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Actualité du dopage |
D'abord mardi, la sidération. Comme après un traumatisme violent. Le malaisant, l'inconvenant. Puis le sentiment de comprendre le mot grec pornographos, de comprendre que le spectacle de pornocratie, orchestré par une partie du gouvernement du milieu du vélo est là devant soi, à travers le caractère obscène d'une œuvre, celle du vélo qu'on aurait aimé aimer et du tableau vivant et bien contemporain de ce contre-la-montre. L'obscénité donc, mélangée au dérisoire et à la stupéfaction partagée par toutes et tous. La beauté est-elle dans le regard ou dans la chose regardée ? C'était mon sujet de philosophie du baccalauréat en terminale. Mardi, elle se trouvait dans les deux et pour tout le monde, dans l'évidente supercherie.
Mon facteur, ce matin, qui frappe à ma porte sur son vélo jaune de 30 kilos, chargé de sacoches avec son collègue, en curieux :
- « Antoine, ils prennent quoi ? C'est un moteur ? »
- « Je ne sais pas les gars. En 1993, quand Tony Rominger dépasse Bjarne Riis parti trois minutes avant lui, 10 kilomètre heure plus vite que lui, ou quand Miguel Indurain double Lance Armstrong, alors tout jeune champion du monde de la même manière dans un autre contre-la-montre, Riis et Armstrong ont la même pensée qu'ils mettront en application : nous aussi on va prendre des produits lourds. Cela a été leur déclic. Ils décident de tricher parce que les autres le font, parce que c'est efficace. Pour Bjarne et Lance, ça l'a été, efficace. Ils trichent parce qu'ils sont sûrs de ne jamais se faire avoir par les contrôles. Cela n'a pas changé en 2023. Peut-être qu'au lieu d'avoir un hématocrite à 60%, comme certains l'avaient, et du sang confiture, ont-ils ont trouvé mieux, plus simple, plus efficace pour le même résultat. Peut-être des hémoglobines semi-synthétiques. Nous sommes en 2023. Les moteurs sont miniaturisés aussi, tout petit, ne font pas de bruit et sont bien plus puissants. Comme les médicaments ».
Ils ont acquiescé. On débute la philosophie à 16 ans, pas avant, car avant cet âge, le cerveau est insuffisamment formé et mature d'un point de vue neuronal pour passer intellectuellement des opérations concrètes à des opérations abstraites. Le Tour n'est pas pour les adolescent(e)s. Tous ceux qui ont eu leur bac, et le grand public avec eux, ont enfin, ce mardi, presque ressenti dans leur corps et dans leur être, ce que certains coureurs « ressentent à chacune de leurs grandes courses » : une injustice navrante, mélangée à de l'impuissance. C'est ce que l'un d'eux m'a écrit ce matin. Même Espé qui éclaire mes chroniques depuis 2020 est resté un temps sidéré.
J'ai dû laisser mes facteurs pour répondre à un appel téléphonique. La presse, à laquelle j'ai fait « l'appel du 10 juillet 2023 » dans ma chronique #10 (à lire ici), à la De Gaulle, a répondu présente. Elle est arrivée hier soir et ce matin, un peu comme la cavalerie dans un Lucky Luke. Elle ne cesse de me contacter depuis. Elle a lu nos chroniques (à minima dix fois plus de lectures que quand je les publiais dans Le Monde). Elle suit mon fil twitter @festinaboy qui a dépassé hier les 2,7 millions d'impressions organiques en 24 heures avec des taux d'engagement supérieurs à 20%. Pléthore d'articles et de unes fleurissent dorénavant. Même le quotidien L'Equipe qui appartient pourtant à l'organisateur a (re)titré : « D'une autre planète », avec un Vingegaard plein cadre, exactement comme ils l'avaient fait avec Armstrong en 1999, premier de ses sept Tours victorieux d'affilée ! Tant mieux ? Cette lucidité critique à propos de la starification de l'indécence va-t-elle changer quelque chose ? Ce n'est pas sûr. C'est peut-être du cynisme. Vingegaard va-t-il gagner 7 Tours aussi ou être exclu comme Rasmussen le fut parce qu'il dérange trop l'organisateur. Sera-t-il dénoncé par sa propre équipe qui ne le couvrira plus, comme ce fut le cas ?. Pour une fois que ce n'est pas moi qui nuirai à l'image du Tour comme je vous le disais dans ma
chronique #3 ? A contrario. Le directeur du Tour est coincé, totalement démuni et impuissant (moins de 100 Watts Etalon le Christian), réduit qu'il est à ressasser les mêmes arguments éculés que son prédécesseur Jean-Marie Leblanc : le matériel, les nouvelles technologies, les contrôles antidopage, l'état des routes, la diététique pour expliquer l'inexplicable. Tout le monde constate. Même les facteurs. On pleure. Disons-le tout net, Christian est ridicule. Cela se voit comme le cyclisme à deux ou trois vitesses au milieu de la figure du Tour. Lundi, le Tour sera fini et on prépare celui Féminin « avec Zwift » (chronique #3). Ce sera un soulagement.
