Actualité du dopage

Croire. Mais en quoi ? En qui ? (#13)


22/07/2023 - cyclisme-dopage.com - Antoine Vayer - #TeamWattthefuck - Avec Michel Dalloni

ACM et Le CYCLE

Après le Tour de France 1998 et l'affaire Festina que j'ai vécue d'on ne peut plus près avec tous ses acteurs, je prends l'avion en septembre pour l'Espagne. Je me rends au siège pour rompre le contrat qui me liait encore à cette équipe. En rentrant, dans l'avion, j'ai rencontré et discuté avec Laurent Madouas (père de Valentin, champion de France 2023) qui revenait du Tour d'Espagne. Il m'a demandé si je ne voulais pas l'entraîner de manière indépendante et “éthique” avec les capteurs de puissance, les cardiofréquencemètres, etc. Il savait la manière pionnière dont je travaillais avec une approche humaine fondamentale avec l'athlète d'un point de vue physique, psychologique, technique et avec la connaissance de son sport. J'ai dit oui. J'aimais profondément mes “entrainés”. J'ai alors créé ma structure “AlternatiV Coaching Management “ (ACM) avec Laurent, mais aussi Pascal Lino, Andreî Kivilev, Christophe Bassons, Lylian Lebreton, Charles Guilbert, Laurence Leboucher et quelques autres pros. Pour certain(e)s cela a été compliqué. Mais c'est une autre histoire.

J'ai été contacté par le magazine LE CYCLE en février 1999 pour tenir notamment la rubrique entraînement. Je fais aussi des portraits, de temps en temps, et d'autres bricoles. Cela fait donc 24 ans que je travaille pour LE CYCLE. Un record ! Ce n'est jamais polémique. Nous traitons de l'entraînement et de l'amour du vélo au travers du matériel et d'une foultitude de rubriques. C'est le magazine n°1 des pratiquants.

Michel, Le Monde

Le chef de la rubrique sport du quotidien Le Monde, Michel Dalloni, me lisait dans LE CYCLE et connaissait mon parcours chez Festina, mais aussi auparavant. Il m'a contacté. Je me suis rendu rue Auguste Blanqui, siège du journal. Il m'a demandé d'écrire une chronique par jour, soit 21, pendant le Tour de France 1999. Presque 3 feuillets chaque jour ! Je lui ai dit :

Est-ce que je vais y arriver ?

Pff ! Moi j'y arrive, alors tu vas le faire.

Je l'ai fait. Le tour 1999 avec Philippe Lecoeur, Benoit Hopquin, Yves Bordenave, les journalistes, Michel dalloni au “deck” à Paris et moi en tant que chroniqueur et entraîneur de coureurs comme Bassons, Lebreton et Madouas qui ont participé a été extra-or-din-aire. Quelle couverture ! J'ai écrit d'autres chroniques pendant le Tour de France pour Le Monde de 2010 à 2019 (11 Tours avec celui de 1999 !), pour L'Humanité en 2001 et 2020, pour Libération de 2003 à 2009. Désormais, je le couvre de manière totalement indépendante et bénévole mon ami Frédéric Portoleau pour cyclisme-dopage.com, avec chronoswatts.com. Plus de 15 millions d'impresssions de mon compte Twitter @Festinaboy, relai de nos articles et des centaines de milliers, on peut le dire de lectures. C'est dix à vingt fois plus que sur les quotidiens où cela était devenu payant.

J'ai revu Michel Dalloni au Tro Bro Leon 2019. Il a poursuivi sa carrière, après Le Monde, en devenant rédacteur en chef du journal L'Equipe (le traître !).

La vie est une histoire de rencontres. C'est Michel qui m'a mis le pied à la pédale. A l'étrier je veux dire. Pogacar et Vingegaard ne seraient sans doute pas ce qu'il sont s'ils n'avaient pas rencontré leur docteur. Moi, c'est pareil avec Michel. J'ai eu la chance au travers de mes chroniques de rencontrer des hommes, des journalistes comme lui, extrêmement brillants, curieux, intelligents, trop pour rester à L'Équipe. Des gens courageux, cette force qui manque tellement à ses collègues de 2023 alors que la cancel-culture l'emporte. Je lui ai demandé de me faire une chronique avant celle que je publierai demain. Ce sera le bilan du Tour. Il m'a dit :

Est-ce que je vais y arriver avant samedi ?

Pff ! Moi j'y arrive, alors tu vas le faire.

Il l'a faite. la voici :

Croire. Mais en quoi ? En qui ?

Par Michel Dalloni

En 565, un disciple du moine Saint Colomba, qui faisait trempette dans un obscur lac écossais des Highlands, prétend avoir été sauvé de la noyade par une abominable créature vociférante. Dans les années 1930, ce dragon des eaux, désormais baptisé « monstre du Loch Ness », devient un mythe. Des centaines de personnes affirment l'avoir vu. Un inventaire zoologique des populations aquatiques du lieu, mené sur plusieurs mois, permettent, en 2019, d'écarter « la probabilité de l'existence d'un reptile préhistorique ». Tous les mois, depuis des années, on enregistre quelque 200 000 recherches « monstre du Loch Ness » sur le web et près de 150 000 demandes d'informations avant visite sont adressées aux autorités touristiques locales.

