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Bradley Wiggins |
Le 5 mars 2018, le parlement britannique publie un rapport d'enquête sur le dopage dans le sport qui fait une large place aux pratiques de l'équipe Sky et singulièrement de Bradley Wiggins. Le rapport s'attarde notamment sur le médicament administré à Bradley Wiggins pour le Critérium du Dauphiné 2011 et sur les AUT dont il a bénéficié, notamment avant le Tour de France 2012.
"La demande d'AUT pour la triamcinolone pour Bradley Wiggins, avant le Tour de France 2012, signifie qu'il a bénéficié de l'amélioration des performances que procure ce médicament pendant la course".
I find it so sad that accusations can be made, where people can be accused of things they have never done which are then regarded as facts. I strongly refute the claim that any drug was used without medical need. I hope to have my say in the next few days & put my side across.
— Brad Wiggins (@SirWiggo) March 5, 2018
Une vidéo publiée par Antoine Vayer en novembre 2018 révéle les données SRM de Bradley Wiggins dans l'ascension de la Planche des Belles Filles pendant le Tour de France 2012 :
Speed : vitesse en km/h - Power : puissance en watts - Cadence : tours/mn
Une vidéo publiée par Antoine Vayer en novembre 2018 révéle les données SRM de Bradley Wiggins dans l'ascension du col d'Eze pendant Paris-Nice 2012 :
Speed : vitesse en km/h - Power : puissance instantanée en watts - Cadence : tours/mn - Avg power : puissance moyenne en watts
Quelques jours plus tard, il publie sur Twitter les données SRM de Wiggins pendant cette étape :
Une vidéo publiée par Antoine Vayer en novembre 2018 révéle les données SRM de Bradley Wiggins dans le sprint final du Tour de Romandie 2012 :
Speed : vitesse en km/h - Power : puissance instantanée en watts - Cadence : tours/mn
En septembre 2016, le groupe de hackers russes Fancy Bears, qui s'est introduit sur les serveurs de l'AMA, publie ses AUT de 2013 et 2014. Ces AUT que vous pouvez consulter ici, montrent que le patient Wiggins a été autorisé à prendre les médicaments suivants :
Toutes ces AUT ont été accordées par le Dr Mario Zorzoli de l'UCI.
Dans son autobiographie My Time, publiée en 2012, Wiggins écrivait : « British Cycling a toujours eu une politique « no-needle » [pas de piqure – NDLR]. C'est un pilier de leur politique. J'ai donc grandi avec comme cycliste. Dans la culture du cyclisme britannique, le mot « aiguille » ou sa simple vue vous fait penser « Oh merde ». C'est un tabou complet... Je n'ai jamais eu d'injection, à part pour les vaccins, et à l'occasion, j'ai été mis sous perfusion quand j'avais de la diarrhée ou quelque chose comme ça ou que j'étais gravement déshydraté ». Pourtant, en juin 2011 puis 2012, il se faisait injecter de la triamcinolone acetonide. Sans doute un produit qui induit des pertes de mémoire ! Quoiqu'il en soit, il préfère jeter la suspicion sur ses adversaires. Toujours dans My Time, il écrit : « L'interdiction de l'aiguille était fantastique ; cependant il nous semblait qu'au Dauphiné, il n'y avait aucun signe d'application de cette interdiction. S'ils avaient lancé des raids sur les équipes pour voir qui trichait, cela aurait été très bien pour nous. Les membres du personnel médical de notre équipe affirmaient que des coureurs continuaient à utiliser des seringues pour la récupération au Dauphiné et dans d'autres courses, bien que cette pratique fût interdite. Ceux qui étaient habitués à le faire n'allaient pas dire :« Oh, c'est interdit, donc nous allons arrêter de le faire ». Les plus durs vont continuer à pousser les limites, et tant que personne ne sera exclu pour avoir enfreint la règle de la seringue, je ne pense pas que cela va les arrêter. Mais tous ces développements favorisent une équipe comme la nôtre, qui est déterminée à courir proprement en vue d'une grande victoire au Tour de France. » .
Toujours au chapitre amnésie, il est remarquable que Wiggins n'ait jamais fait état de ces allergies au pollen qui semblent pourtant lui pourrir la vie si on en croit le remède de cheval appliqué. La mémoire lui revient à l'occasion d'une interview au Guardian publiée le 30/09/2016. Ces épisodes allergiques remonteraient au Giro 2003 qu'il avait dû abandonner. Il affirme avoir alors consulté le Dr Roger Palfreeman, alors médecin de British Cycling..
