Actualité du dopage

L'UCI a couvert Lance Armstrong dès le Tour 1999


21/01/2013 - lemonde.fr - Yves Bordenave, Benoît Hopquin et Philippe Le Coeur

"Lance Armstrong a confirmé qu'il n'y avait aucune collusion ou conspiration avec l'UCI. Il n'y a pas eu de tests positifs couverts", affirme Pat McQuaid, président de l'Union cycliste internationale (UCI) dans un communiqué. "Jamais rien n'a été caché", insiste, laconique et péremptoire, Hein Verbruggen, président de l'instance internationale de 1991 à 2005. Les aveux de dopage de Lance Armstrong, télévisés aux Etats-Unis jeudi 17 et vendredi 18 janvier, n'ont pas rafraîchi la mémoire de l'UCI, qui en oublie le Tour de France 1999 (...).

L'UCI avait alors accepté un certificat médical du coureur, qui venait de subir un contrôle positif aux corticoïdes. Lance Armstrong a admis à l'animatrice Oprah Winfrey qu'il était antidaté. L'UCI ne pouvait alors ignorer cette tricherie manifeste.

Le 4 juillet, à la fin de la première étape entre Montaigu et Challans, Lance Armstrong, dossard 181, est contrôlé. Le procès-verbal rédigé à l'époque (...) indique le nom du coureur et le numéro du prélèvement qui lui est associé (157 372) et qui sera analysé de manière anonyme. A la rubrique "remarques de la part du sportif contrôlé" et "médicaments pris", il est écrit "néant". C'est sur cette ligne que le coureur devait, impérativement selon les règlements de l'UCI, indiquer s'il avait une prescription médicale autorisant l'usage d'un médicament. Par ce "néant ", il reconnaissait ne pas en avoir. Le contrôle est diligenté notamment par l'UCI dont un représentant de la commission médicale a signé le PV, en même temps que le coureur et son directeur sportif, Johan Bruyneel.

A plusieurs reprises par la suite, celui qui porte le maillot jaune insistera ne pas suivre de traitement. (...) Le 20 juillet, Le Monde annonce que Lance Armstrong est positif à un corticoïde, le triamcinolone acétonide. Comme le montre le résultat du Laboratoire national de dépistage du dopage, le prélèvement 157 372 (...) comporte des "traces" de ce produit interdit. Lance Armstrong est donc positif, comme il est écrit et souligné d'une croix sur le rapport. Contacté alors par le journal, Hein Verbruggen, à l'époque président de l'UCI, s'émeut non de cette positivité mais de la révélation "d'informations confidentielles" dans la presse.

(...)

Le 21 juillet, la contre-attaque est organisée. L'UCI publie un communiqué de soutien à l'Américain. Elle rompt le secret médical et affirme qu'"une prescription médicale a été présentée à l'UCI", sans en préciser la date. (...) Lance Armstrong a donc confirmé la semaine dernière qu'elle avait été antidatée pour couvrir son contrôle positif.

L'UCI a protégé le coureur en acceptant ce document falsifié. Elle est allée plus loin. Dans son communiqué, elle défendait l'innocence du coureur et s'en prenait violemment au Monde, l'accusant de publier des informations "infondées". Dans un ballet bien réglé, Lance Armstrong, muet depuis vingt-quatre heures, sortait à son tour du silence. Dédouané par l'UCI, il attaquait à son tour le "journalisme de vautour", dénonçait des "ragots". Il annonçait sa volonté de porter plainte contre Le Monde, ce qu'il se gardera évidemment de faire.

Contactés par Le Monde dimanche 20 janvier pour commenter cet épisode, Pat McQuaid et Hein Verbruggen, aujourd'hui membre influent du CIO, n'ont pas répondu à nos demandes d'entretien. En 1999, l'UCI ne s'est pas contentée d'intimider les journaux "irresponsables". Hein Verbruggen a également appelé pendant ce Tour de France la ministre française des sports, Marie-George Buffet. "Il a été d'une extrême virulence à l'égard de la politique que nous mettions en place contre le dopage. Il a dit que nous voulions la mort du cyclisme et du Tour de France", se souvient Gilles Smadja, directeur de cabinet de la ministre (...).

"Nous leur avons fourni la preuve du mensonge d'Armstrong, poursuit l'interlocuteur. Au lieu de mettre la pression sur lui et son entourage, l'UCI a fait le choix de dépenser toute son énergie à démontrer l'innocence du coureur (...). Ce que l'on appelle désormais le grand mensonge d'Armstrong, avec son côté pathétique et sa part de cynisme, aurait pu ne jamais exister si les instances internationales du cyclisme avaient fait preuve d'un minimum de lucidité et de fermeté pendant le Tour de France 1999." C'était là la première occasion manquée et le début des liaisons dangereuses entre l'Américain et l'UCI, sujet sur lequel Lance Armstrong ne s'est pas épanché lors de ses demi-aveux.


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Cette page a été mise en ligne le 21/01/2013