Psychanalyse de la triche
C'est Wout Van Aert, celui qui est capable de remonter le groupe des leaders dans le col de Joux-Plane au son d'une Tesla, après s'être fait lâcher, en créant l'hilarité générale dans la salle de presse, pour en remettre une couche, qui m'a été utile.
Van Aert fa letteralmente impazzire Greg e Magro ??????#TDF2023 #EurosportCICLISMO pic.twitter.com/B9I9aNQJ9D
— Eurosport IT (@Eurosport_IT) July 15, 2023
Il m'a fait penser au titre de la chronique du jour, « NOT NORMAL », du nom anglais de notre magazine « La preuve par 21 ». Il a utilisé la formule, désarmante de dérision, de maladresse ou de lucidité à propos des deux qui l'ont devancé sur le contre-la-montre. Soit, c'est l'inconscient de Lacan et de Sigmund Freud qui revient au galop après une course de vélo, soit c'est un Belge intelligent. Y'en a. Après que Vingegaard a roulé 8% plus vite que lui sur 22 kilomètres alors qu'il est sur ce tour LE spécialiste de l'exercice, après que son leader a roulé 2'51'' plus vite que lui (il aurait été doublé au 2/3 de l'épreuve s'il était parti juste avant lui), il a déclaré avec cet accent batave so charming : « Je suis le meilleur des gens NORMAL, c'est incroyable que je dois attendre plus de deux minutes à côté de la route, c'est impossible de comprendre si c'est possible, les deux sont beaucoup-beaucoup-beaucoup mieux que les autres ».
Source : Eurosport - 18/07/2023
C'est donc NOTNORMAL. Pléthore d'internautes, de pataphysiciens, de mathématiciens, mon grand fils docteur qui a été reçu premier au concours du CNRS en bivalence maths-informatique, celui qui est skipper et qui a une licence de physique, celui qui est intermittent du spectacle en régie son, celui qui est boulanger chez les compagnons du Tour de France, mon dernier et qui va entrer en 4ème, treize ans très emmerdant, pas ma femme en revanche qui est en rémission de son cancer du sein et qui est plutôt littéraire, sortie d'H4 (mais elle compris), mais aussi des entraineurs, des noirs, des blancs, des Israéliens, des Sud-Américains, des prostitués, des coureurs qui savent compter pas seulement sur leurs doigts, pas que leurs coups de pédales ont rivalisé pour fournir des graphiques, courbes, des répartitions pour rationaliser ce NOTNORMAL toute la nuit. Celui ci-dessous me semble le plus clair. Il existe bien deux vitesses, à minima. Deux étoiles mutantes tout là-haut, avec une plus haute que l'autre, et en-dessous les miraculeux, les suspects, la plèbe, plus bas, les normaux, puis le ventre mou, le bloc le plus gras, puis les mauvais, les malades et les éliminés tout en bas.
