Ses prises de position sur le dopage
Le plus souvent, Laurent Fignon, n'aime pas parler de dopage. En 2008, invité à commenter les "
vrais chiffres du dopage", il déclare : "Ca ne m'intéresse pas !". En 2009, dans la foulée de l'annonce de son cancer, il devient plus loquace :
1988
- A propos de la mise en place des contrôles inopinés : "Je suis absolument contre les contrôles préventifs. Nous nous faisons déjà contrôler en course. Pourquoi pas la nuit dans notre lit, pourquoi pas à l'entraînement ? Il ne faut pas exagérer. (...) Si ce contrôle d'avant-Tour est instauré, je n'irai jamais. Jamais, jamais." (L'Equipe, 30-31/07/1988).
Dans son livre Nous étions jeunes et insouciants, publié en 2009, Laurent Fignon revisite quelque peu l'histoire en écrivant à propos d'un contrôle aux 6 jours de Bercy 1989 : "Je n'avais rien contre ce contrôle inopiné."
1992
- A propos de Miguel Indurain : « Ce n'est pas un homme, c'est un avion ! » (1992, cité dans : Jean-Paul Vespini, Campionissimi - Editions Jacob-Duvernet, 2011)
1995
- "Chez Gatorade, on avait cinq médecins. (..) En France, ça paraissait toujours un peu louche." (L'Equipe, 20/07/1988)
1998
- Juste avant l'affaire Festina : "Certains coureurs n'ont peur de rien. On en a vu se conduire en tarés avec les amphétamines." (L'Equipe 02/07/1998, cité par J.P. de Mondenard dans le Dictionnaire du dopage, page 61)
- "Il faut arrêter de dire : on arrêtera le dopage. On n'y arrivera pas. Cela ne vaut pas que pour le vélo, mais pour les autres sports aussi, où il n'y a de toute façon pas grand-chose de fait sur le sujet. La tricherie existe partout dans la société. C'est la nature humaine, sachant que le sportif n'associe pas le dopage à la tricherie mais à la recherche de l'amélioration de la performance." (Le Monde, cité par Sylvie Voet dans le De la poudre aux yeux, page 105)
2005
- A propos de la révélation par le journal L'Equipe du dopage de Lance Armstrong dans le Tour de France 1999 : "Cette histoire est trop vieille. 1999 ? J'en ai rien à foutre. Ca va servir à quoi ?" (Libération, 24/08/2005)
2006
- A propos du contrôle positif de Floyd Landis lors du Tour de France : "Je suis extrêmement triste d'apprendre qu'un vainqueur du Tour ait été pris positif et que la face du Tour aurait été changée s'il n'avait pas été là." (lequipe.fr - 27/07/2006)
2007
- A propos de Michael Rasmussen : "On dirait qu'il ne respire pas (...) [ou alors] une fois en haut et une fois en bas." (France 2, rapporté par cyclismag.com - 22/07/2007)
2009
- A propos du retour de Lance Armstrong : "Je pense que cela va faire du bien au vélo parce qu'on manque un petit peu de champion charismatique en ce moment. Cela attire les médias. A chaque fois qu'il est dans une course, il y a beaucoup plus d'accréditations. Cela ne peut faire que du bien." (sport365.fr - 26/03/2009)
- Annonçant souffrir d'un cancer des voies digestives : "J'ai expliqué franchement (aux médecins) ce que j'avais fait dans ma carrière, ils m'ont dit "ça ne peut pas être ça. Ce serait trop simple". Et puis il y a en avait des dizaines, parce qu'à mon époque, tout le monde faisait la même chose, comme aujourd'hui tout le monde fait la même chose." (L'Equipe - 11/06/2009)
- Suite à l'annonce de son cancer des voies digestives : "En 1991 (...) Indurain gagne son premier Tour. Est-ce qu'il était à l'EPO ? Je suppose. (...) Ca s'est généralisé en 1993." Revenant sur ses propres aveux, il ajoute : "Je n'ai pas honte de ce que j'ai fait. J'ai fait ce que j'avais à faire, sans exagération. J'ai fait le métier. Et dans notre métier, il y a la triche." (Le Journal du Dimanche, 14/06/2009)
