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ICCD : Indice de Confiance Cyclisme-Dopage.comTeam Visma | Lease a Bike - Saison 2024 |
Septembre 2020. Tour de France. La Jumbo-Visma domine l'épreuve avec arrogance, Primoz Roglic est en jaune au matin de l'avant-dernière étape. Mais Tadej Pogacar lui dérobe la précieuse tunique en haut de la Planche des Belles Filles, sous le regard effaré des coureurs de la formation néerlandaise. On aurait dit des braqueurs de banque stupéfaits de se voir rafler le magot par un gamin de 12 ans.
Pourtant l'équipe en a vu d'autres au fil d'une histoire débutée en 1984 sous le nom de « Kwantum Hallen – Decosol ». Elle a depuis plusieurs fois changé de nom. On se souvient notamment de SuperConfex (1987-1989), Buckler (1990-1992) et bien sûr Rabobank (1996-2012). Elle a failli mourir lorsque la banque néerlandaise décide se retirer en raison des scandales de dopage qui la touche directement. A cette époque, le Dr Geert Leinders est suspendu à vie pour détention, administration et trafic de produits interdits contrevenant aux règlements anti-dopage ainsi que pour incitation au dopage. Il avait exercé chez Rabobank entre 1996 et 2009.
Plusieurs coureurs, dont Michael Rasmussen et Thomas Dekker (dans The Descent) ont témoigné de cette culture du dopage répandue dans l'équipe et largement documentée.
Depuis cette triste époque et l'arrivée de Richard Plugge à sa tête en 2013, la structure dirigeante a été renouvelée. Ils sont toutefois encore nombreux à avoir connu l'épopée Rabobank. Au moins vingt selon notre recensement et pour certains à des positions stratégiques. C'est par exemple le cas de Peter Verstappen (directeur médical) et Gert Wielink (médecin), Ellis Heijboer (responsable de la performance), Jan Boven (coach) ou encore les directeurs sportifs Frans Maassen, Mathieu Heijboer et Arthur Van Dongen. Au moins six soigneurs ont connu la glorieuse époque du maillot orange Rabobank : Dries Bos, Richard Cremers, Antoine De Jaeger, Carl Israël, Luc Schiemsky et Dimitri Van Boxstael. D'autres anciens de la Rabobank exercent des fonctions diverses : Tony Arts est mécanicien, Björn Vanmelkebeke ostéopathe, Kees Hamelink chauffeur de bus, Gerard Rietjens « scientifique » tandis que Theo Eltink s'occupe des invités et que Paul Martens s'occupe des tenues. Nous aurions aussi pu comptabiliser Sierk-Jan de Haan mais il semble se contenter de coacher les équipes femmes et développement. On notera aussi que certains anciens Rabobank ont été embauchés récemment. C'est le cas de Paul Martens (coureur bleu et orange de 2008 à 2012) et Theo Eltink (2005-2008) qui sont revenus dans la structure en 2023. Quand Richard Plugge explique avoir voulu construire une équipe repartir d'une feuille blanche on est conduit à se dire que la page était blanc… foncé !
Nous avons recensé dix-sept coureurs « RaboJumbo » dans notre annuaire du dopage. Un flagrant délit de mansuétude tant il a été dit, écrit et révélé sur le dopage organisé dans cette équipe. Michael Rasmussen et Thomas Dekker, par exemple, sont passés à table, en librairie avant de le faire devant une très officielle commission d'enquête. Ils ont décrit par le menu la recette des médecins pour préparer la potion magique. A peu près tous les produits dopants y passaient : EPO, transfusions, hormones de croissance, corticoïdes, etc. Le tout sous la houlette du Dr Geert Leinders (qu'on reverra plus tard chez le Team Sky).
L'équipe s'appelle encore Kwantum Hallen – Decosol quand elle enregistre sa première affaire. Adrie van der Poel est contrôlé positif à l'éphédrine pendant la Semaine Sicilienne 1987. Le père de Mathieu est suspendu quatre mois dont un avec sursis et doit s'acquitter d'une amende de 10125 Francs (environ 1500 Euros). Avant de rouler pour cette équipe, il avait déjà été contrôlé à la strychnine. La faute une tourte au pigeon servie chez les Poulidor (lire ici).
