Actualité du dopage

La ZAD Tour merchandisée (#3)


03/07/2023 - cyclisme-dopage.com - Antoine Vayer - #TeamWattthefuck

- « Tu nuis à l'image du Tour de France ! ».

C'est ce que Fabrice, le jeune « chef » du service presse de la Société du Tour, sympathique au demeurant, vient me dire (sérieusement, sourcils froncés) à Laval dans la zone “mixte” du départ du contre-la-montre du Tour 2021. Je suis avec Jean-Louis Le Touzet, un journaliste, devant les « paddocks », assemblés avec des barrières à bestiaux, des ganivelles, où les autres journalistes parqués peuvent interviewer les coureurs à leur arrivée, ceux qui s'arrêtent pour dire un mot, en tendant leurs caméras et micros. C'est à 1m50 de distance à respecter pour les mesures anti-covid. La même qu'un automobiliste doit respecter quand il double un cycliste hors-agglomération. Cet exercice est aussi autorisé au « paddock bus » du départ. Ces paddocks là où un ami de Floyd Landis lors de son Tour victorieux en 2006 lui faisait passer ses poches de sang de 300ml dans un petit sac cadeau. Fabrice apprécie plus la politesse anglaise hypocrite de Froome que la mienne. Je le contrarie, lui, ses chefs et certains journalistes TV. Il a des ordres.

- « Tu es très, très intelligent, tu vois ce que je veux dire » (sic flatteur) « Tu es là pour écrire, c'est sur ta fiche-journaliste, tu n'as pas le droit de filmer ce que tu veux et de le diffuser comme tu veux en faisant autre chose [de subversif] ».

L'année précédente en 2020 à Nice, Thierry Gouvenou, directeur technique chefaillon de l'épreuve, ( j'ai couru avec lui, j'ai entrainé sa sœur), m'a arraché mon accréditation en me disant « Ça tombe bien ! » car j'étais dans « une zone Covid ». Il a adoré jouer le surveillant général et avoir la sensation de sanctionner. Il ne lisait sans doute pas mes chroniques - il faut pouvoir comprendre l'implicite - mais on lui avait dit que j'étais un élément gênant.

Auparavant à Avranches, en 2013, devant le village départ, avant le contre-la-montre du Mont Saint-Michel, Bernard Hinault (ou faut-il écrire Bernard Hinault-Century21 © ?) aussi avait tenté de me l'arracher, ce « badge » symbole de passe-partout qu'il faut désormais faire bipper en permanence, en salle de presse et chaque fois que tu entres ou sors de la ZAD Tour (la zone Tour de France). Il faut une traçabilité des individus. Le petit Bernard (il est petit) m'avait déjà téléphoné d'une cabine téléphonique en essayant de masquer sa voix en 2007, (je crois qu'il était un peu saoul pour passer à l'acte ainsi de manière si puérile), en me menaçant, si je « continuais à écrire, de me péter la gueule » Il n'avait pas apprécié notamment cet article sur les « ex » dont il fait partie.

Je l'avais reconnu. C'était facile à son intonation fausse voix de fausset, surtout hydraté. Il a raccroché, confus. Il s'est sûrement resservi. Au moins, il lisait. Je crois qu'il ne boit plus. Il est donc comme moi, abstinent. Nous pourrions parler devant un thé désormais, le café ayant été “le seul dopant“ de Bernard selon ses déclarations. A Avranches en 2013, j'écrivais pour Le Monde. Il avait retourné mon badge en tirant dessus comme un forcené, pour le voir. On m'a dit qu'il avait été stimulé par d'autres qui n'osaient pas venir me rencontrer. Nous étions entourés. Je l'avais toisé. J'avais souri et essayé de lui parler. Je l'admirais quand j'étais jeune et naïf. Je sais parler aux Bernard maintenant, mais c'est compliqué. Le Bernard ne veut pas comprendre. Celui-là a tourné les talons, dépité de son effet raté.

Jalabert, habillé en clown jaune “ONCE” et son manager de l'époque (Philippe Crépel, mort en début d'année, paix à son âme) étaient venus me voir aussi, à deux, pour me menacer dans les Alpes à un village départ quelques années plus tôt, à mes débuts. Ils avaient été bien reçus, étaient restés coi. Jalabert ! On devrait pouvoir écrire un livre formidable sur ce consultant désormais inamovible qui mouche Alexandre Pasteur, pourtant journaliste, en direct à la télévision dès qu'il parle à demi-mots de dopage. J'en ai fait des chroniques avec du Jalabert. Facile à retrouver sur Google.

Filmer : Filmer est interdit dans la ZAD

Fabrice, revenons à lui, n'aime pas mes bonbons vidéos, faits en marge de mon travail et que je tweete sur l'épreuve. Elles sont drôles et décalées, avec des vraies questions pourtant souvent, avec de dérision qui permet d'aborder des sujets sérieux. Parfois, c'est n'importe quoi. Forcément cela dérange. Surtout si elles sont prises dans la ZAD Tour, des départs, pendant la course ou aux arrivées. Il faut savoir que tout ce qui est filmé dans la ZAD Tour appartient à la société organisatrice et se vend. Il faut se l'enfoncer dans le crâne, le règlement des droits d'images, même s'il est sûrement contestable en justice. Il faut payer pour filmer. C'en est au point où il est interdit à un mécanicien ou à un directeur sportif de saisir pendant la course par exemple un changement de roue, voire de prendre des photos. Il risque des amendes de 5000 euros. C'est un motif d'exclusion. Ceux qui filment leurs coureurs dans la ZAD aux zones arrivées ou départs doivent payer pour tourner avecleurs propres coureurs. Tout juste, après qu'elles aient râlé, a-t-on permis aux équipes de le faire gratuitement, mais aux alentours de leurs hôtels. Sympa, non ?

