Actualité du dopage

Face à la Cour d'Appel de Paris, une fin de course difficile pour Bernard Sainz


20/03/2025 - cyclisme-dopage.com - S. Huby

Compte-rendu des six jours du procès qui s'est tenu du 3 au 18 mars 2025 devant le Cour d'Appel de Paris avec Bernard Sainz, Loïc Herbreteau et Pierre-Marie Carlier sur le banc des prévenus.

Quand j'serai K.O.

Au terme des six après-midis d'un procès « hors norme », selon les termes de la Présidente de la 8ème Chambre de la Cour d'Appel de Paris, Me Hector Bernardini a pris la parole en disant espérer que la décision qui sera prise « réconciliera Bernard Sainz avec l'ordre social » (c'est-à-dire qu'il comprendra la décision) et aussi qu'il « réconciliera l'opinion publique avec Bernard Sainz ». Rien n'est moins sûr. C'est sans doute la raison pour laquelle il a répété ce vœu à l'issue d'une plaidoirie d'une heure quarante-trois minutes selon un chronométreur officieux. Son client, aussi connu sous le sobriquet de Docteur Mabuse, est un habitué des tribunaux. Il s'est longtemps gaussé d'avoir été souvent jugé, jamais condamné. Même si plusieurs condamnations étaient venues s'inscrire à son casier judiciaire ces dernières années, il continuait à arpenter les palais de Justice de Caen ou de Paris sans rien perdre de son assurance.

Mais ce qui aurait dû n'être qu'un procès de plus est peut-être devenu le procès de trop. Lundi, dans un réquisitoire sévère, l'avocate générale a requis quatre ans de prison et 75.000 euros d'amende pour « aide et incitation au dopage », « exercice illégal de la médecine » et « exercice illégal de la pharmacie ». Me Bernardini a cru avoir une « hallucination auditive » à l'annonce de cette demande « délirante » qui l'a « empêchée de dormir toute la nuit ». Cela « fait 7 ans et 4 mois que j'assiste Bernard Sainz dans cette procédure », soupire-t-il. « Mon client est ce qu'il est. Je le défends malgré lui. Il joue de son aura. Il s'est toujours ri de ce que les gens pouvaient dire de lui », ajoute-il.

Sur son fauteuil de cuir, Sainz a le regard perdu dans le vide. Il a ressorti sa chemise à carreaux noire et blanche, spéciale procès. La même qu'il portait à Caen en novembre 2021. Il écoute la plaidoirie de son défenseur, bras croisés, comme prostré. Vieux chanteur K.O., descendu des plateaux d'phono. Après sa compagne venue le premier jour, sa fille est là pour le soutenir. L'heure est grave.

Tournée de vieilles gloires du music-hall

Deux semaines plus tôt, le procès s'annonçait pourtant aussi bien qu'une tournée d'anciennes vedettes du siècle dernier. Six représentations programmées à l'affiche du prestigieux Tribunal de Paris sur l'Ile de la Cité. En tête d'affiche, l'artiste Sainz, dont les premiers titres de gloire remontent à l'époque de Raymond Poulidor et Yvette Horner. En faire-valoir, Pierre-Marie Carlier, ancien comédien AB Productions dans les années 90 (Les Filles d'à côté, Les Garçons de la plage, séries dérivées d'Hélène et les garçons), et Loïc Herbreteau, champion de France amateur de cyclisme sur route au début du siècle, récent champion du monde de gravel en catégorie Master (autrefois, on aurait dit catégorie Vétéran).

Certes, l'affiche Sainz-Carlier-Herbreteau n'est pas tout à fait aussi clinquante que celles des célèbres affaires des Six Jours de Bercy (avec Jean-René Bernaudeau, ému aux larmes, en guest-star), Sainz-Lavelot (avec Richard Virenque en vedette américaine), Sainz-Porzier (avec un prestigieux entraîneur de chevaux) ou même Medi14 (avec Taillefer père et fils, Paul-Mickaël Menthéour, fils et neveu d'Erwan et Pierre-Henri Menthéour en co-accusés). D'ailleurs, hormis le quotidien L'Equipe et nous-même, aucun journaliste n'assiste aux audiences. Pas de caméras ni de photographes comme à la belle époque. Si le banc de la presse est bien rempli, c'est uniquement parce que des avocats et leurs stagiaires, fuyant les bancs inconfortables de la vétuste salle d'audience, y ont trouvé refuge.

