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Le « moteur » du Maillot jaune bridé après les Pyrénées


27/07/2015 - lemonde.fr - Antoine Vayer

Plus de moteur ? Moins d'essence ? Que retenir de notre traditionnel bilan « radars », désormais référence internationale en matière de « watts » et puissances développées par les coureurs, principal sujet clivant de cette édition 2015 ? Que le cyclisme est sur la voie de la rédemption ? Certes. Mais les performances et le comportement de Chris Froome et de son dauphin Nairo Quintana restent une vraie préoccupation.

Le cyclisme se cherchait des héros, capables de faire vibrer le spectateur et le suiveur, plutôt que des champions dont tout le monde oublie vite le nom et le palmarès. Le duo français Pinot-Bardet, en baisse d'efficience respectivement de 6 % et 7 % par rapport au Tour 2014, sous la barre des 390 watts étalons de moyenne dans les cols radars de l'édition 2015, a brillé comme jamais ponctuellement en remportant chacun son étape. Comme quoi, un niveau de performance raisonnable peut devenir spectaculaire et enfin permettre de se couvrir de gloire. C'est nouveau.

Des gènes d'« antilope pronghorn »

Vincenzo Nibali, le lauréat 2014, seul à avoir passé la barre suspecte des 410 watts l'an passé (417), a perdu 5 % de son potentiel et finit au pied du podium à 396 watts de moyenne. Son « grand raid » victorieux lors de la 19e étape, où il a enchaîné sans décliner trois cols (Croix-de-Fer, Mollard, Toussuire) entre 390 et 400 watts, c'est tout de même mieux que ceux du Virenque de la grande époque et pas loin de ce que pouvait réaliser Rasmussen. Disons qu'il a su récupérer après ses ratés dans les Pyrénées. C'est italien.

Alberto Contador, avec 394 watts de rendement, a chuté de 10 % en efficacité par rapport à son deuxième Tour victorieux de 2009 (439 watts). C'est énorme. Les mauvaises langues avisées disent qu'il n'a plus de moteur dans son vélo et moins d'essence. Il a essayé à de nombreuses reprises de s'envoler comme naguère, frappant le vide de son épée. Disons qu'on lui a arraché ses lauriers et la rose, et qu'il a emporté dans sa chute, malgré les sceptiques, son panache. C'est espagnol.

Chris Froome, lui, a tué le Tour le jour de la fête nationale, à la Pierre-Saint-Martin. Comme il l'avait fait en 2013 à Ax et au mont Ventoux. Il a écoeuré ses adversaires et stupéfié jusqu'au fameux préparateur d'Armstrong, Michele Ferrari, qui s'est demandé s'il n'avait pas des gènes d'« antilope pronghorn ». Son matériel, un peu tard, a donc été vérifié à notre demande (Le Monde du mardi 21 juillet) dans les Alpes. Nous avions gentiment proposé à Froome de renouveler ses cadences infernales pour montrer sa bonne foi. Il n'a pas pu. Tout juste a-t-il « géré » son avance avec son équipe, pour finir son Tour exactement au seuil « suspect » de 410 watts. Bien calculé. C'est anglais.

La conférence de presse organisée par son équipe Sky a été un modèle de tentative de manipulation visant à semer la confusion et à faire croire au miracle. Watts, piège à com'. Froome aurait seulement développé 5,75 watts par kilo (w/kg) à la Pierre-Saint-Martin, chiffre aberrant livré en pâture par son staff. Il aurait donc des capacités physiques inférieures à celles de ceux qu'il bat, pas moins. That's it ! Son capteur SRM surestimerait sa puissance de 6 % à cause de son pédalier de forme ovoïde. Chris Froome, avec 5,85 w/kg réels, aurait dû finir à 434 watts étalons à l'Alpe d'Huez, en suivant la logique « Sky » des 6 % de surestimation. Il aurait dû battre Quintana, comme à la Pierre-Saint-Martin. Mais il a terminé à 1 minute 20 secondes derrière.

Un coureur « à l'ancienne »

En 2013, afin qu'ils nous donnent des explications sur les performances incroyables de leur poulain, son manager, Brailsford, et son « scientiste », Kerrison, nous avaient pourtant expliqué ce plateau n'avait « aucun effet sur la performance » en termes de watts. Les tricheries sont toujours accompagnées de mensonges dans les cours d'école. Froome ne gagnera pas une troisième édition du Tour de France si son matériel est vérifié au bon moment au bon endroit. Reste aussi à étudier sérieusement ses capacités « exceptionnelles », si « spéciales » en laboratoire, ce qui n'a jamais été fait. Ce serait so British.

Nairo Quintana l'emportera haut la main. Le petit grimpeur est le seul qui progresse (+ 1 %, avec 413 watts contre 410 en 2013) et qui n'a pas faibli dans les Alpes après les Pyrénées. Il n'est pourtant pas dans la recherche des « gains marginaux » vendus par Sky. C'est un coureur « à l'ancienne ». Il a battu, avec l'aide de Valverde, 35 ans, 3e de ce Tour à 407 watts, le record du radar de la Toussuire en 44 minutes 30 secondes, mais également celui de la Croix-de-Fer, avant de réaliser le meilleur temps sur l'Alpe-d'Huez en 39 minutes 22 secondes, à 430 watts étalons pour 6,35 w/kg. Détonant ! C'est colombien.


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Cette page a été mise en ligne le 27/07/2015