Le Tour de France sous le signe du dopage



Sport et Vie n°79, Juillet 2003 - JPdM et GG

Depuis la Guerre, on compte 29 lauréats différents du Tour de France et, à l'occasion de ce centenaire, on s'est demandé combien d'entre eux avaient mené leur carrière jusqu'au bout sans jamais se retrouver mêlé d'une quelconque manière à des accusations de dopage.

Au bout du compte, nous n'en avons trouvé que deux : Lucien Van Impe et Greg LeMond. Tous les autres portent leur croix. Soit qu'ils furent eux-mêmes convaincus de dopage à l'issue d'un ou plusieurs contrôles positifs: Felice Gimondi, Lucien Aimar, Roger Pingeon, Eddy Merckx, Luis Ocana, Bernard Thévenet, Joop Zoetemelk, Laurent Fignon, Pedro Delgado (non sanctionné), Miguel Indurain (non sanctionné), Jan Ullrich. Soit qu'un jour, ils ont refusé de passer le test: Jan Janssen (Paris-Nice 69) et Bernard Hinault (Critérium de Carnac 82).

Or, une carence au contrôle équivaut à un test positif. A charge de Charly Gaul, on retiendra le colis d'amphétamines saisis à la douane, et contre Marco Pantani, entre autres choses, la découverte de seringues d'insuline dans sa chambre d'hôtel. A cette liste noire, il faut ajouter tous ceux qui ont admis l'usage de produits dopants: Fausto Coppi, Hugo Koblet, Roger Walkowiak, Jacques Anquetil. Et ceux qu'accablent les témoignages des directeurs de course comme Gianni Brera, le directeur de la Gazzetta dello sport, qui confond Jean Robic et Gino Bartali; ou de médecins comme le docteur Giuseppe La Cava pour Ferdi Kubler ou encore du docteur Enrico Peracino pour Gastone Nencini. Parfois ce sont les collègues qui dévoilèrent le pot aux roses: Maurice Archambaud pour Louison Bobet, Thomas Davy pour Indurain, Pascal Richard pour Jan Ullrich et l'ensemble du peloton pour Bjarne Riis surnommé ""monsieur 60%"" lors de sa victoire en 96 en raison d'un hématocrite à décrocher la lune. Les arguments qui justifient les trois dernières citations sont plus discutables, nous l'admettons, mais d'abord nous voulions rappeler l'histoire de Federico Bahamontes contraint à l'abandon dans la 9ème étape du Tour de 1957, après avoir subi une injection dans le bras d'un produit, officiellement du calcium, sensé le remettre d'aplomb. Cela tourna plutôt mal. Il semble que l'auteur de l'injection, Luis Puig, ait piqué dans le muscle plutôt que dans la veine. Quoi qu'il en soit, cette médecine à la hussarde lui valut d'être menacé d'exclusion par la société du Tour. Amusant lorsqu'on sait qu'il deviendra plus tard président de l'UCI!

Enfin, il faut ajouter les noms de ceux qui consultent, plus ou moins en cachette, des médecins à la réputation sulfureuse et qui assument, d'ailleurs de façon fort lucrative, leur statut de faiseurs de champions. Ils sont quatre dans le cas: Stephen Roche, Miguel Indurain et Marco Pantani qui furent tous patients du docteur Conconi et, bien sûr, Lance Armstrong pour le docteur Ferrari.

Sans prendre trop de risques, on pourrait même avancer que le prochain vainqueur tombera pour la même raison. Vous aurez remarqué le nombre de ceux qui choisissent l'air pur de Saint-Moritz lors des stages de préparation (ou Livigno sur le versant italien) : Dufaux, Armstrong et la plupart des grosses pointures ibériques et belges.

Et, vous êtes-vous demandé ce qui pourrait bien expliquer cet engouement pour la station des Grisons? Sinon que le docteur Ferrari y a depuis quelques années ouvert une succursale à l'abri des regards indiscrets, notamment des carabiniers de Ferrare où il exerce toujours.