Elise Lucet sur les traces de « Dieu », le parquet saute dans les roues

Pourtant, l'affaire a été lancée en fanfare en juin 2016, d'abord par une série d'articles dans Le Monde, sous la plume de Clément Guillou, puis par un Cash Investigation entièrement consacré au faux médecin normand. Dans ce reportage (« reportage poubelle » commis par des « journalistes jaunes » selon la défense), on voit Bernard Sainz dispenser des conseils de dopage à deux coureurs munis de caméras cachées. « Cash faisait des reportages sur des grosses sociétés, je dois être la seule personne à titre privé à faire l'objet d'une émission », s'étonne Sainz qui crie au « montage » et croit savoir que les coureurs auraient touché une forte somme d'argent pour le piéger. Il a d'ailleurs porté plainte pour « association de malfaiteurs ». La plainte a fait l'objet d'un « refus d'informer » mais une instruction pour « recel et violation des correspondances privées » serait toujours ouverte à l'encontre de l'équipe d'Elise Lucet, selon Me Bernardini.

Dans la sillage des journalistes, le parquet embraye et ouvre une enquête. La justice se donne les moyens de faire tomber Sainz. « Huit mois de sonorisation, des caméras, des milliers de mails, de SMS, des fadettes » s'étrangle Me Bernardini qui évoque aussi « vingt gendarmes dans dix voitures, deux brigades canines, l'équipe technique de la section de recherche de Caen, des hommes de l'Oclaesp, un van Ouest-France embarquant un journaliste de L'Equipe pour un coup de filet gigantesque ».

Loïc Herbreteau dans les mailles du filet

Dans les mailles du filet, le juge d'instruction remontera aussi Loïc Herbreteau et Pierre-Marie Carlier. Le premier est un roule-toujours de bientôt 50 ans : il parcourt encore plus de 20.000 kilomètres par an. Contrôlé positif à l'Heptaminol en 2006, il écopera de six mois de suspension. Dans la présente affaire, il est poursuivi pour « aide au dopage ». Il servait d'intermédiaire entre des amis, sportifs pour la plupart, et le Dr Mabuse. « Disciple » de longue date du faux médecin et connaissant parfaitement les recettes, il pouvait aussi prodiguer directement des conseils. Sainz lui fournit des « gouttes ». Les gens viennent me voir « parce que j'ai duré dans le sport », explique-t-il à la barre. Pour les besoins du Cash Investigation, Peter Pouly, une vieille connaissance, le contacte par SMS et lui demande le numéro de téléphone de Sainz. Herbreteau ajoute un conseil au numéro : « Depuis l'an dernier, faut pas avoir le pouce trop musclé ». D'aucun comprendra qu'il ne faut pas appuyer trop fort sur la seringue.

Quand bien même il doit à Bernard Sainz d'avoir été entraîné dans ce procès, son admiration pour le sulfureux personnage n'a pas faibli. « Je n'ai rien à reprocher à Bernard », nous dit-il le dernier jour au pied des marches du Palais de Justice, avant de nous raconter sa première visite à Almenêches, dans la gentilhommière normande du gourou : « Quand je suis reparti du Bois de Peley, je me suis dit ouah ! Quand même ! C'est comme si j'avais visité la Tour Eiffel ! »

Pierre-Marie Carlier, un séducteur sous le charme de son fils

Pierre-Marie Carlier, lui, n'est pas un ancien coureur cycliste. « Je me suis trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, se désole-t-il interrogé par la Cour, et je n'ai pas pu arriver à mes fins ». Ses fins ? Permettre à son fils unique de trouver place dans une équipe professionnelle. Le gamin gagnait tout, tout le temps, en cadet. Les choses ont commencé à se gâter en passant junior. Chez les seniors, il est devenu un modeste coureur au niveau élite, tout de même. Son père croit en lui, dur comme fer : « Il a été premier Français au classement DirectVelo pendant quelques semaines en 2016 » (en fait, deuxième pendant une semaine - NDLR). Quand sa mère, gravement malade d'un cancer, tentée par les soins alternatifs, lui communique le numéro de téléphone de Sainz, Carlier se dit qu'il peut faire d'une pierre deux coups : guérir sa mère (il a fait sept ans d'études de médecine mais est séduit par la naturopathie : « Je n'y croyais pas un instant, le régime pamplemousse, ça marche ! ») et « réseauter » pour attirer l'attention des anciens patients de Mabuse sur son fils. Ils sont encore nombreux dans les encadrements d'équipes. Il cite Bernaudeau, Madiot, Ledanois

