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Il faut rendre ses 7 titres à Lance Armstrong #9

20/07/2024 - cyclisme-dopage.com - Antoine Vayer - #TeamWattthefuck

Lance Armstrong, le soi-disant miraculé d'un cancer des testicules, est arrivé l'été d'après le plus gros scandale de toute l'histoire du sport cycliste et peut-être du sport en général, celui de mon équipe Festina en juillet 1998. Avec Nike et ses bracelets jaunes vendus par millions pour 10 eurors pour sa fondation, il a remporté 7 Tours de France d'affilée, entre 1999 et 2005. Dès son premier sacre, je n'ai eu de cesse de dénoncer ses performances dans mes chroniques de différents journaux nationaux, après avoir dénoncé celles de mon équipe, bien moindres. J'ai été voué aux gémonies. L'histoire et surtout nos analyses en watts de ses “exploits” et records beaucoup trop extravagants pour être honnêtes m'ont donné raison. Ce sont des preuves de la supercherie qui se renforce.

Les chiffres ne mentent pas. Ils parlent.

NON ATTRIBUE

Tour 1999 : Armstrong 406 Watts Etalon (WE). C'était presque humain, sous 410 WE. Il n'avait aucune opposition. Les adversaires ne sont pas venus et avaient peur. Il a géré. Ensuite, il a constamment flirté dans la zone que je qualifie de miraculeuse, aux alentours 430 WE, avec l'aide du dopage et des méthodes les plus lourdes qui améliorent le potentiel physique à minima de 10%. Les autres avaient compris et « remis en route ». On se dope aussi parce que les autres le font et parce que c'est 100% indétectable. Armstrong a donc simplement géré en fonction du dopage des autres. 2000 : 428 Watts Etalon, 2001 : 438 watts, 2002 : 417 watts, 2003 : 432 watts, 2004 : 428 watts, 2005, 425 watts.

C'était un junior.

Pogacar est un clone slovène de l'Américain avec une incroyable ressemblance sur beaucoup d'aspects, mais bien plus puissant. Cette année, il a battu le record de toute l'histoire du Tour de France : 454 Watts Etalon, poussé par Vingegaard. C'est monstrueux. Indurain, qui détenait le précédent record, avec 451 WE est battu.

Les radars du Tour de France depuis 1994
Source : Frédéric Portoleau - 20/07/2024

Lance est pourtant le seul coureur à qui on a retiré officiellement ses victoires. Même Bjarne Riis ou Marco Pantani sont restés sur les tablettes, en dépit de leurs aveux. Même Indurain, précédent recordman n'a pas été inquité. Regardez sur Internet le palmarès officiel. Il est écrit « non attribué » ou « aucun vainqueur désigné » pour les années Armstrong.

Il faut lui réattribuer ces victoires. Même Floyd Landis, mon ami, qui l'a dénoncé et a provoqué sa chute est d'accord.

Floyd Landis, lanceur d'alerte

Floyd Landis, compatriote de l'Américain, était son plus grand lieutenant. Armstrong n'a cessé de veiller à ce qu'il ne gagne pas quand il s'est émancipé en 2005 dans l'équipe Phonak. Si Juan Ayuso voulait devenir leader et quitter UAE, Pogacar réagirait pareillement. Armstrong est parvenu à ses fins avec l'aide d'autres lieutenants de US Postal. Lance gagne son septième Tour en 2005, Floyd termine 9ème. Mais en 2006, Armstrong prend sa retraite. Le Tour commence avec une nouvelle affaire dite « Opération Puerto » et les fameuses poches de sang du docteur Eufemiano Fuentes, dont il se dit que le tennisman Nadal aurait bénéficié. Côté vélo, on trouve parmis ses “patients” : Ivan Basso, Jan Ullrich, Francisco Mancebo et Alexandre Vinokourov, respectivement 2ème, 3ème, 4ème et 5ème du Tour 2005. Il prennent la porte et ne peuvent concourir. Floyd a un boulevard devant lui. Des poches de sang frais sont prêtes, que lui tend un ami, quasiment sur le podium, le soir des étapes dans des petits paquets-cadeau de fan. Il a une équipe qui le couvre, des hormones à gogo. Il s'empare du maillot jaune dans les Pyrénées avant de le laisser sciemment à l'Espagnol Oscar Pereiro, parti dans une échappée fleuve. Il le reprend à l'Alpe-d'Huez, puis, « déshydraté », défaille le lendemain et perd dix minutes sur le Danois Michael Rasmussen. Mais le surlendemain, il s'échappe. Un raid solitaire de 130 km, suivi par la voiture de l'équipe avec les 100 bidons d'eau de la formation. Il repousse l'intégralité du peloton à 5 minutes en brûlant les watts dans les quatre cols de l'étape : 420, 389, 422 et 395 watts à Joux-Plane. Il récupère le maillot jaune et le garde jusqu'au dimanche sur les Champs-Élysées. Ce renversement est salué comme l'exploit du siècle pendant trois jours. Le lundi, j'ai été le seul, chiffres à l'appui, à le dénoncer dans une chronique pour Libération : Pas de socquette légère à La Toussuire. On m'a (encore) traité de bousille-fête, d'aigri.

