Actualité du dopage

Questions pour des champions


18/07/1999 - lemonde.fr - Antoine Vayer

POUVAIT-ON attendre autre chose que l'abandon du « vilain petit canard », Christophe Bassons, dont je suis l'entraîneur, victime d'un manque de défense humanitaire ? Non. Pendant la journée du lundi 19 juillet, dite « de repos », son cas va alimenter les discours et une provoquer une haine aux multiples visages. Dans le « milieu » du cyclisme, le vent mauvais n'a de cesse que d'abattre les arbres qui dépassent de la forêt. Ensuite, il le découpe, le broie, le brûle, l'enterre et justifie ses sévices en culpabilisant le tronc auprès des témoins de la scène. Puis il dit : « Quel dommage ! » On n'est pas obligé de le croire sur parole.

Seulement voilà, et c'est maintenant certain : les membres de la « grande famille cycliste » confirment le principe de Peter - un homme ambitieux finit toujours par être promu à son niveau maximal d'incompétence, celui où il arrive à exprimer son influence la plus nuisible - par l'apparition d'une angoisse puis d'un rejet extrêmement violent vis-à-vis d'un homme de 25 ans au discours clair et public.

Pouvait-on attendre autre chose ? Non. Ajoutez à cela certaines véritables jalousies, deux doigts de paranoïa, un rien de psychopathie et vous obtiendrez le cocktail - détonant et dégoûtant - qui a provoqué le départ de Christophe Bassons.

Pouvait- on attendre autre chose que la violence du silence et du sentiment de solitude endurés pendant 11 jours et 11 nuits (dont une de pleurs), jusqu'à cet abandon ? Non.

En matière de dopage, peut-on demander de remplacer l'urgence et le radicalisme par la mansuétude et la patience ? Non. C'est pourtant ce qu'on fait.

Peut-on, dès lors, s'étonner de la suspicion envers les performances de certains des coureurs de ce 86e Tour de France et l'angélisme de leur encadrement ? Non.

Enfin, comment ne pas envisager la mort du sport magnifique (bien lire sport et non pas spectacle) qui porte le nom de cyclisme si on laisse son élite aux mains d'un milieu dont les usages, avérés, font peur.

Dans ces conditions, faut-il s'attendre à autre chose qu'à la colère de ceux qui adhèrent à la philosophie du coureur qui, jusqu'au vendredi 16 juillet, portait le dossard no 152 ? Non. Elle ne tardera pas à s'exprimer. « Tous les jours, c'est pénible », a déclaré un coureur lors d'une émission de télévision au cours de laquelle on lui demandait de s'expliquer la rancoeur du peloton à l'égard de Christophe Bassons et l'impact de sa prise de position répétée. Quel est le bon rythme ? Convient-il de dénoncer le dopage une fois par mois (sauf en juillet parce que les gens sont en vacances, qu'il ne faut pas les empêcher de rêver, et que le spectacle des coureurs avalant une étape à la vitesse d'une missile de croisière est une chose épatante que rien ne doit venir troubler) ? Une fois par an ? Une fois par siècle (de préférence le XXIIe) ?

Cette cadence permettrait d'apprécier pleinement - c'est-à-dire sans réfléchir - la victoire finale de Lance Armstrong et le triomphe montagnard de Richard Virenque.

Lundi, les équipes reprendront le manège des alliances, avant les Pyrénées, et les organisateurs de critériums leur bal, eux qui voient dans l'abandon de Christophe Bassons un excellent prétexte pour faire baisser, dans la plus grande discrétion, le prix du kilo de probité, histoire de la décourager un peu plus. La manie du secret n'épargne personne dès lors qu'on appartient à un système dont la principale source d'énergie est le jeu du pouvoir.


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Cette page a été mise en ligne le 20/11/2022