Actualité du dopage

Aicar, le nouveau produit miracle pour les nantis


09/07/2010 - Libération - Pierre Carrey

A comme Aicar. Il faudra s'habituer à ce nom, comme à celui de l'EPO depuis vingt ans. Grâce à ce nouveau produit miracle, les nantis du peloton peuvent améliorer leurs performances tout en se prélassant sur un canapé. «C'est un peu comme si on se lâchait sur la nourriture sans prendre de calories», résume Ronald Evans, le professeur de génétique qui a supervisé une étude sur des souris en Californie. Les rongeurs dopés à l'Aicar ont réussi à courir 44% plus longtemps que leurs congénères.

Les pilules absorbées agissent sur les tissus musculaires, permettent de brûler les graisses et font bondir les capacités d'endurance, la clef d'un effort long comme une étape du Tour de France. Connue depuis plus d'un demi-siècle sous le nom d'acadésine, cette molécule encore interdite dans les traitements médicaux est prohibée par l'Agence mondiale antidopage (AMA), dans la section «dopage génétique». Les premiers détournements remonteraient aux JO de Pékin.

Sans citer son nom en public, l'Agence française (AFLD) suspecte que l'Aicar fut utilisée par quelques concurrents de la Grande Boucle 2009. Depuis le printemps, la rumeur s'enracine dans les milieux bien informés du vélo, du côté de cet eldorado qui s'étend par-delà les Alpes entre Saint-Moritz, la station suisse préférée du docteur Ferrari, et Vienne, la capitale de la valse et des transfusions sanguines. (...) Le montant d'une cure s'élèverait à 500 000 euros, soit deux cents fois le salaire mensuel minimum d'un néoprofessionnel. Seuls les aristos ont droit à ce produit qui développe les muscles sans effort. Le montant, s'il se vérifiait, va bien au-delà du prix public constaté : 3,63 euros le gramme chez une entreprise basée à Saint-Quentin-en-Yvelines, deux fois moins chez un concurrent du Missouri. Les nombreuses officines chinoises qui s'intéressent au marché cassent les prix. N'importe qui peut se fournir. Dans une vague tentative de prévention, les vendeurs précisent que l'Aicar est un produit destiné à la recherche in vitro, interdit d'usage sur l'homme. Ses applications médicales restent d'ailleurs à préciser, mais elle pourrait traiter l'obésité, le diabète, la leucémie, l'hépatite C...

Le programme à un demi-million d'euros pour les athlètes inclut sans doute aussi le GW501516 (ou GW1516), une substance de la même veine qui augmenterait la performance de 68%, avec cet «inconvénient» majeur qu'il faut continuer à s'entraîner. Les deux produits agissent en synergie. (...) Rien ne dit que l'adésine est recherchée dans les contrôles antidopage. L'AMA entretient le doute à dessein. Ronald Evans aurait proposé un test de dépistage courant 2008. Un autre était annoncé pour l'automne dernier. Des scientifiques allemands ont révélé en mars qu'ils avaient établi les seuils à ne pas dépasser dans les urines - car le corps fabrique naturellement de l'Aicar. Le gros du peloton accueille avec effroi cette molécule dernier cri. (...) Les gabarits sveltes éveillent les soupçons. Il y eut une maigreur à la française et à l'italienne, dans la tradition du «Docteur Mabuse» et de ses diètes de fruits ou de radis noir. Les cyclistes ont fini par ressembler à des mannequins, la fourrure en moins. Les entraîneurs les y incitaient : «Un kilo de moins, ce sont vingt-cinq secondes gagnées dans la montée de l'Alpe-d'Huez.»

Les nouveaux anorexiques inquiètent beaucoup. Y a-t-il un lien entre la consommation d'Aicar et leurs kilos envolés ? (...) Bradley Wiggins, le leader du Team Sky, l'ancien pistard devenu protagoniste du Tour l'an passé, explique sa métamorphose par un allégement de six à sept kilos. Même sa femme s'en est inquiétée. «Elle veut m'engraisser», a plaisanté Wiggins dans la presse anglaise.


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Cette page a été mise en ligne le 10/07/2010