- Pour justifier sa décision de parler : "Si le dopage a toujours existé, on est finalement tous responsables, chacun à son niveau, de ce qui est arrivé en 1998 avec Festina. Tout était fait pour déculpabiliser les tricheurs. On se disait : 1. Tout le monde le fait et le produit n'est pas positif, alors pourquoi pas? 2. Ça ne change pas trop les résultats, ni la hiérarchie en place. (...) J'ajoute aussi qu'on n'avait pas le sentiment de tricher." (L'Equipe - 01/07/2009)
- A propos d'Antoine Vayer, visiblement ignorant de la méthode de calcul développée par celui-ci : "Je ne crois pas du tout les études scientifiques faites à la télévision, en regardant la télé, en décomptant le nombre de coups de pédales, le soi-disant braquet qu'ils ne connaissent pas non plus, de toute façon. Donc tout ça, c'est du pipeau. C'est pour faire vendre du papier. C'est toujours les mêmes que l'on voit faire ça, tous les ans. Ce sont des gens qui, grâce au dopage, gagnent de l'argent, se font une réputation là-dessus de blancheur. On prend le cas d'Antoine Vayer, je vous rappellerais quand même qu'il était dans l'affaire 98 avec Festina. Donc je ne vois pas comment on peut prendre ses propos au sérieux." (Europe 1 - 23/07/2009)
- « Peut-être qu'en 1991 effectivement, tout bascule. Miguel Indurain gagne son premier Tour. Est-ce qu'il était à l’EPO? Je suppose. Gianni Bugno aussi, Claudio Chiappucci aussi. Mais c'était des exceptions, quinze ou vingt coureurs. Je pense que cela s'est généralisé en 1993. » (Le Journal du Dimanche, 14/09/2009, cité par Jean-Pierre de Mondenard dans Tour de France : 33 vainqueurs face au dopage)
Coéquipiers impliqués dans des affaires de dopage
31 des 93 coéquipiers de Laurent Fignon (soit 33,3%) ont vu leur nom apparaître dans des affaires de dopage. Parfois avant, parfois après ou parfois pendant leur cohabitation sous le même maillot.
- Charles BERARD : coéquipier chez Renault - Elf - Gitane (1982, 1983). 1978 : contrôle positif ; 1987 : contrôle positif
- Laurent BIONDI : coéquipier chez Système U - Gitane (1986) Système U (1987). 2005 : enquête policière (non sanctionné)
- Patrick BONNET : coéquipier chez Renault - Elf - Gitane (1982). 1981 : contrôle positif
- Eric BOYER : coéquipier chez Renault - Elf (1985) Système U - Gitane (1986) Système U (1987, 1988). 198x : aveux en 2005 (non sanctionné)
- Philippe BOYER : coéquipier chez Système U (1988). 1987 : aveux (pas de sanction ?) ; 198x : enquête policière ; 1989 : contrôle douanier ; 199x : flagrant délit
- Gianni BUGNO : coéquipier chez Gatorade - Chateau d'Ax (1992) Gatorade (1993). 1994 : contrôle positif ; 1997 : enquête judiciaire (non sanctionné) ; 1999 : flagrant délit
- Christian CORRE : coéquipier chez Renault - Elf (1984, 1985). 1986 : enquête policière (non sanctionné)
- Jacques DECRION : coéquipier chez Système U (1988) Super U - Raleigh (1989). 1988 : contrôle positif
- Lucien DIDIER : coéquipier chez Renault - Elf - Gitane (1982, 1983) Renault - Elf (1984). 1982 : contrôle positif
- Jacky DURAND : coéquipier chez Castorama - Raleigh (1990) Castorama (1991). 1996 : contrôle positif ; 1996 : contrôle positif
- Bernard GAVILLET : coéquipier chez Système U - Gitane (1986) Système U (1987). 198x : aveux (pas de sanction ?)
- Ivan GOTTI : coéquipier chez Gatorade - Chateau d'Ax (1992) Gatorade (1993). 1998 : analyse sang (pas de sanction ?) ; 2001 : flagrant délit
- Bernard HINAULT : coéquipier chez Renault - Elf - Gitane (1982, 1983). 1982 : constat de carence (non sanctionné)
- Maurice LE GUILLOUX : coéquipier chez Renault - Elf - Gitane (1982, 1983). 1973 : contrôle positif
- Luc LEBLANC : coéquipier chez Castorama - Raleigh (1990) Castorama (1991). 1994 : aveux en 2000 (non sanctionné) ; 1998 : aveux (non sanctionné)
- Dominique LECROCQ : coéquipier chez Système U - Gitane (1986). 1986 : contrôle positif ; 198x : aveux en 1989 (pas de sanction ?)
