Actualité du dopage

Un Giro 2012 encore plus crédible que le Tour 2011


27/06/2012 - cyclisme-dopage.com - Marc Kluszczynski

Même si Cyrille Guimard qualifie le Giro 2012 de " course qui n'en est pas une ", on peut se réjouir de la victoire du canadien de la Garmin, Ryder Hesjedal, qui a fait une course parfaite. C'est la première victoire d'un canadien dans un Grand tour et c'est aussi la première victoire d'une équipe du Mouvement Pour un Cyclisme Crédible (MPCC) auquel appartiennent aussi toutes les équipes françaises. Ces équipes affichent clairement leur conviction antidopage et ont des contrôles internes plus rigoureux que ceux préconisés par l'UCI. Elles ont aussi banni toute injection non thérapeutique bien avant que l'UCI (et les organisateurs du Giro) ne cherchent à l'instaurer. Garmin a adopté un code de conduite très sévère qui impose un arrêt de 15 jours pour un coureur soigné par une infiltration de corticoïdes et une auto-suspension de toute l'équipe en cas de contrôle positif d'un de ses membres. Jonathan Vaughters, directeur sportif, recrute ses coureurs sur dossier médical après examen rigoureux des variations des constantes sanguines.

Le Giro 2012 est donc encore un peu plus crédible que le Tour de France 2011. Les Grands Tours, vitrines du cyclisme mondial, ne peuvent plus se permettre de scandales de dopage en cette période de crise économique. Leur crédibilité est en jeu, ainsi que celle des sponsors des équipes. Guimard, en tant qu'observateur de la grande époque du cyclisme, qualifie le Giro de non-course et regrette le manque d'offensives en montagne. Avec le recul du dopage dans le cyclisme, on peut se poser la question de l'intérêt d'une troisième semaine trop montagneuse et trop difficile dans un grand tour : il y avait 14.000 m de dénivelé positif en 4 jours dans la troisième semaine de ce Giro. Pourquoi ne pas concentrer le spectacle sur 2 étapes de montagne, alors que les coureurs ne peuvent plus donner l'assurance d'être à 100% et de maintenir un pic de forme durant les 3 semaines ? C'était le cas d'Ivan Basso, capitaine de la Liquigas. Certains de ses domestiques, comme son fidèle lieutenant Sylvester Szmyd, ont peut-être été sacrifiés alors qu'ils étaient supérieurs physiquement à leur leader. Cette nouvelle donne rend la tâche du directeur sportif plus délicate et la stratégie de course plus importante dans l'optique d'une victoire finale. Les Liquigas avaient tout misé sur Basso du premier au dernier jour de course. Ce fut une erreur. Un directeur sportif doit pouvoir laisser sa chance à un domestique en forme plutôt que vouloir imposer un leader en méforme. Basso, honnête, reconnaîtra devant les journalistes avoir été largué dans le Stelvio, l'avant-dernier jour. Le lendemain, il se classait 28ème du contre-la-montre, deux places derrière Joaquim Rodriguez (Katusha) et finissait 5ème au général. L'espagnol Rodriguez n'a pu construire une avance confortable dans les cols grimpés à une vitesse ascentionnelle somme toute raisonnable de 1600 à 1700m/h (au Tour de France 2009, Contador grimpait à 1860m/h dans l'ascension de Verbier). Il se fera même lâcher par Thomas De Gendt (Vacansoleil-DCM) dans le Mortirolo qui arrivera en tête au Stelvio (2758m), point culminant de ce Giro.

De Gendt a eu sa chance, c'est la révélation de ce Giro. Il devient le premier belge à figurer sur le podium d'un grand tour depuis la troisième place de Johan Bruyneel à la Vuelta 1995 et à figurer sur le podium d'un Giro depuis la victoire de Johan De Muynck en 1978. De Gendt effectuait son deuxième grand tour et s'était classé 63ème du Tour de France 2011. L'équipe russe Katusha, dont le siège est en Italie, devait se sentir surveillée par les carabinieri après les récents cas positifs de Kolobnev et Galimzyanov. En tout cas, Rodriguez était loin de ses 457 watts de moyenne pendant 32 min 05 dans le Collet d'Allevard (11 km à 8,22%) lors du Dauphiné Libéré 2011, performance jamais mesurée sur cette course même à l'époque de Lance Armstrong.

Rodriguez et Hesjedal se sont disputés quatre fois le maillot rose (étapes 10, 14, 15 et 21). Le suspens était bien présent dans cette 95ème édition du Giro qu'Hesjedal remportera avec 16 secondes d'avance. Même si les six premiers du Tour de France 2011 étaient absents (abandon de Frank Schleck) et même si Hesjedal n'a pas gagné une seule étape (si l'on excepte le contre-la-montre par équipe de Vérone), le canadien a su résister en montagne : il reprend 13 secondes à Rodriguez l'avant dernier jour. Hesjedal a forgé sa victoire dans les contre-la-montre : il met son rival à 47 secondes le dernier jour, à 14 lors du prologue et à 5 lors du contre-la-montre par équipe. Hesjedal, coureur complet et régulier, a déjà été 6ème du Tour de France 2010 et 17ème en 2011. Mais sans cette avance acquise dans les contre-la-montre, Rodriguez aurait gagné. Hesjedal avait amélioré récemment sa position sur le vélo : plus relevé mais les bras plus serrés.

Garmin ne s'imaginait pas en 2008 gagner un jour un grand tour. Ce Giro aura constitué un test pour un vélo sans dopage. Plusieurs événements nous le font penser :

- La baisse de régime de plusieurs équipes en troisième semaine

- Roman Kreuziger, leader des Astana, se prend 11min26 à Cortina d'Ampezzo (17ème étape)

- C'est la première fois depuis 1995 qu'un italien ne figure pas sur le podium d'un Giro.

- Rodriguez, grimpeur, n'a pas réalisé de performance extraordinaire dans le dernier contre-la-montre.

Avec ces signes d'un recul du dopage, les Grands Tours n'en deviennent que plus intéressants à suivre. Le spectacle a retrouvé une grande partie de sa vérité. Une nouvelle hiérarchie de coureurs est en train de se dessiner. On attend avec impatience le duel entre Bradley Wiggins et Cadel Evans au Tour de France.


Marc Kluszczynski est pharmacien
Il est titulaire du diplôme universitaire de dopage de l'université de Montpellier (2006)
Il est responsable de la rubrique "Front du dopage" du magazine Sport & Vie et collabore à cyclisme-dopage.com


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Cette page a été mise en ligne le 27/06/2012