Dossier dopage

L'ex-cycliste néerlandais Peter Winnen défend l'idée d'un dopage «maîtrisé» : «Il faut autoriser plus de produits interdits»


08/01/2000 - Libération - Par Sophie Perrier

La semaine passée, avec deux anciens coureurs, Maarten Ducrot et Steven Rooks, l'ancien cycliste néerlandais Peter Winnen révélait à la télévision qu'il s'était dopé pendant sa carrière. (...) Peter Winnen a été coureur professionnel de 1980 à 1991. 5e du tour de France en 1981, 4e en 1982 et 3e en 1983, le Néerlandais a achevé sa carrière en 1991, dégoûté par l'arrivée de l'EPO dans le cyclisme, dit-il. Alors qu'il n'hésite pas à affirmer que les stéroïdes anabolisants devraient être autorisés pour la récupération. Témoignage qui tourne parfois au plaidoyer pour un dopage sous contrôle.

Pourquoi parlez-vous aujourd'hui publiquement du dopage?

Ce qui m'a poussé à faire du cyclisme était de l'ordre du romantisme. Ma carrière a été la plus belle période de ma vie. N'importe qui veut devenir un héros. Mais j'ai trois garçons et je vois beaucoup d'enfants de 10 ans avec des rêves plein la tête. Ils doivent pouvoir exprimer leur passion sans passer par un laboratoire. Depuis que l'EPO est arrivée dans le cyclisme à la fin des années 80, ce sport est devenu ridicule. A l'époque, les équipes néerlandaises n'utilisaient pas ces produits. Maintenant, elles le font. Un coureur me l'a récemment confirmé. L'EPO est une chimie tellement efficace qu'il n'est plus question de talent. Une course peut être complètement manipulée. Il ne s'agit plus de courir vite, on peut fabriquer un gagnant en laboratoire. Les dernières années de ma carrière, je n'avais plus aucune chance de gagner, puisque je n'utilisais pas ce produit. L'EPO a tué le sport. C'est pourquoi je trouve qu'il faut que le tabou soit levé sur le sujet.

Avez-vous vous aussi utilisé des produits interdits?

Cela a été nécessaire à plusieurs reprises. Pas en 1983, où je n'ai même pas osé prendre de la codéine contre la bronchite. A l'époque, j'avais très peur des réactions de l'opinion publique au cas où je serais découvert. Plus tard, lorsque cela a été nécessaire, je n'ai pas hésité. C'était après l'étape des Alpes du Tour de France 1986, où je courais pour Panasonic. J'en étais sorti lessivé et j'avais le choix entre deux options: arrêter la course, à une semaine de Paris, ou prendre des produits interdits. Arrêter aurait bien sûr été la solution la plus raisonnable. Mais je n'ai pas hésité à prendre des stéroïdes anabolisants, une hormone de récupération, avec le risque d'être pris au cours des trois mois suivants. Cela avait été décidé en concertation avec le soigneur et le directeur de l'équipe Peter Post. Mais je trouve qu'en tant que cycliste professionnel je devais avoir le droit d'utiliser cela. Il ne s'agit pas de dopage, mais de médicaments. Il faut autoriser plus de produits. Car, pour l'instant, la liste des produits interdits est inapplicable.

(...)

Après la récente diffusion de l'émission télévisée Reporter, où vous et vos collègues Maarten Ducrot et Steven Rooks parlent ouvertement du dopage, Peter Post, Jan Raas (directeurs sportifs) et Hein Hein Verbruggen (président de l'Union cycliste internationale) vous ont vivement critiqués...

Ces réactions étaient prévisibles, exactement selon les lois du milieu. Ils ne peuvent pas faire autrement, et je ne leur en veux pas. Lorsque j'ai couru avec Post de 1983 à 1989, il cherchait la perfection. Raas, l'introduction de l'EPO le rendait malade. Quant à Hein Hein Verbruggen, il avait dit à son arrivée qu'il allait essayer de résoudre le problème du dopage. Or, là, il est furieux contre nous, alors qu'il n'a même pas vu le reportage. Et, bien que le Tour de France 98 ait été honteux, la chance qui s'offrait de faire changer les choses n'a pas été saisie.


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Cette page a été mise en ligne le 28/11/2005