Le premier contact est établi à l'été 2016, quelques mois après le Cash Investigation. Carlier ne l'a pas regardé mais il en a entendu parler. D'ailleurs, il connait la réputation de Mabuse. Alors il utilise le téléphone d'un voisin. Les conversations téléphoniques écoutées par la police restent vagues. Un jour, il lance à Sainz : « S'il faut se procurer quelque chose, moi je peux tout avoir, j'ai fait médecine, j'ai des copains ». Les enquêteurs filment la rencontre qui a lieu quelques jours plus tard. Aucun produit n'est échangé. Ce n'est de toute façon pas dans les habitudes de Sainz. Et puis, « si j'avais voulu doper mon fils, je n'avais pas besoin de Monsieur Sainz », martèle Carlier qui parle fort et bien. Il n'a pas non plus rémunéré Mabuse. Mais alors, s'interroge la Présidente Mme Sylvie Madec, pourquoi Sainz s'intéresse-t-il à lui ? « Il a dû me trouver intéressant ! »

Sa mère n'a pas survécu. Le Dr Mabuse n'a pas pu la sauver. « Il était déjà trop tard », se désole l'ancien acteur, ému. Son fils, lassé par les chutes et les pépins de santé, tétanisé sur route mouillée, a fini par remiser son vélo au clou. Il était « maladroit » selon son père. Il s'est reconverti dans la chanson. Là aussi, il faut du réseau. « Si vous êtes Mozart dans la musique, ce n'est pas suffisant », assure Pierre-Marie Carlier. Comme en vélo. Le fils est venu témoigner en faveur de son père. « Vous verrez, il est formidable », avait annoncé le prévenu. « Il a une voix fantastique » avait surenchéri le lendemain Bernard Sainz qui a été le voir « chanter dans des cabarets ». On ne peut pas dire que le jeune prodige ait été à l'aise devant les trois juges curieuses de l'entendre sur son carnet intime saisi pendant l'enquête entre deux Harry Potter. Il y est question d'EPO, de patches de testostérone, de cortisone, de microdoses. Des « fantasmes » d'adolescent inspirés par la lecture du livre La course secrète de Tyler Hamilton, des rêves de carrière d'un espoir du cyclisme traversant une grave dépression, balaie-t-il. L'ancien espoir du cyclisme, désormais espoir de la chanson s'agace. On s'éloigne du sujet. Il a raison. Son père n'est poursuivi que pour « incitation au dopage » et ce carnet ne démontre rien.

Paris-Roubaix, s'il-vous-plait !

Pendant les dépositions de ses faire-valoir, le Dr Mabuse a plusieurs fois essayé d'intervenir, semblant s'irriter qu'on lui vole la vedette. Quand une des juges demande à Pierre-Marie Carlier comment fonctionne une course cycliste, comment s'établissent les stratégies de course, l'ancien acteur se tourne vers le principal accusé : le spécialiste c'est lui ! Et malgré ses quatre-vingt-un ans, l'ancien stratège de Raymond Poulidor se dresse comme sur des pédales. Sa passion pour la petite reine coule encore dans ses veines. Il faut le voir se lever de son fauteuil et tenter d'expliquer Paris-Roubaix à la juge ignorante en science de la course vélocipédique ! Mais ce n'est pas encore son tour. Son audition n'est que pour la semaine suivante. Il est prié de rejoindre sa place. Il implore : « Paris-Roubaix, si on n'en parle pas tout de suite, on n'en reparlera jamais. S'il vous plait ! ». Et on n'en reparla jamais.

Bernard Sainz, dossard rouge du prévenu combatif

La semaine suivante est la sienne. Enfin. Une après-midi entièrement consacrée à son interrogatoire qui se poursuit encore une paire d'heures le lendemain. Le lundi, il porte cardigan de laine, pantalon de velours, chemise écossaise. Ses chaussures marron semblent du même cuir que le fauteuil dans lequel la Présidente lui a permis de s'assoir les jours précédents. Les bancs des prévenus sont inconfortables et elle s'inquiète du bien-être du gentleman-farmer normand. « J'ai 81 ans, je suis en pleine santé et en pleine forme », la rassure-t-il en se présentant à la barre.