Mais le ciel tombe alors sur la tête du cyclisme quand il est déclaré contrôlé positif le mercredi suivant en raison d'un contrôle positif pendant l'épreuve. Armstrong n'a pas supporté la victoire de Landis. Il s'est arrangé pour le faire tomber hors vélo via l'Union Cycliste Internationale avec qui il était encore de mèche. A chaud, Floyd va sombrer. Tiède, il va se défendre. Puis il va se venger, à froid, en témoignant devant la justice américaine, provoquant l'ire d'Armstrong qui va devoir lui laisser 10 millions d'euros et être déclassé de toutes ses victoires. Les deux yankees ont toujours eu un point commun. A la question tous les ans depuis leur combat : « Pensez-vous qu'un vainqueur du Tour puisse être “clean” ? », ils ont toujours répondu : « Je ne pense pas, je sais que non. ».

US puis UK

Après l'ére américaine Armstrong, qui a duré 10 ans jusqu'en 2009, est arrivée l'ère Sky, 10 ans aussi jusqu'en 2019. Les victoires des anglais ont été vendues comme le sont cette années celles de Pogacar : avec la mise en avant des fameux gains marginaux, de la science poussée à l'extrême dans les méthodes d'entraînement, des technologies de pointe, de la diététique exceptionnelle, du matériel 2.0. En tête de gondole, les Bradley Wiggins, Chris Froome, Geraint Thomas et Egan Bernal. Mais pendant cette période les watts ont baissé par rapport à la décennie de Armstrong. Ils sont descendus sous la zone que j'appelle miraculeuse, dans celle simplement suspecte entre 410 et 430 watts. Encore trop haute pour être honnête.

Puis, en 2020 Tadej Pogacar a ouvert une nouvelle ère avec Jonas Vingegaard. Une ère complètement folle. Durera-t-elle 10 ans aussi, dans la zone mutante cette fois ?

J'ai aidé Floyd Landis le « whistleblower » (lanceur d'alerte) à témoigner. Il est devenu un ami. Ce n'est pas simple face à la mafia dont les règles sont bien l'omerta et la camora de tout un milieu qui était le sien et qu'il aimait, même s'il avait l'impression de vivre « dans un dessin animé » (sic). Il a tenu bon.

La nuit dernière je l'ai contacté, comme il m'arrive de temps en temps. Je lui ai demandé ce qu'il pensait de cette édition 2024.

Gains MARGINAUX, gains MAXIMAUX

Voici ce qu'il m'a écrit :

« Here's my quote : marginal gains (the bullshit British version of "faster tires") has given way to maximal gains. At this point they should give Lance Armstrong his 7 jerseys back and maybe we can all just accept cycling for what it always was and what it will always be. I still love it, but from a distance. I don't want to be involved. »

« Mon avis : les gains marginaux, la version britannique à la con (ère Sky) des « pneus plus rapides » ont cédé la place aux gains maximaux. Puisqu'on en est là, à ce stade, ils devraient rendre à Lance Armstrong ses 7 maillots. Peut-être pouvons-nous tous accepter le cyclisme tel qu'il a toujours été et ce qu'il sera toujours. Je l'aime toujours, mais de loin. Je ne veux plus être impliqué »

Ce cyclisme, où celui qui se dope le plus gagne le plus, devrait totalement se décomplexer car cela devient trop évident. Quitte à ainsi réhabiliter les victoires de Lance Armstrong et le personnage ? Beaucoup sont pour, de fait, même son meilleur ennemi. Quitte à légaliser la tricherie. C'est le cas ipso facto. C'est logique.

