses parties intimes pour ensuite faire pipi de l'EPO, cela a été donné comme explication. C'est bien. Les restes du jumeau pollué et décédé avant sa naissance dans son corps, c'est parfait, comme les produits contre la calvitie et le dentifrice piégé. Mais on ne rit plus. Rire c'est mal en 2023.

Or donc, rassurez-vous, cette année sur le Tour de France, il n'y aura aucun contrôle positif qui vaudrait des excuses ou des explications drôles et débiles. Ni pour Ion Izaguirre vainqueur à Belleville-en-Beaujolais à une étape menée à 43,172 km/h de moyenne, ni pour Pogacar et Vingegaard demain qui monteront le Grand Colombier final, 17,72 kilomètres à 7,07% de pente en moins de 45 minutes à 440 Watts Etalon, s'ils se donnent un peu de mal. Les gendarmes de l'OCLAESP (Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique), appelés « les cow-boys », ont été priés cette année de rester à la maison. Virés pour la première fois depuis 13 ans qu'ils servaient de garde-fous à cause des excès constatés. C'est dire ! Quintana peut revenir.

En revanche, pour les 440 watts mutants, moi, j'ai une explication : le talent !

Pas mal, hein ? Ça vaut moins de deux ans, ça.


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Cette page a été mise en ligne le 13/07/2023