Depuis le XIVe siècle, le suaire de Turin (un drap de lin portant l'image sublimée d'un homme crucifié) est l'objet d'un culte par des fidèles de l'église catholique, qui le reconnaissent comme le linge sacré dont on enveloppa le corps du Christ après son martyr. Dès 1390, des doutes sont formulés. En 1988, une datation au carbone 14 établit que le tissu date, au mieux, de 1260. Après J.-C. En 1998, le pape Jean-Paul II dit que ce linceul est une « provocation à l'intelligence ». Sa dernière exposition publique, en 2015, a attiré plus d'un million de croyants entre le 19 avril et 25 juin.

En 1928, Trofim Lyssenko, technicien agricole russe, animé par le souci de nourrir les populations affamées et la volonté de pourfendre la recherche bourgeoise, défend la théorie de « l'hérédité acquise par l'environnement ». Résumé : la génétique est moins forte que le communisme et la dialectique démultiplie les rendements du blé de printemps, qui produira en été, en automne et en hiver. Bref, les gènes n'existent pas. Triomphe de la science prolétarienne sur la science bourgeoise. En 1930, Staline en fait un « héros du peuple ». Ses résultats sont catastrophiques. Les pénuries se succèdent. Dès 1965, on l'accuse de pratiques frauduleuses. Il disparaît des organigrammes. Jusqu'en 1976, on a pu le voir errer dans les couloirs de l'Académie des sciences de Moscou.

En 1960, Bernard Madoff, prodige de la bourse américaine, fonde Bernard L. Madoff investment securities LLC, un fond spéculatif à haut niveau de performance. Il offre +17% d'intérêts à ses clients, parmi lesquels des institutionnels et de riches particuliers. De 1990 à 1993, il préside le Nasdaq, deuxième marché d'actions des Etats-Unis derrière le New York stock exchange. Il triomphe. La crise de 2008 éclate. Il ne peut plus rien verser à ses clients. Il ne peut même pas les rembourser. On enquête : le Bernard L. Madoff investment securities LLC est une escroquerie fondée sur le système de la pyramide de Ponzi, où les rendements sont financés par les fonds des nouveaux investisseurs. Préjudice : 65 milliards de dollars. Près de 66 000 plaintes sont enregistrées. Scandale mondial. Il est condamné à 150 ans de prison. Il meurt le 14 avril 2021. Selon le quotidien Les Echos, en 2022, les escroqueries financières basées sur la pyramide de Ponzi ont causé « 5,3 milliards de dollars de pertes potentielles ».

En septembre 2002, le président George W. Bush affirme, lors d'une allocution radiophonique, que « l'Irak possède des armes biologiques et chimiques (...) Il cherche à avoir la bombe atomique et avec des matériaux fissiles pourrait en fabriquer une en un an ». Le 5 février 2003, devant le conseil de sécurité des Nations unies, Colin Powell présente un dossier accablant. Une guerre préventive débute en mars, sans le concours de la France, aux termes du fameux discours new yorkais de Dominique de Villepin. Sur les terrains, les inspecteurs de l'ONU et les services de renseignements américains ne trouveront aucune arme de destruction massive. En 2011, les Etats-Unis et leurs alliés se retirent. Bilan : 500 000 morts, deux millions de réfugiés. L'Irak est livré à l'Etat islamique, qui répandra la terreur en Europe.

Le 24 juillet 2005, sur le podium de son 7ème Tour de France victorieux de suite (record absolu), Lance Armstrong déclare : “ Désolé que vous ne croyiez pas aux miracles. Dans le Tour de France, il n'y a pas de secrets, c'est une épreuve sportive difficile et c'est le travail qui permet de gagner ”. Un mois plus tard, L'Equipe, dont j'ai dirigé la rédaction de 2004 à mi-2008, titre : Le mensonge Armstrong. Au terme d'une enquête de plusieurs années, Damien Ressiot établit, documents, témoignages et analyses à l'appui, que l'Américain a eu recours à l'EPO dès son premier succès dans la Grande Boucle, en 1999. Implacable. Le 17 janvier 2013, acculé par les enquêteurs du FBI, Lance Armstrong reconnait en direct à la télévision américaine avoir eu recours au dopage pour remporter ses sept Maillots jaune. L'Union cycliste international (UCI) lui retire ses victoires et décrète que ces Tours de France là n'ont pas de vainqueur. Entretemps, en juillet 2009, pour saluer son bref retour dans le peloton, L'Equipe avait titré : Chapeau, le Texan !

Demain, dimanche 23 juillet 2023, le Danois Jonas Vinegaard va remporter son deuxième Tour de France. Il aura signé des performances hallucinantes, améliorant des records qui sentaient très forts la pharmacie, courant un contre-le-montre en montagne à l'allure d'une voiturette sans permis, portant la moyenne de l'épreuve à une vitesse qui lui interdirait de traverser le moindre centre-ville bien de chez nous sans risquer le retrait de points et pulvérisant les taux d'audience des retransmissions télévisées (France Télévisions). Chapeau, le Danois ? Au printemps 2022, j'ai interviewé pour le compte du Monde, dont j'ai été responsable des pages sports (1997-2003), le formidable Gérard Majax, prestidigitateur réputé, adepte de la zététique, cette philosophie du scepticisme scientifique qui lui a permis de démasquer nombre de charlatans. Il m'a dit : « Notre art repose sur la manipulation, celle des objets et celle des esprits. On est là pour embobiner les spectateurs. Mais il faut s'arrêter juste avant l'escroquerie. Le paranormal n'existe pas. »


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Cette page a été mise en ligne le 22/07/2023