- Soren LILHOLT : coéquipier chez Système U - Gitane (1986) Système U (1987). 199x : aveux en 2006 (non sanctionné)
- Marc MADIOT : coéquipier chez Renault - Elf - Gitane (1982, 1983) Renault - Elf (1984, 1985) Système U - Gitane (1986) Système U (1987). 198x : aveux en 1987 (non sanctionné)
- Mario MANZONI : coéquipier chez Gatorade - Chateau d'Ax (1992) Gatorade (1993). 1998 : analyse sang
- Pierre-Henri MENTHEOUR : coéquipier chez Renault - Elf (1984). 1986 : aveux en 1990 ; 1997 : enquête judiciaire
- Charles MOTTET : coéquipier chez Renault - Elf - Gitane (1983) Renault - Elf (1984, 1985) Système U - Gitane (1986) Système U (1987, 1988). 198x : aveux en 1989 (non sanctionné)
- Joel PELIER : coéquipier chez Système U (1987, 1988). 1988 : contrôle positif
- Andrea PERON : coéquipier chez Gatorade (1993). 2001 : flagrant délit (pas de sanction ?)
- Bjarne RIIS : coéquipier chez Super U - Raleigh (1989) Castorama - Raleigh (1990) Castorama (1991). 1995 : enquête policière (non sanctionné) ; 1996 : aveux en 2007
- Jean-Cyril ROBIN : coéquipier chez Castorama (1991). 199x : aveux en 2004 (pas de sanction ?)
- Jean-Francois RODRIGUEZ : coéquipier chez Renault - Elf - Gitane (1982). 1983 : contrôle positif (pas de sanction ?)
- Mauro Antonio SANTAROMITA : coéquipier chez Gatorade - Chateau d'Ax (1992). 1997 : analyses sang ; 199x : analyses sang (non sanctionné)
- Mario SCIREA : coéquipier chez Gatorade - Chateau d'Ax (1992) Gatorade (1993). 2004 : flagrant délit
- Pascal SIMON : coéquipier chez Système U (1988) Super U - Raleigh (1989) Castorama - Raleigh (1990) Castorama (1991). 1983 : contrôle positif
- Didier THUEUX : coéquipier chez Castorama (1991). 19xx : contrôle policier
- Alberto VOLPI : coéquipier chez Gatorade - Chateau d'Ax (1992). 1993 : contrôle positif (non sanctionné)
Sources :
http://www.museociclismo.it et
annuaire du dopage mis à jour au 01/05/2009
Nous étions jeunes et insouciants
Dans son livre "Nous étions jeunes et insouciants", paru en 2009, Laurent Fignon s'explique sur son expérience du dopage. Ses explications laissent le lecteur sur sa faim, comme nous l'avons expliqué
ici. On trouvera néanmoins ci-dessous certaines de ces explications :
- Sur le non-dit entourant le dopage lors de son arrivée dans l'équipe Renault de Cyrille Guimard et Bernard Hinault, en 1982 : « Souvent, on surprenait des bouts de discussions. Dans la bouche de gars de l'encadrement, des masseurs, des kinésithérapeutes, des adjoints de Guimard, on entendait le mot miracle de l'époque : "préparation". Ou alors : "Celui-là il fait le métier." "Faire le métier" : combien de fois dans ma vie ai-je entendu cette expression fourre-tout qui signifie tout et son contraire ? Préparation : on en parlait fréquemment avec Pascal Jules et je me souviens comme si c'était hier que, au début, on ne savait pas trop ce que signifiait ce mot énigmatique. Qu'on me croit ou non aujourd'hui, j'assure que c'est la vérité : on ne pensait pas du tout "dopage" quand on entendait "préparation". Etait-ce parce qu'on était jeunes ? Ou étaient-ce les conventions qui ne mettaient pas forcément certains mots à la bonne place ? Qu'importe au fond. Je découvrirais beaucoup plus tard que ladite "préparation" était un ensemble de choses et que l'aspect médical, là-dedans, ne tenait une place que très secondaire. Quand on voit ce qu'est devenu le cyclisme un peu plus tard, on peut dire que c'était vraiment une autre époque. »
- N'hésitant par à faire un gros mensonge : "A notre époque, je dois le rappeler avec fermeté, la quasi-totalité des produits qui existaient sur "le marché des sportifs" (et pas seulement des cyclistes) étaient détectables lors des contrôles antidopage et les cas positifs sont assez nombreux pour le démontrer." Laurent Fignon a été coureur professionnel de 1982 à 1993. Parmi les produits qui circulaient pendant cette période et qui n'étaient pas encore détectables, on peut citer : l'ACTH (toujours indétectable en 2009), le salbutamol (détecté à partir de 1993), les corticoïdes (détectés à partir de 1999), l'EPO (présente à partir de 1987 et détectée en 2000) ou encore l'hormone de croissance (toujours indétectable en 2009).