Invité à évoquer son parcours, il peut alors dérouler son histoire. Il aime et il est rompu à l'exercice. Les salles d'audience, il connait. C'est parti pour un long exposé. Ses études de médecine interrompues : « j'ai voulu savoir qui était à l'origine de notre enseignement et j'ai découvert qu'il y avait une commission avec 23 sur 24 personnes qui représentaient l'industrie pharmaceutique. (...) C'est pour ça que j'ai arrêté ». A moins qu'il n'ait été viré des cours. Il ne se souvient plus exactement. C'est peut-être les deux. C'est loin tout ça. De toute façon, il n'est pas docteur en médecine et le reconnait bien volontiers, même s'il convoque sans cesse moult termes médicaux, parle de ses « patients », de ses « thérapies » qui soignent les cancers, les tendinites, les pneumothorax, la stérilité et même la paralysie, chez les humains mais aussi les chevaux. Son savoir est reconnu : « J'ai participé à l'élaboration de la loi Kouchner de 2002 », se vante-t-il. Il dénonce « big pharma », le « terrorisme médical », les médecins qui vont « nuire à l'amélioration de la santé du patient ». Une patiente est décédée ? « Personne n'a porté plainte parce que j'étais à l'origine de son décès ! »

Les questions le contrarient. Elles cassent le fil de sa narration. « Comment vous pouvez-me poser la question ?! », « Je viens de vous expliquer ! ». Il exerce une « thérapie atypique et hors-norme [qu'il] maîtrise depuis 50 ans ». Il aimerait qu'on l'écoute plutôt qu'on lui pose des questions.

Le cyclisme aussi, il maîtrise. Il a débuté dans l'équipe Gan-Mercier dirigée par Louis Caput dont il a soigné la femme. Il est d'abord directeur sportif mais s'occupe aussi du « régime alimentaire des coureurs qui sont très demandeurs ». Il est à l'origine de la « seconde jeunesse de Raymond Poulidor ». « Je n'ai pas eu la maladresse de lui faire gagner un Tour de France », plaisante-t-il. Poulidor, c'est sa grande carte de visite. Le sésame qui lui a ouvert toutes les portes du monde du vélo. Il s'est aussi occupé de Joop Zoetemelk, autre coureur populaire mais qui présente l'inconvénient d'avoir été multi-condamné pour dopage. Pendant des dizaines d'années, la crème du peloton français voire international défilera dans son cabinet de cabinet de naturopathie, rue Legendre à Paris (une plaque « homéopathe » vissée à l'entrée), puis à Neuilly-sur-Seine et enfin à la brasserie Le Dôme à Paris. Les plus chanceux sont reçus dans son manoir normand.

En parallèle, il s'intéresse à la santé des chevaux et aux courses. Jackpot : ses recettes fonctionnent aussi sur les équidés. « Les chevaux m'ont permis de gagner beaucoup beaucoup beaucoup d'argent grâce à des recommandations inconnues » dans le milieu équestre. Avec ses gains, il achète la propriété d'Almenêches en Normandie, la paie en « liquide ». « Les gains de chevaux de course sont nets d'impôts. Je n'avais rien à déclarer au fisc, c'est ce qui était fantastique », explique-t-il. Il investit dans deux magasins de sport dans la galerie de la gare St Lazare. On comprend qu'il n'aime pas plus la banque que « big pharma ». Il n'a aucun argent sur aucun compte. Tout a été dépensé ou investi. Entre 2013 à 2017, aucun mouvement sur ses comptes, vides pour la plupart, n'est constaté. Depuis 2011, il n'a déclaré aucun revenu, pas même sa modeste retraite de 938€ mensuels. Il vit chichement. Ce sont ses patients et les journalistes qui paient l'addition quand ils le rencontrent au restaurant. C'est Ledanois qui lui paie un voyage à Venise.

En revanche, s'il ne paie pas ses amendes, c'est par principe. Il trouve « très injuste qu'on s'attaque à [son] humble personne qui ne dérange personne ». Il ajoute : « Je ne veux pas payer une amende qui me semble injustifiée. C'est ma façon de protester. » Et de toute façon, « j'ai purgé les 30.000€ [d'amende] avec mes quatre mois » de détention. Quand une décision de justice ne vous convient pas, vous ne l'exécutez pas, résume la Présidente Sylvie Madec. « Quand je suis placé en situation d'emprisonnement, j'exécute ! », se débat Sainz. Son défenseur Me Bernardini, accoudé à son pupitre, menton en avant, se décompose. Pourtant son client n'est pas rétif à tout : si on lui avait envoyé un huissier, il se serait débrouillé pour que sa femme paie.