Deux ans plus tard, on ne plaisante plus. L'EPO est déjà en usage dans l'équipe. C'est Gert Jakobs qui crache le morceau en 2009 dans le livre Het laatste geel de Mart Smeets. Il avoue avoir effectué son Tour de France 1989 sous EPO. Ce n'est que quelques années plus tard que la substance changera la physionomie du peloton professionnel. Les Rabobank sont des précurseurs.
En juillet 2007, le Danois Michael Rasmussen porte le maillot jaune du Tour de France. La victoire à Paris lui semble promise, comme Bjarne Riis avant lui. Hélas, mille fois hélas, il a fourni de fausses informations sur sa localisation avant la Grande Boucle. Qui plus est, il a manqué plusieurs contrôles antidopage inopinés.
Après la 16ème étape, l'équipe Rabobank, sans doute poussée par de bonnes âmes, prend la décision radicale de l'exclure du Tour de France. Alberto Contador remporte la course.
Il faudra encore plusieurs années avant Michael Rasmussen avoué s'être dopé. Depuis sa retraite du cyclisme professionnel, Rasmussen est devenu chroniqueur sportif et enseigne également la pratique du VTT et le management sportif. Si c'était à refaire, il le referait certainement.
Pour qui veut en savoir plus sur Michael Rasmussen, consultez le portrait que nous lui avons consacré.
La dernière affaire de dopage de l'ère Rabobank remonte à 2012. Carlos Barredo présente alors des anomalies dans son passeport biologique. Il sera suspendu deux ans.
En 2012, l'équipe s'appelle encore Rabobank mais c'est la dernière année. Ce n'est toutefois pas cette affaire qui justifie le retrait de la banque néerlandaise. Le prétexte est fourni par la condamnation de Lance Armstrong par l'USADA. « Nous ne sommes plus convaincus que le cyclisme professionnel international soit en mesure de faire du cyclisme un sport propre et honnête », déclare Bert Bruggink, membre du conseil d'administration de l'établissement bancaire. Manière comme une autre de se dédouaner.
La Jumbo-Visma n'a pas été éclaboussée par l'opération Aderlass, une affaire concentrée autour du médecin autrichien Mark Schmidt. Pourtant, dans la collection de 30 à 40 photos que présentaient les enquêteurs aux témoins et suspects figuraient Tom Dumoulin et Primoz Roglic. Interrogé sur cette curiosité, le parquet d'Innsbruck a déclaré que les deux hommes n'étaient « ni accusés ni témoins ». De son côté, l'équipe Jumbo affirme que ni Dumoulin ni Roglic n'étaient en relation avec Mark Schmidt. La présence de ces photos s'explique sans doute par les accusations portées par Georg Preidler, condamné à douze mois de prison avec sursis dans ce dossier.
Le coureur autrichien évoque tout d'abord un événement survenu selon lui en 2017. Les principaux coureurs de l'équipe Sunweb devaient participer à un camp d'entraînement en haute altitude en vue de préparer le Tour d'Italie. Preidler, aussi engagé sur le Giro, avait demandé à participer à ce camp, éventuellement à ses propres frais, mais il a été fermement prié de rester à la maison. De retour dans la botte italienne, les coureurs Sunweb, Tom Dumoulin en tête, affichent une forme extraordinaire et Dumoulin remporte le classement général du Giro.
Preidler, s'est aussi étonné de la rapidité avec laquelle certains cyclistes slovènes sont devenus si performants en si peu de temps. « Je n'ai jamais compris comment on peut passer du statut de sauteur à ski à celui de vainqueur d'une tournée de trois semaines », a-t-il déclaré. Une allusion transparente à Primoz Roglic. Mais tout cela n'est que bave de crapaud, sans doute.
En août 2023, Michel Hessmann est suspendu provisoirement par son équipe en raison d'une contrôle antidopage positif effectué le 14 juin en Allemagne. Cet « incident » met fin à une série de neuf années sans affaire de dopage impliquant la formation néerlandaise.
Mise à jour 04/08/2024 : L'agence anti-dopage allemande (NADA) a rendu son verdict en juin 2024, concluant qu'il était « plausible qu'Hessmann ait pris un médicament contaminé comme du paracetamol, de l'ibuprofen ou du naproxen ». Le risque de contamination des médicaments relavant du coureur, elle a proposé une suspension de quatre mois, avec effet rétroactif de trois mois. Michel Hessmann a accepté la suspension.