Au-delà de ce subit retour de mémoire, la chronologie des AUT est également problématique. Pour les trois premières, il ne s'agit que simples administrations par inhalateur, méthode ne nécessitant désormais plus d'AUT. Il est alors dans l'équipe Garmin, plutôt réputée pour agir contre le dopage. Le Tour de France n'est alors pas du tout dans les objectifs du britannique. En 2011, changement de décor. Wiggins a rejoint la Sky, il a considérablement maigri et se prépare pour gagner le Tour de France. Une allergie au pollen providentielle lui permet de prendre du Kenalog en intramusculaire à quelques jours du départ de l'épreuve. Le produit a notamment pour effet de permettre de perdre du poids sans réduction significative de la masse musculaire. Simple coïncidence. Hélas, une chute contrarie les plans de la Sky et de son leader. Qu'importe. En 2012, on applique la même recette : il se fait injecter 40 mg de triamcinolone acetonide le 26 juin. Est-ce ce qui lui fait dire le 30 juin à la BBC qu'il se sent dans la "meilleure forme de sa vie" ? Etonnant pour qui suit un traitement médical tout en se félicitant de n'être jamais malade :
Toujours est-il que Wiggins ramène le maillot jaune à Paris. Il tente de pousser son avantage l'année suivante sur les routes italiennes. L'épreuve a lieu plus tôt dans l'année. Du coup, l'allergie au pollen se manifeste aussi plus tôt. A quelques jours du départ du Giro, on l'aura compris. Hélas encore, Wiggins n'ira pas au bout de la course au maillot rose. Depuis lors, Wiggins ne vise plus les grands Tours. Un peu de poids en plus ne nuit pas à ses performances sur la piste, au contraire. L'allergie semble d'ailleurs ne plus le gêner : il n'a plus eu besoin d'AUT. CQFD ?
Sur Twitter, Jörg Jaksche, ancien coureur dopé résumé bien la problématique : "29 juin 2011, 26 juin 2012 et 2 avril 2013, ça ressemble à une allergie aux grands Tours, je sais que c'est un gros problème de santé." (16/09/2016)
Plusieurs voix s'élèvent pour dénoncer ce qui ressemble fort à du dopage autorisé :
Même son ancien coéquipier Chris Froome prend prudemment ses distances : « J'ai vu Bradley Wiggins utiliser des inhalateurs, donc je savais qu'il avait de l'asthme, mais je n'étais pas au courant de ses allergies. Sans connaître les détails médicaux exacts, il est impossible de s'avoir s'il opérait dans une zone grise. » (cyclingnews.com, 18/10/2016, cité par lexpress.fr, 18/10/2016)
Heureusement pour Wiggins, Brian Cookson, le président de l'UCI, est monté au créneau pour défendre son compatriote en déclarant : « Nous n'avons aucune raison de croire que ces AUT ont été émises de façon inappropriée. Chacune d'entre elles a été inscrite dans le système ADAMS, afin que l'AMA puisse les examiner à tout moment. Donc, selon moi, à moins que l'AMA et la Fondation antidopage du cyclisme ne me donnent de nouvelles informations, aucune règle n'a été transgressée. Il n'y a donc aucune raison de penser que des sanctions suivront » (Source : cyclingnews.com, 09/10/2016, cité par sports.fr, 09/10/2016).
Sur le sujet, il faut lire l'excellent article de Clément Guillou sur lemonde.fr du 27/09/2016, article dont nous nous sommes en partie inspiré.
Le rapport d'enquête parlementaire britannique publié le 5 mars 2018 permet d'en savoir un peu plus sur l'utilisation de corticoïdes par Bradley Wiggins. Ainsi, il déclare par écrit qu'il a été traité avec des corticoïdes à d'autres occasions hors compétition et donc sans la nécessité d'une AUT. Les enquêteurs écrivent qu'il est vraisemblable que le coureur ait pu être traité avec aux corticoïdes jusqu'à neuf fois, pendant et hors compétition entre 2011 et 2013. Ils concluent : "La demande d'AUT pour la triamcinolone pour Bradley Wiggins, avant le Tour de France 2012, signifie qu'il a bénéficié de l'amélioration des performances que procure ce médicament pendant la course".
Wiggins fait partie d'un groupe d'athlètes britanniques qui expériment les cétones en vue des Jeux olympiques de Londres. L'inventeur de la substance le considère d'ailleurs comment un « adopteur précoce ».
Le Daily Mail du 6 octobre 2016 révèle que l'UKAD enquête sur une possible fraude effectuée lors du Critérium du Dauphiné 2011 remporté par le Britannique.
Le 12 juin, à l'issue de la dernière étape à La Toussuire, Bradley Wiggins aurait reçu un médicament expédié depuis le Royaume-Uni via la Suisse, convoyé par Simon Cope, un entraîneur de la fédération britannique. Ce médicament lui aurait été administré par le docteur Richard Freeman dans le bus de l'équipe Sky. Cette dernière a tout d'abord nié, affirmant que le bus avait quitté l'aire d'arrivée juste après l'étape alors que Wiggins était retenu pour le protocole. Pas de chance, une vidéo facilement trouvable sur Internet prouve le contraire. On le voit s'entretenir avec des journalistes au pied du bus, après être revenu du podium :
Autre contrariété pour Wiggins, Simon Cope, était censé rencontrer ce jour-là une athlète féminine, Emma Pooley, alors que celle-ci séjournait non pas à la Toussuire, mais en Espagne. Quant à Dave Brailsford, le manager de l'équipe Sky, il refuse pendant plusieurs semaines de dévoiler ce que contenait le mystérieux colis, avant d'affirmer qu'il s'agissait de Fluimucil, un médicament pourtant disponible en vente libre en France.