Tour de France ITT speed distribution
— El tío del dato (@eltiodeldato) July 18, 2023
Max avg speed: 41,23 km/h (Vingegaard)
Median avg speed: 34,40 km/h
Min avg speed: 30,99 km/h (Renard)
Vingegaard was 19,9% faster (+6,83 km/h) than the median rider. #TDF2023 pic.twitter.com/1voq46Mps0
« Vinge 450 watts », super-héros confirmé
Nous, nous avons contacté les bons coureurs, ceux que nous pensons normaux, voire ponctuellement suspects, au travers de leur constance de carrière. Nous avons collecté des renseignements auprès de leur encadrement. Nous leur avons demandé de la transparence. Nous leur avons demandé leurs fichiers. Nous les avons comparés avec nos calculs indirects. Tous les « humains » ont fait des Watts Etalon dits normalisés pendant 35 à 40 minutes selon leurs résultats aux alentours de 410-420 Watts Etalon.
Nous avons calculé ceux des deux mutants par extrapolation. Pour Vingegaard c'est plus de 450 watts Etalon : 10% de plus que la plupart des autres. C'est surréaliste. D'où le choc de ceux qui ont fait leurs calculs. Vingegaard, vainqueur à 41,25 km/h, Pogacar 2ème à 39,3 km/h, Wout van Aert 3ème à 37,90 km/h, Cavagna 6ème à 37,65 km/h, Gaudu 10ème à 37,27 km/h, Paret-Peintre 50ème à 35,11 km/h.
OU BIEN : Vingegaard, perf venue d'ailleurs, met Pogacar à 1min38 sec. Il lui colle 4,4s par tranche d'un kilomètre pendant 22 kilomètres (dingue !). Il relègue Wout van Aert à 2min 51 ( 7,6 secondes par kilomètre), Cavagna à 3min 6 (8,3 secondes par kilomètre), Gaudu à 3min31 (9,42 secondes par kilomètre), Paret-Peintre à 5 min 41 (15,2 secondes par kilomètre).
VINGEGAARD est bien notre super héros MARVEL. Appelez-le « VINGE 450 WATTS »
Ensuite mercredi
Sur l'étape reine du Tour de France, incluant notre 6ème radar (sur 7), le col de la Loze, les effets de l'altitude devaient se faire sentir. Pour la majorité des coureurs, on a effectivement observé une baisse de 6% du rendement (en Watts Etalon) par tranche de 1000 m. Le sommet est à 2300 mètres. La moyenne du col se situe à 1827 m, contre 1000 mètres environ pour un col classique. David Gaudu en 35 minutes 33sec pour les 11,44 kilomètres à 8,3% n'a atteint « que » 392 watts Etalon contre les 410 WE qu'on lui prédirait en basse altitude dans un 4ème col d'étape à 1000 mètres moyens d'altitude, après 4 heures de vélo. Il s'est battu à 100% de ses possibilités avec ses démons et son vélo comme un chien breton avec une galette saucisse. Il est « NORMAL ». Un chien breton normal bourré de talent.
En revanche, ce que nous n'avions pas compris avec Vingegaaard l'an passé dans le Col du Granon où il a avait atomisé le Tour de France, en haute altitude mais avec 419 Watts Etalon pendant 35 minutes et 56 secondes, nous ne le comprenons pas plus cette année. Sauf à ce qu'il soit NOTNORMAL et MUTANT. Il confirme ce postulat. Vingegaard dans notre col radar de la Loze et ses 11,44 kms à 8,3% donc, en 33 minutes 02 secondes pour 423 watts Etalon, a battu le record de SUPERMAN LOPEZ, établi en 2020. Cette année, le Colombien a depuis été mis au ban du cyclisme pour accointances avec un médecin dopeur. Depuis, il a engrangé 25 victoires, toutes en Amérique du Sud. Vingegaard a battu son record de 1 minute et 9 secondes, déroulant 13 Watts Etalon de plus que lui et 31 Watts Etalon de plus que Gaudu. Presque 8% de mieux que le Breton. Pourtant Vingegaard n'a même pas eu à forcer son talent. Pogacar a été lâché tôt, le pauvre. Le Slovène se consolera peut-être en encadrant le Danois sur le podium avec son coéquipier Adam Yates (le frère de Simon). Le poissonnier danois n'a donc pas eu à s'employer outre mesure . C'est peut-être tant mieux pour le public et la presse qui peut se soulager un peu la vessie. Il n'a rattrapé « que » la trentaine d'échappés qu'il avait laissés partir tôt dans l'étape. Il « offre » un podium à Félix Gall, Simon Yates et Pello Bilbao en ne gardant que Gaudu dans sa roue. Le Breton a réussi à basculer en haut du col de la Loze, dernier avec l'Espagnol à être rattrapé de la grande échappée. Il finit 5ème de l'étape mais perd une place au classement général, 10ème. C'est ballot.