Pour voir plus d'informations sur l'équipe dans l'annuaire du dopage, cliquez ici
Deux coureurs de la Jumbo ont été épinglés dans notre annuaire du dopage. Les fautes peuvent sembler vénielles mais cela commence à faire beaucoup.
En août 2023, Michel Hessmann est suspendu provisoirement par son équipe en raison d'une contrôle antidopage positif effectué le 14 juin en Allemagne. Le coureur a été contrôlé positif à un diurétique. L'analyse de l'échantillon B a confirmé le résultat positif de l'échantillon A. Cependant, l'agence antidopage allemande (NADA) n'a pas encore fourni d'informations supplémentaires sur la substance spécifique retrouvée lors des contrôles ni sur la sanction qui en découlera.
Selon le site néerlandais wielerflits.nl, les autorités allemandes auraient abandonné l'enquête pénale, n'ayant trouvé aucune preuve d'une infraction intentionnelle. La thèse d'une contamination involontaire par un supplément alimentaire semble donc privilégiée à ce stade.
Michel Hessmann reste toutefois sous la menace d'une suspension par les instances sportives et reste suspendu à titre provisoire par son équipe.
Mise à jour 04/08/2024 : L'agence anti-dopage allemande (NADA) a rendu son verdict en juin 2024, concluant qu'il était « plausible qu'Hessmann ait pris un médicament contaminé comme du paracetamol, de l'ibuprofen ou du naproxen ». Le risque de contamination des médicaments relavant du coureur, elle a proposé une suspension de quatre mois, avec effet rétroactif de trois mois. Michel Hessmann a accepté la suspension.
Tosh Van der Sande a été suspendu à titre provisoire après un contrôle antidopage positif effectué pendant les Six Jours de Gand (2018). Il évoluait alors sous les couleurs de la Lotto-Soudal. La substance en cause provenait du spray nasal Sofrasolone qui est en vente libre et est autorisé en compétition à condition d'être signalée lors du contrôle, ce que Van der Sande n'avait pas fait. Il plaide l'« erreur administrative » : sur le formulaire de contrôle, il avait écrit par étourderie « Mometasone Spray » (un autre produit qu'il utilise) au lieu de « Sofrasolone ». L'UCI se montre clémente et le blanchit.
Merijn Zeeman, le manager de l'équipe, ne figure pas dans notre annuaire du dopage mais son parcours et ses déclarations face à la suspicion qui entoure son équipe méritent qu'on s'y attarde. Après quatre années passées chez Skil-Shimano, Zeeman rejoint Richard Plugge à la tête de l'équipe Rabobank, qui devient Blanco, puis Belkin, Lotto NL et aujourd'hui Jumbo-Visma. Nous sommes en 2013, période qu'il qualifie l'année dernière de « fin des "années dopage" ». Le décor est planté : il n'y a plus de dopage dans le cyclisme. Alors, il n'aime pas trop qu'on le chatouille sur le sujet. Il n'aime pas trop non plus que les contrôleurs de l'UCI effectuent leur travail. Résultat, il est exclu de sa fonction de directeur sportif pendant le Tour de France 2020 en raison d'une altercation avec un commissaire UCI lors du contrôle du vélo de Primoz Roglic. « Je me suis mis en colère quand le commissaire a démonté le pédalier. On se bat pour un sport juste et cela implique des contrôles, mais ils doivent être effectués de façon raisonnable. Ceci dit, j'aurais dû être plus respectueux dans ma manière d'aborder le commissaire de l'UCI, s'excuse-t-il ».
Il n'aime pas trop non plus la suspicion qui « vient souvent de France alors que personne ne s'intéresse vraiment à la façon dont on travaille ». Il préfère expliquer la surperformance des coureurs en jaune, par le recours à la PNL (Préparation Neuro Linguistique).
