Actualité du dopage

Pour les enquêteurs, Rémy di Gregorio serait au coeur d'un réseau pratiquant l'ozonothérapie


14/07/2012 - lemonde.fr - Laurent Telo et Emmanuel Versace

Après quarante-huit heures de garde à vue et cinq interrogatoires infligés au coureur français de l'équipe Cofidis, Rémy Di Gregorio, entre mardi 10 et jeudi 12 juillet, le parquet de Marseille et l'OCLAESP (Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique), sont satisfaits de ce qu'ils ont trouvé. Rémy Di Gregorio serait au coeur d'un réseau qui pourrait concerner d'autres coureurs. Ce réseau pratiquerait l'ozonothérapie qui consiste à enrichir le sang avec de l'ozone pour augmenter la résistance à l'effort du coureur.

Le coureur marseillais a été interpellé le mardi 10 juillet 2012 dans le cadre d'une information judiciaire ouverte contre X le 28 juin 2011 du chef, notamment, de trafic de produits dopants en bande organisée. Deux jours plus tard, le procureur de la République de Marseille, Jacques Dallest a déclaré avoir éliminé "le caractère aggravant de la bande organisée". Di Gregorio a été mis en examen pour "détention de procédé dopant sans justification médicale", libéré sous caution (30 000 €) et placé sous contrôle judiciaire.

Le coureur français avait été placé sur écoute dans le cadre d'une enquête concernant Astana, l'équipe kazakhe pour laquelle il courait en 2011. Le dossier a été ouvert il y a un an par le parquet de Marseille (...). Mais à ce stade, les enquêteurs sont persuadés qu'il ne sont pas sur la piste d'un dopage organisé. Ni au sein de l'équipe kazakh ni au sein de l'équipe Cofidis (...).

Les écoutes téléphoniques sont au centre de l'interpellation de Di Gregorio. Elles ont permis aux gendarmes de l'OCLAESP d'interpeller le coureur au moment où une personne en provenance de Marseille lui apportait un colis sur le parking de l'hôtel Mercure de Bourg-en-Bresse. Cette personne est un ami de Di Gregorio et un ancien directeur sportif d'équipe cycliste amateur. Il a notamment officié dans un club de cyclisme amateur de la région marseillaise, également fréquenté par Rémy Di Gregorio. Il était venu à Bourg-en-Bresse livrer un sac rempli de médicaments, de compléments alimentaires, d'un kit de perfusion de glucoses, d'aiguilles de seringues de différentes tailles et de produits non identifiés. Il est resté une journée en garde-à-vue avant d'être relâché. Il n'a pas été mis en examen. Les résultats des analyses des produits non identifiés pourraient être connus d'ici deux semaines.

Les écoutes téléphoniques ont également permis de déterminer le nom de celui qui a rempli le sac apporté à Rémy Di Gregorio. Christian Segui, soixante-quinze ans, se dit naturopathe — une pratique dérivée de la médecine homéopathique. Il a déjà été condamné pour exercice illégale de la profession et radié de l'ordre de médecins. Il vit une retraite confortable à Marseille. Di Gregorio fréquente Christian Segui depuis au moins un an. Les écoutes ont permis de retracer plusieurs discussions, dont au moins une depuis le départ du Tour de France, entre le coureur français et le naturopathe. Durant ces conversations, les deux hommes auraient évoqué des "soins" à prodiguer. Les enquêteurs, qui ont perquisitionné le cabinet de Christian Segui ont trouvé 26 000 € en espèces, un disque dur d'ordinateur — dont les données vont être exploitées par les enquêteurs — ainsi qu'une sorte de centrifugeuse, matériel qui peut être utilisé à des fins de pratiques dopantes. Il permet aussi de contrôler le niveau d'hématocrite et d'hémoglobine.

Interrogé, Christian Segui a changé de version durant son interrogatoire. Il a d'abord nié avoir pratiqué la moindre transfusion avant de concéder que son matériel y était destiné et qu'il avait pratiqué à plusieurs reprises des injections, voire une transfusion de sang enrichi à l'ozone. Segui a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire.

"Je ne me suis jamais dopé. Sauf si on m'a trompé", s'est défendu Rémy Di Gregorio à la sortie de sa garde-à-vue, jeudi 12 juillet. "Rémy Di Gregorio nie avoir été perfusé, affirme Dominique Mattei, avocat de Di Gregorio. Il dit avoir seulement subi une injection intramusculaire dans la fesse, de produits naturels ou homéopathiques. Si l'analyse des produits saisis montre qu'il n'y a pas de vertus dopantes et si on a des doutes sur les transfusions, je ne vois pas ce qu'on peut lui reprocher. Malgré tous les contrôles antidopage subis, mon client n'a jamais été contrôlé positif."

Les gendarmes privilégient pourtant la piste de transfusions avec du sang enrichi à l'ozone, voire à l'injection d'hormones d'origine animales. Selon l'ordonnance de mise en examen dont Le Monde a eu connaissance, "il ressort de la combinaison des écoutes téléphoniques, des déclarations de monsieur Segui et des propres déclarations de Rémy Di Gregorio devant les gendarmes que celui-ci a détenu, au moins à deux reprises, des dispositifs et produits permettant la mise en oeuvre de méthodes prohibées visées par l'arrêté du 5 juin 2012 fixant la liste des substances et méthodes dont la détention par le sportif est interdite."

Il ressort également des écoutes téléphoniques que Rémy Di Gregorio aurait contacté un coureur professionnel espagnol, Alexis Rodriguez. Cet ancien coureur de l'équipe espagnole Kelme de 2001 à 2003 roule aujourd'hui pour Letua cycling team sous pavillon malais depuis janvier 2010. Alors qu'il roulait pour l'équipe 3 Molinos Resort disparue fin 2006, il a été cité dans l'affaire "Puerto" (...). Au cours d'une discussion téléphonique, Di Gregorio et Rodriguez auraient discuté de l'achat d'un certain "type" de matériel. Une centrifugeuse probablement. Selon nos informations, Di Gregorio, qui n'aurait alors pas fait "affaire" avec le coureur espagnol se serait alors tourné vers Christian Segui. La prochaine "étape" pour Rémy Di Gregorio devrait être son audition devant le juge Le Goff qui ne devrait pas avoir lieu avant septembre.


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Cette page a été mise en ligne le 14/07/2012