Logiquement, en tenant compte de la perte de rendement de 6% par tranche de 1000 mètres d'altitude, Vingegaard si on considère qu'il est un mutant à 450 Watts Etalon (comme Pantani - sors de corps Jonas !), tant en contre-la-montre que dans les cols radars moyens, aurait du faire 430 Watts au lieu de ses 423 WE effectifs, ceci en 32 minutes et 30 sec au lieu de ses 33 minutes et 02 secondes effectives. Mais il n'a pas forcé outre mesure, on l'a dit, et a été bloqué par une voiture et la moto de Thomas Voeckler. Les 7 Watts Etalon qui manquent et les 32 secondes de débours par rapport au meilleur temps prédit sont sûrement là. Dans la gestion légèrement en dedans et dans cet incident de course. Vingegaard est donc bien un Marvel. NOTNORMAL.
Nous avons mis à jour notre tableau bilan des radars du Tour de France 2023. Il ne reste plus qu'un radar dans deux jours Le Platzerwasel, à 8,2 kms de l'arrivée, une pente de 5,02 kilomètres à 9,94% qui sera montée en un peu plus de 20 minutes, sauf pour Vingegaard s'il est toujours à 450 Watts Etalon.
Le plus drôle c'est de sortir de cette journée avec la presse qui commence unanimement à retourner sa veste en disant : « Vous voyez bien que Pogacar est humain ». Il est sorti de la zone mutante et est resté avec 432 Watts Etalon dans la zone miraculeuse, tout de même ! Répétons le : LA principale maladie du cyclisme est l'amnésie et le milieu peut oublier aussi vite qu'il a réagi, en une seule journée.
Mémoire
Nous, nous n'oublions pas. Nous ne sommes pas amnésiques. Comment un gentil poissonnier danois inconnu est-il devenu le Super Héros « VINGE 450 WATTS » ? On ne sait toujours pas. Ou plutôt si, on sait. Regardez par vous-même, ci-dessous, son profil de puissance sur toute sa carrière. Nous avons élaboré ainsi plus de 100 profils de puissances des plus grands coureurs du monde et d'autres, prometteurs, parfois sur 15 ans, parfois dès leur 18 ans. Avant la saison 2021 et son étape victorieuse au Tour Jebel Jais à la surprise et stupéfaction générale, Vingegaard, 24 ans, était encore inconnu. Nous n'avions référencé qu'une seule performance notable dans le col de l'Angliru au Tour d'Espagne 2020 où il avait fait 386 Watts Etalon au lieu des 450 Watts Etalon qu'on lui connaît aujourd'hui. Il avait terminé 46ème de ce Tour d'Espagne ! Depuis l'hiver de ses 24 ans, il a donc progressé de 16,5 % !!! C'est NOTNORMAL.
Pour finir, une note de poésie. Un mot sur Guillaume Martin et Thibaut Pinot, respectivement 11ème et 12ème avec 395 et 398 Watts Etalon, vraiment humains, qui se sont fait la peau aujourd'hui aussi dans l'échappée.
En regardant la lune.
S'il nous advient d'un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d'en rien rendre au docteur,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d'avaler un produit parasite,
Lors même qu'on n'est pas miraculeux ou mutant,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
Cette page a été mise en ligne le 19/07/2023