- Minimisant l'importance du dopage : "Dopé ou non, un grand champion en forme était imbattable. Dopé ou non, un coureur moyen ne pouvait pas battre un grand champion. (...) Et c'était ça la réalité du dopage de cette époque. Rien d'autre."
- Se souvenant de sa rencontre avec la cocaïne en 1984 : "Nous nous sommes retrouvés à quatre dans une chambre d'hôtel. Comme des gamins devant un nouveau jouet. Nous disposions d'un gramme de cocaïne chacun. Nous en avons séparé un en quatre, puis l'avons sniffé. (...) Je partageais ma chambre avec Greg Lemond. Sous les effets de la poudre, impossible de dormir. Nous avons parlé le reste de la nuit, jusqu'au petit matin. (...) Le lendemain matin au village-départ, sans avoir pourtant fermé l'oeil, j'étais en plein forme. Tellement que j'ai gagné la dernière étape adjugée à Bogota. Puis, lorsqu'il a fallu que j'aille au contrôle antidopage, j'ai pris conscience de mon inconscience. En une fraction de seconde, j'ai vu toute ma carrière défiler. Je n'arrêtais pas de ma dire : " Mais pourquoi ai-je voulu gagner cette étape ? Pourquoi ? " Forcément, je croyais que j'allais être positif. Comment pouvait-il en être autrement. Puis, avant d'aller pisser, j'ai réfléchi deux minutes au contexte, à la course qui s'était déroulée depuis une semaine, à ce que j'y avais vu, à ce qu'on m'avait dit. Les colombiens avaient gagné pas mal d'étapes et tous, vraiment, tous, marchaient à la cocaïne : eurêka ! Les contrôleurs étaient forcément dans le coup. J'y suis allé un peu inquiet, mais rassuré par mon implacable raisonnement. Et comme prévu, je n'ai jamais eu de mauvaise surprise concernant ce contrôle."
- A propos de son contrôle positif aux amphétamines lors du Grand Prix d'Eindhoven 1989 : "Un mercredi, nous avions prévu un des entraînements d'"interval training" derrière moto. Coup de téléphone. Sa femme était sur le point d'accoucher et Alain [Gallopin] dut se rendre à la clinique pour l'heureux événement. Rien à dire. Sauf que moi, ce jour-là, je me suis retrouvé seul devant mon vélo. Moral en berne. Envie nulle de me faire mal tout seul. Je me vois encore carrément hésiter à chevaucher la machine... c'est dire si j'avais envie de rouler. (...) Pour me donner du courage, j'ai en effet pris une lichette d'amphétamines. Pas seulement pour m'aider à partir, mais surtout pour aligner les kilomètres supplémentaires, pour que ce soit dur et profitable. On appelait ça un "pot". La seule différence, c'est qu'à l'époque ces "pots" étaient purs, sans additif contrairement à ceux qui circulèrent beaucoup par la suite, à la fin des années quatre-vingt-dix par exemple, dans lesquels on pouvait également trouver toutes sortes de drogues..." (Mais au fait, Monsieur Fignon, que faisaient ces amphétamines à proximité de votre vélo, dans votre garage ?)
- A propos de la façon dont Claudio Corti, ancien coureur, lui aurait proposé de l'EPO en 1992 : "Et puis, vers la fin de la saison 1992, ancien coureur devenu l'un des adjoints de Gianluigi Stanga, vint me voir. Je revois la scène comme si c'était hier. Corti a commencé à parler par métaphores pour me mettre au parfum. Les choses ne se déroulèrent pas franchement. Il ne m'a pas dit : " Tiens, voilà de l'EPO, tu en veux ? " Bien sûr que non. C'était plus insidieux que ça. Il m'a dit à peu près ces mots-là : " Laurent, tu sais qu'il existe un super produit de préparation, il faudrait peut-être voir ce qu'on peut faire pour essayer avec toi. " Mais il était hors de question que je prenne quoi que ce soit d'interdit."