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Actualité du dopage

Serhiy Honchar en jaune et visé par une enquête


12/07/2006 - Le Monde - Guillaume Prébois

Mais... c'est bien lui, c'est Honchar !" Un employé du tribunal pénal de Bassano del Grappa (...), passionné de cyclisme, a sursauté en voyant l'Ukrainien Serhiy Honchar (...) parader sur le podium du Tour de France, mardi 11 juillet, avec sa seyante tunique jaune.

Le leader du classement général de la Grande Boucle figure en effet sur une liste de coureurs renvoyés devant la justice par Paola Cameran, ex-procureure du parquet de Padoue qui, en 2001, ordonna une enquête (...) sur les ramifications du dopage en Italie. Avec l'aide de la Brigade des finances, elle avait alors recouru aux enregistrements audio et vidéo pour espionner les coureurs de l'ancienne équipe Liquigas-Pata à laquelle appartenait Serhiy Honchar (...).

L'Ukrainien est poursuivi pour "détention, recel et absorption de produits dopants" (...), de "détention illicite de médicaments nécessitant une justification thérapeutique" (...) ainsi que de "fraude sportive" (...).

Le Monde a eu accès aux retranscriptions des enregistrements pratiqués par les carabiniers. Le 2 juin 2001 au matin, pendant le Tour d'Italie, dans la chambre 205 de l'Hôtel Italia à Molina di Fiemme (...), une conversation entre Paolo Barro, (...) responsable du staff médical de l'équipe Liquigas, et Serhiy Honchar est filmée par la police. Le coureur se plaint d'avoir "un sifflement dans les poumons". Le médecin l'ausculte et lui demande : "Comment tu te sens pour le contre-la-montre de demain ? Qu'est-ce qui te manque ? Un suppositoire ? Tu sais..., l'hormone (...) ne durera pas assez, le chrono est trop long, tu risques une fringale." Serhiy Honchar répond : "J'ai de la caféine, de l'Optalidon, en ampoules, et puis j'ai... (silence)." "Sous quelle forme ?", lui demande le docteur Barro. "En fioles", précise le coureur. "Tu l'as trouvée où ?", interroge le médecin. "Je suis allé chez un ami", répond Honchar. "Tu fais bien, le chrono est vraiment long", conclut le docteur.

Dans un enregistrement effectué deux jours plus tôt dans un hôtel de Jesolo, les hommes de la Brigade des finances avaient acquis la conviction que Serhiy Honchar s'était fait administrer "une perfusion de Isopuramin contenant d'autres substances probablement dopantes".

Giuliano Peruzzi, le second médecin de l'équipe Liquigas, a révélé à la juge Cameran que "l'hormone" évoquée par Honchar avec Paolo Barro était du glucagon, hormone pancréatique similaire à l'insuline, qui figure sur la liste des substances interdites. Le glucagon permet notamment de stimuler la sécrétion d'hormone de croissance.

Le 6 juin 2001, au cours d'une perquisition dans la chambre du coureur ukrainien à l'Hôtel des Anglais de San Remo, la police met la main sur "de nombreux médicaments de provenance extracommunautaire pour lesquels Honchar est incapable de fournir la moindre justification". Des produits identiques, d'origine russe, seront saisis dans la chambre de son masseur, Nicolaï Morosov, ce qui laisse croire aux enquêteurs que "Morosov organisait le trafic pour le compte de Honchar".

La Fédération italienne de cyclisme, qui reçut en temps et en heure le dossier des enquêteurs, n'a jamais jugé bon de déférer l'Ukrainien devant la justice sportive.

Hein Verbruggen, l'ancien président de l'Union cycliste internationale (...), fut (...) interrogé par la procureure Paola Cameran, à Varèse, le 26 octobre 2002. Directement informé de la situation critique de plusieurs coureurs, dont Serhiy Honchar et l'Italien Davide Rebellin, il ne donna jamais suite à l'affaire. Par ailleurs, un gradé de la Brigade des finances révèle que "Paola Cameran avait pris l'initiative d'envoyer à M. Jean-Marie Leblanc (...) et à la société du Tour de France les résultats et les implications de l'enquête dès 2002".

Mercredi matin, Serhiy Honchar, qui attend toujours son procès pour dopage au tribunal de Bassano del Grappa, s'est élancé avec la tunique jaune sur les épaules.


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Cette page a été mise en ligne le 25/07/2006