Dans un long entretien à L'Equipe en juillet 2022, il défend l'utilisation des cétones, substance éminemment controversée : « Pour moi, c'est le débat le plus ridicule qu'il n'y ait jamais eu dans le cyclisme. Je ne dis pas que les cétones marchent, car il y a encore beaucoup d'études à mener. Mais c'est juste un complément alimentaire. Le sport de haut niveau est en évolution permanente ; ça bouge, ça cherche, on se demande toujours dans quelle nouvelle direction aller. Les cétones, ça nous fait à la fois marrer et ça nous énerve. Ça ne représente même pas 1 % de notre travail sur la performance. Comment s'entraîner mieux, optimiser les effets de l'altitude, améliorer les vélos, apporter l'alimentation idéale avant, pendant et après les courses ; ce sont ces choses qui sont importantes. Les cétones, ce n'est presque rien. Mais à partir du moment où elles sont autorisées, on a le droit de les tester pour savoir si cela aide certains de nos coureurs ». Rappelons que le MPCC proscrit l'usage des cétones pendant que l'UCI recommande de ne pas les utiliser.
Enfin, pour nous rassurer, il affirme dans le même entretien : « je suis responsable du recrutement de Jumbo-Visma et, avant de faire signer un coureur, on est extrêmement strict en matière d'antidopage ».
Mais passons aux choses sérieuses. Le directeur sportif Grischa Niermann est le seul encadrant Jumbo-Visma épinglé dans notre annuaire du dopage.
Eddy Bouwmans a couru le Tour de France à trois reprises (1992, 1993 et 1995). Il a remporté le classement des jeunes en 1992. Désillusionné, il arrête sa carrière à mi-saison 1998 et devient fabricant de meubles. « J'en avais fini avec ce sport, en raison des circonstances connues (dopage généralisé). Pendant des années, je n'ai plus fait de vélo, jusqu'à ce que mes fils commencent à aimer la course. C'est ainsi que je suis devenu le responsable d'équipe pour les juniors de Willebrord Wil Vooruit et, lors d'une épreuve de cross-country, Nico Verhoeven m'a demandé si j'aimerais recevoir des invités pour l'équipe Lotto-Jumbo. Je pensais que ce serait amusant, alors j'ai commencé à combiner cela avec mon travail pour mon entreprise ».
En 2017, Bouwmans vend son entreprise après dix-sept ans d'activité. Depuis, il s'occupe de recevoir les invités de l'équipe sur les courses.
Ce n'est qu'en 1994 qu'il aurait eu recours à l'EPO. A trois reprises. Il n'aimait pas ça, pas plus que la cortisone qu'il recevait occasionnellement. Il prenait régulièrement de la testostérone, surtout après des courses difficiles, pour aider à la récupération. Il l'a reçu du médecin de l'équipe. Il a reçu trois fois de l'EPO par le docteur Peter Janssen de Deurne, son superviseur médical personnel à l'époque. « Janssen pensait qu'il était important que mon hématocrite ne dépasse pas 50. Vous avez entendu dans le peloton à l'époque que Mario Cipollini pensait que courir avec un hématocrite inférieur à 55 n'avait aucun sens. Mais Janssen n'était pas d'accord avec cela. Il pensait aux risques pour la santé. J'ai eu trois injections d'EPO pendant un mois et demi, mais je n'ai pas non plus remarqué beaucoup d'effet sur le vélo, déclare Bouwmans dans une longue interview ».
Ses aveux nous avaient jusqu'à présent échappé. Nous rectifions le tir cette année.
Grischa Niermann a couru pendant quinze ans avec le maillot Rabobank sur les épaules . Il a reconnu avoir utilisé de l'EPO entre 2000 et 2003. Au moment de ses aveux en 2013, il venait de mettre un terme à sa carrière et travaillait pour la fédération néerlandaise de cyclisme (KNWU). Il sera suspendu six mois. Pas grave, il trouve immédiatement place dans la formation « Rabobank Development Team » pour s'occuper des jeunes espoirs.
Depuis, il n'a pas quitté la formation néerlandaise passant chez les « grands » en 2017. Aujourd'hui, il est « l'homme qui parle à l'oreille » de Jonas Vingegaard selon L'Equipe (07/2023).
Les radars placés sur les étapes clés des grands Tours consistent à mesurer les performances des meilleurs coureurs sur les ascensions qui seront parcourues à quasi-100% de leur capacité. La moyenne de ces performances peut ensuite être calculée. Seules sont prises en compte les dernières ascensions d'étape dont la durée est supérieure à 20 minutes. Les performances des forçats de la route sont classées en quatre catégories. Il y a les « mutants », capable de développer plus de 450 watts étalons en moyenne, les « miraculeux » qui oscillent entre 430 et 449 watts et les « suspects » qui naviguent entre 410 et 429 watts.