Quant aux journalistes, comprenez leur acrimonie quand ils me voient débarquer avec mon petit téléphone portable et rire avec quelques coureurs pour vous offrir des bonbons vidéos, gratuites avec des images « volées » que je n'ai pas payées, là où leurs chaînes dépensent des fortunes pour des minutes d'interview insipides. Ils me dénoncent systématiquement à Fabrice. Nous sommes à l'école.

La chasse aux images extraites de la ZAD indûment, sans payer, va plus loin. Tous ceux qui ont le malheur de reprendre celles de la course sur les réseaux sont signalés, à Twitter par exemple. Ils ont dû embaucher du monde pour surveiller, j'en suis sûr.

Ce media a été désactivé
Source : Twitter - @FestinaBoy - 03/07/2023

Des comptes Youtube de passionnés, excellents, non vénaux, même non subversifs, ont été fermés sans ménagement. On nous avait retiré sur notre Youtube Chronoswatts celle de Froome montant le Ventoux avec ses watts, fréquences cardiaques, vitesse et cadence de pédalage associés, vue des millions de fois. C'était gratuit. La preuve de sa supercherie en chiffres pourtant. Mais on ne rigole pas avec le pognon et l'image du Tour à laquelle il ne faut pas nuire. Elle est niaise, mais elle se vend. Le Tour contrôle donc toutes les images, en intégralité, avec les télévisions qui ont plus ou moins accès à celles-ci, selon leur contribution financière. Dorénavant, il faut aussi écrire une foultitude de comptes-rendus officiels, de l'écrit. Il est forcément contrarié par les quelques rares journalistes de presse écrite qui ne copient-collent pas ni ne reprennent leur parole officielle. Les images, de toute façon, ils n'ont plus le choix. L'écrit, c'est le seul espace de semi-liberté qui échappe encore à La Pravda.

Le mieux, ce sont les réseaux sociaux officiels. C'est « niais ». Les jeunes issus des écoles de com' et alternants ou stagiaires, bien obéissants, se donnent du mal pour produire l'insipide. @letour m'a bloqué cette année. Cela m'a vraiment fait sourire.

Vous êtes bloqué
Source : Twitter - @FestinaBoy - 03/07/2023

Je ne peux même pas utiliser leurs images officielles pour les railler, vous croyez ? Ils m'ont fait une Hinault. M'en fiche. Je les ai aussi bloqués. Poc !

Je vais aller filmer sur Le Tour bientôt, directement, mais en spectateur, non accrédité et pas dans la ZAD (ou si je me déguise vous croyez ?). J'avais été accusé d'avoir jeté des trucs à Armstrong alors que je n'étais pas présent avant une conférence de presse... Filmer, on a encore le droit sur l'espace public. Tout ce que je fais, c'est gratuit. Le Tour était gratuit. Il ne l'est plus dans aucun secteur. Le merchandising est partout. Sachez-le. Les spectateurs, vous paierez bientôt, cher, comme aux Jeux Olympiques. C'est dans l'air du temps. Pour aller dans les cols, pour vous agglutiner derrière vos ganivelles. Vous paierez. On surveillera aussi vos réseaux sociaux si vous faites un selfie subversif avec un coureur. Vous paierez. De toute façon, vous ne verrez plus les coureurs que de loin. A la télévision, sur Netflix. Sur une chaîne payante. Vous paierez. Netflix aura tout. Ils paient.

Il n'y a guère que le dopage qui paie aussi bien.

Sinon, l'étape vers Bayonne, "aujourd'hui c'est journée recup' pour tout le monde " a déclaré Victor Lafay en direct sur son vélo, interviewé par la télévision officielle publique qui a payé ce droit. Ce fut une longue procession, lente, inintéressante mais filmée en permanence. Il faut rentrer dans ses frais. Comme tant d'étapes, j'avais prévu le scénario exact :

Van Der Poel emmène Philipsen qui gagne. C'est d'un chiant. Il faut payer pour ça !

Vous pouvez voir la séquence officielle de trente secondes en boucle partout, mais pas la télécharger ni l'interpréter. C'est interdit. Il faut payer alors que j'aurais pu vous la dessiner.

La suite ? Vous voulez connaître la suite ? Pogastrong va faire les bonifications à Vingegaard dans les Pyrénées sur Marie Blanque et sur les arrivées à Laruns et Cauterets Cambasque, jusqu'au Puy de Dôme où on va vendre du “duel” entre les deux mutants, partout. Partout aussi, on va en parallèle rappeler celui Anquetil-Poulidor de 1964 dans l'ascension, quand tout était gratuit, libre. Ça rapporte du pognon les duels et la nostalgie. On pourrait presque mettre dans le coup les deux compères de 2023 pour qu'ils se touchent le coude aussi en vue de l'arrivée dans la pente, un petit fake à 450 watts en duo. Les vieux qui ont connu Poulidor (nom rentré dans le dictionnaire mais interdit au scrabble) vont facilement comprendre. C'est facile à filmer un duel. C'est vendeur, le passé conjugué au présent. Cela paraît crédible. On peut mettre du violon pour les images en noir et blanc et de la techno ensuite pour la couleur avec Pogastrong et Vingegaard. .


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Cette page a été mise en ligne le 03/07/2023