Alien

Plus fort que mutant : alien !
Source : Espé - 20/07/2024

Après le bilan des Pyrénées (voir ici), nous sommes passés dans le massif alpin. Le col radar du Noyer, derrière une cinquantaine de coureurs qui avaient une permission de sortie tellement ils étaient loin au classement général, a été monté tranquillement pour les leaders, à part pour Pogacar sur le haut. Il n'a pas pu s'empêcher d'attaquer, son vélo s'est emballé pendant presque deux minutes. Il ne sent plus rien, il est tellement sûr de lui depuis son Tour d'Italie, victorieux et délirant, qu'il a vécu « comme un échauffement pour le Tour de France ». Pogacar a grimpé le Noyer en 21min33sec à 21,16 km/h, soit 416 Watts Étalon, 5,95 w/kg.

Echauffement

Son vrai rythme de croisière, c'est plus que ça quand il se lâche. C'est pendant une heure au-delà de 25km/h dans les cols, ce qui perturbe nos calculs tant le Slovène va vite. C'est jusqu'au-delà de 470 Watts Étalon, presque à 7 watts/kg, comme à Beille (475 Watts Étalon pendant 39'57”). C'est bien au-delà de ce que préconisait le Dottore Ferrari avec la posologie et les produits pour Armstrong. Ainsi, après avoir battu collectivement avec son équipe son 7ème record de suite sur ce Tour dans le col de La Bonette à 2802 m d'altitude, il a à nouveau sidéré tout le monde du cyclisme, Floyd Landis inclus. Ses coéquipiers parlent d'un jeu vidéo et de la simplicité de leur travail : déposer leur leader en bonne position dans la dernière montée radar après avoir roulé au train à 400 watts toute la journée. Là, il attaque, ce que tout le monde attend. Aucun suspense. Sur la partie basse d'Isola 2000 de 9,82km à 7,87% Pogacar est monté en 24'42'' à 23,85 km/h, 472 watts Etalon, 6,75 w/kg presque comme à Beille. Il a fait une fin de montée à 27,71 km/h sur une pente à 5,95%, à une altitude de 1829m. Cette altitude semble n'avoir aucun effet physiologique sur son organisme. La montée totale, 8ème record, a été réalisée en 38min14sec, environ 469 Watts Étalon. J'ai été obligé de créer une catégorie « ALIEN », au-dessus de 470 Watts Etalon.

Les radars du Tour de France 2024 - Bilan final
Source : Antoine Vayer (avec Frédéric Portoleau) - 20/07/2024

Records à gogo

Sur notre dernier radar du Tour de France, le col de la Couillole, Pogacar qui avait cinq minutes d'avance le matin sur ses dauphins a battu un 9ème record sur 9 possibles : celui de Richie Porte avec 2min35sec de mieux que l'Australien en 2017. Pogacar a développé exactement 452 watts Étalon sur la Couillole (6,45 w/kg). Performance surréaliste en troisième semaine, sans fatigue pour lui, avec une facilité dérisoire à 24,27 km/h pour 15,87 km à 7,37%, gravis en 39min14s. Vingegaard a produit 455 watts Etalon. Il a plus mené et donc moins “drafté”.

De record, il sera encore question, avec bientôt six étapes gagnées en seul Tour, après le contre-la-montre de demain (faisons les paris) qui font suite aux six victoires d'étapes sur le Tour d'Italie en mai. Il va à ce rythme bientôt battre celui de Cavendish, 35 victoires sur le Tour de France, une de plus qu'Eddy Merckx, mais toutes acquises au sprint pour le britannique qui est 140ème et avant-dernier du Tour à 6h13'57'' en s'accrochant tous les jours d'étapes de montagnes aux voitures du grupetto, avec l'aide de coéquipiers uniquement affectés à ce qu'il rentre dans les délais. C'est un des ses coéquipiers qui est d'ailleurs lanterne rouge mais qui peut battre le Cav' demain, symbole d'une imposture considérable dans l'équipe la plus sale du Tour selon notre Indice de Confiance Cyclisme-Dopage.com (ICCD). L'équipe est managée par Vinokourov...