Pour en savoir plus sur le calcul des Watts élaborée par Frédéric Portoleau et sur la méthode des radars proposée par Antoine Vayer, visitez les pages suivantes :
La formation néerlandaise aligne une impressionnante armada pour tenter de ramener au plat pays les maillots rose, jaune et rouge des grands Tours. Dès lors, il n'est pas étonnant de voir dans ses rangs trois coureurs ayant dépassé la limite des 410 watts-étalon (WE) de moyenne sur un Grand Tour : Robert Gesink, Sepp Kuss et bien entendu Jonas Vingegaard. Primoz Roglic ayant filé sous d'autres cieux, on peut se dire que ç'aurait pu être pire. Avant lui, Tom Dumoulin figurait lui aussi dans le club des suspects à plus de 410 WE de moyenne. Las, filant de burn-out en burn-out depuis son Giro victorieux en 2017, il a fini par jeter l'éponge en 2022.
Wout van Aert, dans un rôle d'équipier sur les grands Tours, n'a jamais allumé les radars avec sa puissance moyenne. Cela ne l'empêche pas d'être capable de remporter des victoires au sprint un jour et d'emmener le train Visma dans les cols un autre jour comme pendant le Tour 2020. Sa grande carcasse (il pèse 77 kg) ne l'empêche pas non plus de s'imposer en 2021 à Malaucène après avoir escaladé le Mont Ventoux à deux reprises. Quelques semaines plus tard, avec 431 WE, il accroche une médaille d'argent aux JO de Tokyo à son palmarès, encadré par deux solides grimpeurs : Carapaz et Pogacar. Et que dire de son époustouflant Tour de France 2022 ? On se demande encore s'il n'avait pas assez de force dans chaque jambe pour finir en jaune à Paris.
Toujours à propos de Wout Van Aert, on se rappellera que lorsque Mathieu Van der Poel publie en janvier 2017 ses documents de contrôle antidopage pour montrer qu'il n'a pas recours aux AUT, le coureur belge qui souffre alors d'une blessure au genou s'y refuse.
Grimpeur prometteur à ses débuts en 2007, Robert Gesink n'a jamais quitté la Rabobank et ses déclinaisons. C'est avec le maillot orange, pendant le Tour de France 2010, qu'il réalise sa meilleure performance moyenne et se fait « flasher » à plus de 410 WE. Depuis, il a replié ses ailes et n'affole plus les radars.
L'Américain Sepp Kuss a commencé sa carrière professionnelle en 2016 avec l'équipe continentale Rally Cycling. Il intègre l'équipe néerlandaise dès 2018. Il se révèle au Tour d'Utah avec trois victoires d'étape à plus de 2000m d'altitude. Grimpeur talentueux et équipier précieux, Il remporte sa première victoire d'étape sur un Grand Tour lors de la Vuelta 2019. En 2020, il empoche une étape du Critérium du Dauphiné.
En 2023, il change de dimension en remportant le Tour d'Espagne, deux étapes au passage. Il a dû défendre sa position de leader face à Jonas Vingegaard et Primoz Roglic qui lorgnaient sur le maillot rouge. Au préalable, il s'est imposé sur l'étape du Tour de France Bagnères-de-Luchon et Saint-Lary-Soulan.
Sur cette Grande Boucle 2023, il atteint pour la première fois les 410 WE de moyenne. A la Vuelta, il atteint 423 WE mais les ascensions sont plus courtes.
Jonas Vingegaard se révèle au grand public pendant le Tour de France 2021, prenant la place laissée vacante par un Tom Dumoulin en burn-out et un Primoz Roglic parti au tapis, comme souvent.
Vingegaard a franchi une marche en 2021, à 24 ans. Avant cela, pour le maigre Danois, on ne relève qu'une seule performance de bon niveau. C'était sur le col de l'Angliru lors de la Vuelta 2020 : 386 watts étalon (WE) sur 45min43sec. En deux ans, entre 24 et 26 ans, le Danois s'est transformé pour passer du niveau de coureur pro moyen, celui d'un équipier, à celui d'un super grimpeur et d'un énorme rouleur contre-la-montre également (sa victoire par KO à Combloux en 2023 est encore dans toutes les mémoires). Sur le Tour de France 2021, il signe un prometteur 406 WE de moyenne sur les radars.