En novembre 2017, l'agence antidopage du Royaume Uni (UKAD) classe sans suite son enquête sur la Sky et l'affaire du jiffy bag du Critérium du Dauphiné 2011, tout en précisant que l'enquête pourrait être réouverte si des éléments nouveaux apparaissaient. L'histoire n'est pas terminée pour autant puisqu'une commission d'enquête du Parlement britannique se penche à son tour sur le sujet. Le rapport d'enquête publié le 5 mars 2018 apporte de nouveaux éclairages que nous détaillons ci-dessous.
Le médicament provient de la pharmacie partagée par l'équipe Sky et British Cycling au vélodrome de Manchester. Il est administré à Wiggins par le docteur Richard Freeman dans le bus de l'équipe Sky. Cette dernière commence par nier, affirmant qu'il n'y avait pas de bus à l'arrivée de cette étape. Pas de chance. Une vidéo prouve le contraire. En décembre l'équipe Sky finit par reconnaître les faits et affirme qu'il s'agit de Fluimucil. L'envoi du médicament a été organisé par Shane Sutton. L'enveloppe matelassée ("jiffy bag") a été préparée par Phil Burt, membre de British Cycling, sur les instructions du Dr Freeman à qui il a été remis à La Toussuire. L'équipe ne pourra produire aucun document attestant que le contenu de l'enveloppe soit bien du Fluimucil, prétextant le vol de l'ordinateur du Dr Freeman en Grèce en 2014. A la pointe du progrès, il semble que l'équipe Sky ait omis d'expliquer au bon Dr Freeman comment faire des sauvegardes ou stocker ses informations sur Dropbox, ce qui faisait pourtant partie des règles de l'équipe. Personne entre 2011 et 2014 ne semble s'être inquiété du sujet, malgré l'embauche en 2013 d'un "Compliance Officer" à temps plein. Interrogé par la commission d'enquête, le Dr Freeman s'est refusé à confirmé à démentir que le produit transporté était ou non du Fluimucil. Il ne dit pas non plus si ce produit était le seul dans l'enveloppe. Autre point embarrassant, la livraison malencontreuse de testostérone a eu lieu au vélodrome de Manchester au mois de mai, soit quelques jours ou semaines avant le Dauphiné.
L'équipe Sky ne donnera jamais d'explication convaincante des raisons qui l'ont fait transporter du Fluimucil de Grande-Bretagne alors qu'il est en vente libre en France.
1,90 m
Dans son autobiographie My Time, publiée en 2012, il explique que l'idée de perdre du poids lui est venu en observant les progrès réalisés par Steve Cummings en 2008. En 2009, il est accompagné par son diététicien Nigel Mitchell.
En 2009, pour faire taire la suspicion naissante après son excellent Tour de France, il publie les données de son passeport biologique.
Les courbes avec les carrés rouges correspondant au taux d'hémoglobine. Celles avec les diamants bleus correspondent à l'index de stimulation ("off-score"), rapport entre la concentration d'hémoglobine et le pourcentage de réticulocytes. La limite suspecte de dopage est de 133.
D'aucun s'étonneront de la stabilité des paramètres pendant ce Tour de France 2009.
En novembre 2018, Antoine Vayer révèle sur Twitter le profil de puissance de Bradley Wiggins sous la forme de deux courbes :
Courbe de puissance aérobique pour les années 2011, 2012 et 2013
Profil de puissance
Bradley Wiggins a été professionnel pendant 16 années. Pendant cette période, nous avons répertorié 6 cas de dopage au sein de ses équipes.
Coureur | Produit | Course | Date | Equipe | Sanction | Contrôle |
Edmondson Joshua Thomas | Vitamines en injection, Tramadol | Team Sky | Aveux en 2017 | |||
Henao Montoya Sergio Luis | Passeport biologique non conforme | Team Sky | Passeport biologique | |||
Moreni Cristian | Testostérone | Tour de France | Cofidis, le crédit par téléphone | Contrôle positif | ||
Valentin Tristan | Heptaminol | Grand Prix de Correios | Cofidis, le crédit par téléphone | Contrôle positif | ||
Yates Jeremy | Testostérone | Credit Agricole | Contrôle positif | |||
Bichot Freddy | Corticoïdes | Championnats de France | La Française des Jeux | Contrôle positif |