Dossier dopage

Cas Christopher Froome : les sportifs jouent-ils avec l'asthme pour se doper ?


15/12/2017 - marianne.net - Hadrien Mathoux

Christopher Froome (...) a été contrôlé positif au salbutamol ce mercredi 13 décembre. Il a indiqué avoir pris ce médicament pour soigner son asthme, comme il le fait depuis plusieurs années. Cet événement a mis en lumière une tendance lourde : de très nombreux sportifs souffrent d'asthme, et prennent en conséquence des médicaments qui peuvent les amener à être contrôlés positifs. Marianne a interrogé Xavier Bigard, conseiller scientifique de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) pour éclaircir les interrogations nées du cas Froome.

Marianne : Plus de la moitié des cyclistes professionnels souffrent d'asthme. Comment l'expliquer ?

Xavier Bigard : On appelle cette maladie pulmonaire l'asthme, mais ça n'en est pas réellement. Pour la majorité d'entre eux, les cyclistes présentent un bronchospasme d'effort. Ce n'est pas l'asthme allergique que tout le monde connaît, qui survient à l'adolescence. On parle d'un asthme qui a les mêmes manifestations cliniques, mais il survient au cours d'un exercice physique intense. C'est un asthme d'effort, qui se produit lorsque les débit ventilatoires sont très importants. On enregistre depuis une dizaine d'années une augmentation de la prévalence de cette maladie, c'est-à-dire une nette augmentation du nombre de sportifs atteints.

Pourquoi de plus en plus de sportifs sont touchés ?

C'est lié au fait qu'ils ont des charges de travail plus importantes qu'auparavant. Elles ont lieu sous contrainte climatique, dans le froid et l'humidité, et évidemment dans un air pollué. La pollution atmosphérique a très probablement contribué au développement de cette pathologie. On évalue à 30 à 70% le pourcentage de sportifs qui présentent ce type de maladies. Certains sports sont bien sûr particulièrement touchés, en raison des conditions d'exercice qu'ils imposent à ceux qui les pratiquent. (...)

Les médicaments que prennent les sportifs atteints sont-ils susceptibles d'améliorer leurs performances ?

Les traitements visant à traiter cet asthme sont administrés et autorisés jusqu'à des quantités bien définies, en suivant des protocoles thérapeutiques bien définis : ils ne visent qu'à restaurer les capacités pulmonaires. Les sportifs asthmatiques ne sont pas du tout avantagés, si le protocole prescrit est suivi et que les doses ne sont pas dépassées. Il faut toutefois distinguer deux cas : lorsqu'ils sont pris par voie d'inhalation, les médicaments ont des effets limités et les molécules compensent simplement la perte de capacités pulmonaires engendrées par l'asthme. Par contre, lorsque ces traitements sont administrés par voie générale (injection intramusculaire, intraveineuse, voie orale), ils augmentent la masse musculaire.

Comment savoir si un médicament contre l'asthme est pris par inhalation ou par voie générale ?

Normalement, si on prend le médicament par inhalation, la concentration urinaire du médicament est faible. On se pose la question d'une prise par voie générale si les doses maximales préconisées sont dépassées (comme c'est le cas pour Christopher Froome, dont le taux de salbutamol était deux fois plus élevé que la dose autorisée, ndlr). Si le sportif a dépassé la dose dans les concentrations urinaires, il peut cependant apporter des éléments pour le justifier : lorsque l'air est pollué, ou particulièrement humide, les alvéoles pulmonaires sont plus ouvertes et cela favorise la pénétration du médicament dans l'organisme, ce qui peut conduire le sportif à dépasser les doses alors qu'il n'a pas changé son nombre d'inhalations. Donc, lorsque l'on constate des concentrations supérieures aux doses autorisées, on se pose la question : est-ce que la pollution ou l'humidité de l'air ont pu conduire à cela ? Le sportif doit le justifier.

Pour prendre leurs traitements, les sportifs bénéficient d'Autorisations d'usage à des fins thérapeutiques (AUT). Comment sont-elles accordées, et comment faire le distinguo entre des sportifs réellement dans le besoin et d'autres qui cherchent à se doper en jouant avec les règles ?

Pour ce qui est des AUT des sportifs français, je me porte garant de leur intégrité. Il y a un standard international imposé par l'Agence mondiale antidopage (AMA), et nous l'appliquons. L'autorisation n'est délivrée que s'il y a un dossier médical suffisant en amont, si le traitement pour lequel on va donner cette autorisation est incontournable pour traiter ces sportifs, et s'il n'existe pas d'alternatives thérapeutiques. L'autorisation n'est délivrée que si trois médecins extérieurs à toute agence antidopage et à toute fédération confirment que les traitements proposés vont corriger les déficits sans améliorer les performances. (...) En ce qui concerne le cyclisme, les AUT sont gérées par l'Union cycliste internationale (UCI). Je n'en suis pas membre, mais j'ai du mal à imaginer qu'ils ne suivent pas les standards de l'AMA.


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Cette page a été mise en ligne le 06/02/2018