Inévitablement, après sa victoire au Tour de France 2022 où il établit un nouveau record de vitesse moyenne sur l'épreuve, il a dû faire face à la suspicion et répondre aux questions sur le sujet du dopage. « En ce qui concerne mon équipe, je mets ma main au feu pour chacun de mes coéquipiers. Nous sommes propres à 100 % », répond-il, ajoutant que ce « sport a changé. Ce n'est plus le même cyclisme ». Il faut avoir l'esprit mal tourné comme cela nous arrive parfois pour s'interroger sur la signification de l'expression « propres à 100% ». En-dessous de quel seuil est-on encore propre ? Peut-on être propre à 99% ? Mystère. Alors on se contentera de cette autre déclaration : « Quand j'ai commencé à envisager de devenir professionnel, c'était à la condition de ne rien faire d'illégal. Je ne veux pas utiliser le dopage, je ne veux pas être comme ça, c'est une conviction profonde. Si pour être un coureur pro et avoir ce niveau, la condition était de devoir prendre des produits, je choisirais de ne pas l'être et de ne rien prendre ». Richard Plugge déclare de son côté en 2023 : « Les cétones, Jonas les refuse, il n'en veut pas. Même du paracétamol, il n'aime pas en prendre ». Rassurés ?
Le profil de puissance de Vingegaard que Frédéric Portoleau scrute depuis longtemps montre que cet athlète est désormais définitivement NOTNORMAL, comme Antoine Vayer qualifie les coureurs qui franchissent la barre des 410 WE de moyenne sur un grand Tour. On peut utilement lire sur ce sujet l'article Uberisation et Lalannisation au Tour de France publié en 2022.
Sur le Tour de France 2022, il sort un 423 WE de moyenne sur les radars positionnés par Frédéric Portoleau et Antoine Vayer. On n'avait plus vu ça depuis Lance Armstrong Lance, Bradley Wiggins et Andreas Klöden en 2009 ! Il est dans la partie haute des seuils dits « Suspects » par Antoine Vayer.
Pour mieux comprendre le niveau de performance de Jonas Vingegaard sur le tour de France 2022, il faut aussi (re)lire l'article La mutation de Vingegaard chez Jumbo écrit par Antoine Vayer avec Frédéric Portoleau le 26 juillet 2022.
« Encore un effort et il passera en catégorie Miraculeux », écrivions-nous il y a un an. Eh bien, Vingegaard a fait cet effort au Tour de France 2023 où il affole les radars : 447 Watts-Etalon. On n'avait pas vu un coureur à plus de 445 WE de moyenne sur le Tour de France depuis… Marco Pantani en 1998 !
Et encore, le Danois avait 450 WE dans les jambes sans ses options tactiques de surplace et sans avoir été arrêté par des motos ou voitures dans deux ascensions.
Que pense Jonas Vingegaard des calculs de watts ? « Je sais qu'en ligne beaucoup de sites font des calculs sur les watts que je développe. C'est souvent assez précis, mais là ce n'était pas le cas », explique-t-il en conférence de presse.
Dans le contre-la-montre de Combloux, il écrabouille la concurrence. « Je ne me souviens pas d'un contre-la-montre dans lequel le vainqueur met 4,5 secondes par kilomètre au deuxième. Pas Indurain, ni Armstrong. Personne. », s'étonne Michael Rasmussen.
I cannot recall any ITT where the winner is putting 4,5 sec/km into the 2nd best. Not Indurain, nor Armstrong. Anybody?
— Michael Rasmussen (@MRasmussen1974) July 18, 2023
Malgré tout, le big boss Richard Plugge soutient : « Moi, je n'ai pas le moindre doute sur Jonas ». Frans Maassen le directeur sportif martèle : « Je suis certain à 100 % que Jonas n'aura jamais de problème de [dopage]. Ou alors ce serait la fin pour moi, j'arrête ». Vingegaard, lui-même, rassure : « je ne prendrai rien que je ne donnerais pas à ma fille ». Circulez, donc.