Le record historique de vitesse moyenne du Tour qui appartient à Jonas Vingegaard après le Tour de France 2022 avec 42,03 km/h sera quasi égalé par Tadej Pogacar demain. Ce soit on est à 41,79 km/h. Le danois avait battu le précédent record de 41,65 km/h qui appartenait à Lance Armstrong et qui datait du Tour 2005 : 41,4 km/h.

Pour que cela soit cohérent, on a choisi les 5 radars posés pour la moyenne cette année. Pla d'Adet, Beille, Noyer, Isola 2000 et Couillole. On a écarté les autres : San Luca et Peyrol, trop courts, le Galibier, trop venteux pour une mesure fiable, et Bonnette, trop loin de l'arrivée.

Ce Tour pue la dope. C'est le Tour le plus sale en watts-étalon de toute l'histoire du cyclisme. Pire que ceux des grandes années EPO. Derrière Pogacar, 8 coureurs sont entre 410 et 425 watts suspects. Deux sont des coéquipiers qui ont roulé pour lui mais qui ont fini devant (!) quand même : João Almeida, 4ème avec 425 watts Étalon, et Adam Yates, 6ème avec 421 watts Étalon. Sur le podium, deux coureurs sont dans la zone miraculeuse, Evenepoel à 437 watts Étalon et Vingegaard à 444 watts Étalon, à seulement 3 watts seulement de son tour victorieux de l'an passé. C'est dire s'il est en grande forme malgré son séjour en hôpital (voir notre chronique #1 ici). Pogacar est dans la zone mutante, au-delà de 450 Watts Etalon, avec deux exploits d'Alien. On ne pensait plus cela possible. C'est une terrible régression.

Avec 454 Watts Etalon moyens, il déloge Indurain 1995 de son piédestal et devient le recordman historique des surpuissants. C'est surréaliste. C'était inimaginable. C'est ridicule.

Rrr... Rrr... Rrr...
Source : Espé - 20/07/2024

Cela pue

Je voulais vous parler du vertueux Guillaume Martin. Le premier français mais aussi le premier coureur au classement à évoluer dans la zone humaine de ce Tour de France. Il est 14ème à 39'30'' de Pogacar et peut encore perdre deux places au classement général à l'issue du contre la montre.

Mais à quoi bon ? Même en bénéficiant de multiples abandons de quelques leaders d'équipe à mi-Tour pour rentrer dans le Top 20, puis de la clémence du peloton vu son retard pour le laisser s'échapper et intégrer le Top 15 ensuite, il n'a pas vu la tête de course. Jamais il n'a été acteur de quoi que ce soit, toujours à s'accrocher derrière pour ne pas exploser trop tôt. Il n'a pas vu ni subit directement les attaques de Pogacar et consorts.

Ne parlons même pas de Romain Bardet, qui demain à Nice finira 27ème du classement général à plus de deux heures (!) du leader et sa carrière là-dessus, sur un échec incroyable. Il n'a été devant qu'à la première étape pour un 24 heures en maillot jaune cocu. Il s'est battu toute sa vie pour être premier. Il termine aux oubliettes, effondré à La Couillole, contre des ganivelles par terre, épuisé, alors que Pogacar vainqueur est frais comme un gardon.

Si on leur pose du bout des lèvres la question : « Ce Tour pue la dope ? », les Français ne répondront pas. Ils baisseront la tête. Ils ne sauraient pas. Le dopage des autres ne les intéresse(rait) pas.

Oui, l'idée de rendre à Lance Armstrong ses 7 titres n'est pas une idée saugrenue, après tout. Sans doute que comme Floyd Landis nos tricolores pourraient être d'accord et se faire aussi l'écho de ses propos « peut-être pouvons-nous tous accepter le cyclisme tel qu'il a toujours été et ce qu'il sera toujours ».

Plus rien n'est désormais scandaleux. Le pire est admis.

Les records d'ascension de Tadej Pogacar dans le Tour de France 2024
Source : Frédéric Portoleau - chronoswatts.com - 20/07/2024

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Cette page a été mise en ligne le 20/07/2024