Qu'en sera-t-il en 2024 ? Gravement blessé début avril au Tour du Pays-Basque, longtemps hospitalisé, le Danois pourra-t-il encore allumer les radars ?
Les radars placés sur les étapes clés des grands Tours consistent à mesurer les performances des meilleurs coureurs sur les ascensions qui seront parcourues à quasi-100% de leur capacité. La moyenne de ces performances peut ensuite être calculée. Seules sont prises en compte les dernières ascensions d'étape dont la durée est supérieure à 20 minutes. Les performances des forçats de la route sont classées en quatre catégories. Il y a les « mutants », capable de développer plus de 450 watts étalons en moyenne, les « miraculeux » qui oscillent entre 430 et 449 watts et les « suspects » qui naviguent entre 410 et 429 watts.
Pour en savoir plus sur le calcul des Watts élaborée par Frédéric Portoleau et sur la méthode des radars proposée par Antoine Vayer, visitez les pages suivantes :
Aucun membre de l'encadrement actuellement dans l'équipe Team Visma | Lease a Bike n’a allumé les radars de Frédéric Portoleau et Antoine Vayer.
Le MPCC (Mouvement pour un cyclisme crédible) est une association créée en 2007 par des équipes cyclistes professionnelles dont le but est de défendre l'idée d'un cyclisme propre, en imposant le strict respect du code éthique de l’UCI et pouvant aller jusqu’à imposer des règles plus strictes que ne l’impose le Code Mondial Antidopage édicté par l’AMA. En plus des équipes, le MPCC offre la possibilité aux coureurs et membres de l’encadrement des équipes d’adhérer à titre individuel.
L'équipe a quitté le MPCC en 2015 en raison d'un désaccord sur les contrôles de cortisolémie imposés par le mouvement. Elle avait dû retirer George Bennett du Giro à cause d'un taux de cortisol trop bas. « Un niveau bas de cortisol n'est pas toujours le résultat d'un abus de substances » plaide alors la formation, expliquant que les contrôles ne sont pas fiables à 100%.
Cinq ans plus tard, en mai 2020, Tom Dumoulin s'extirpe à son tour du MPCC. « Ce serait hypocrite d'y rester », justifie-t-il. L'équipe utilise des cétones et le rouleur néerlandais ne compte pas s'en passer. Le MPCC demande à ses membres de s'engager formellement à ne pas les utiliser : « considérant que les cétones peuvent améliorer les performances, mais aussi qu'elles présentent potentiellement un danger pour la santé des coureurs qui les utilisent, en raison des effets secondaires, cette substance pose un problème et continuera de poser un problème de façon encore plus marquée à l'avenir si aucune décision ferme n'est prise », peut-on lire sur le site Internet du mouvement. Tom Dumoulin, tente une diversion en reprochant au MPCC de ne pas vraiment protéger les coureurs : « Le mouvement prétend être là pour la santé des coureurs, mais rouler Paris-Nice était le risque sanitaire numéro 1 (on est à quelques jours du premier confinement - NDLR) et ça leur convenait ». Depuis, il a fait un burn-out mais on le verra quand même sur le podium des Jeux de Tokyo.
Les cétones sont largement utilisées au sein de l'équipe. Martijn Redegeld, patron de la nutrition, se veut rassurant : « Les cétones, ce n'est pas du dopage, c'est sûr » déclare-t-il à Ouest-France en mars 2023. Néanmoins, Jonas Vingegaard n'en veut pas. Sans doute préfère-t-il le bicarbonate de soude !
Trois coureurs seulement adhèrent au MPCC à titre individuel. Parmi eux Christophe Laporte et Tiesj Benoot dont on ne sait s'ils consomment des cétones ou s'ils s'accommodent de l'« hypocrisie » pointée du doigt par Tom Dumoulin.
Côté encadrement, ils sont cinq à adhérer au MPCC.
Pour la saison 2024, l'équipe obtient la note de 6,3/20. Ceci la place en 24ème position sur 27.
« RaboJumbo », cette année encore, reste parmi les pires équipes de notre classement. Elle échoue au pied du podium. Les hommes en jaune qui ont tout raflé en 2023 sont bien inquiétants. Il semble que seules les chutes à répétition puisse les arrêter.