Les œillères du représentant de la FFC

L'avocat de la pugnace tête d'affiche de ce long procès a sans doute mieux vécu la déposition lunaire de Christophe Lavergne, directeur juridique de la Fédération Française de cyclisme depuis 1994. La FFC est partie civile dans le dossier. A la barre, l'homme se tient droit, raide comme ses cheveux en brosse. Les questions des juges semblent l'agacer, lui aussi. Moins tout de même que celles de Me Bernardini vers qui il prend soin de ne pas se retourner. Connaissait-il Bernard Sainz, demande la juge Claire d'Urso qui mène les débats ? « Ce nom m'a été familier ». Connaissait-il sa réputation ? « Il avait une certaine réputation par rapport aux résultats de ses poulains », ils avaient « de bons résultats ». Que penser de la présence de Bernard Sainz sur des courses cyclistes, parfois à l'invitation des organisateurs ? « Oui, c'est surprenant ». Avait-il entendu parler de fioles de produits ? « [Je n'en avais] pas entendu plus parler que ça ».

Comme si le travail des avocats Mauriac et Lachaume qui ont ferraillé contre Bernard Sainz pour le compte de sa propre fédération devant les tribunaux de France et de Navarre depuis les années soixante-dix n'avaient jamais existé. Rien de tout cela ne lui est revenu aux oreilles.

Au-delà du folklore, des morts

Passées les auditions des prévenus et des témoins, le folklore des gouttes, des pamplemousses, des carottes lisses (dont les vertus n'ont pas eu le temps d'être développées), l'ambiance Poupou, caravane Tour de France, vieux chanteurs et comédiens de sitcom se dissipe. Une autre réalité revient au premier plan. Celle des morts. Eux ne portent pas plainte. Ils sont la face sombre des affaires dans lesquelles le nom de Bernard Sainz apparaît. Leurs fantômes flottaient dans la salle pendant les plaidoiries des avocats des parties civiles et de l'avocate générale.

Ce sont les fantômes de personnes vulnérables, souffrant de maladies graves, que le faux médecin incite à arrêter les traitements, comme cette patiente, atteinte d'un cancer à qui il recommande l'arrêt de la chimiothérapie, et qui succombe. C'est le fantôme de Pierre-Henri Menthéour, ancien champion cycliste, adepte du Dr Mabuse, dont la veuve a raconté aux enquêteurs les neufs jours de jeûne strict avec privation d'eau. Le malheureux qui souffre d'un cancer du pancréas, convaincu des bienfaits des préconisations de Mabuse, demande à l'infirmière de lui retirer sa perfusion « inutile et nocive » pendant que Sainz se cache dans les toilettes de la chambre d'hôpital. Menthéour sort épuisé de son jeûne. A bout de force, il « ne tenait plus de bout ». Alerté, Bernard Sainz s'en étonne : lui-mçeme « jeûne et vient de faire 2h30 de vélo ». Il coupera la relation non sans avoir culpabilisé la future veuve. Aujourd'hui, il prétend que le jeûne n'était que de trois jours. Il n'a pas tué ses patients mais son intervention représente une dangereuse « perte de chance » dans leur combat face à la maladie.

Le cas de Mme Carlier fut évoqué lui aussi au cours des débats sans que soient détaillées les thérapeutiques suggérées par Bernard Sainz. Dans l'affaire Medi 14, Stéphane Belot, un coureur client de Bernard Sainz, était mort pendant l'instruction.

Des réquisitions sévères dans une partie à rejouer ?

Plus sensible à la noirceur du dossier qu'au folklore du bonimenteur et de ses compagnons de music-hall, la procureure a requis contre celui que Loyd Mondory appelait « Maître », une lourde sanction de quatre ans de prison ferme et 75.000€ d'amende, peine tenant compte de son âge avancé. De quoi faire perdre le sommeil à Me Hector Bernardini et désarçonner son client.

La réquisition est de six mois avec sursis et 10.000€ d'amende pour Pierre-Marie Carlier, un an et 5.000€ d'amende pour Loïc Herbreteau.

Le délibéré a été renvoyé au 16 septembre prochain. Un long suspense rendu nécessaire par le « temps de la réflexion et de la rédaction » a souligné la Présidente.

L'avocat de Loïc Herbreteau a déposé une requête en suspicion légitime au terme de la première audience du 3 mars. La décision sera connue le 1er avril. Si la requête était acceptée, ce procès se serait tenu pour rien et il faudrait alors tout reprendre devant de nouveaux juges.

Sous le soleil de Mexico

En juillet 2017, Sainz était venu au palais de justice de Caen avec une magnifique valise à roulettes de l'équipe Movistar. Mardi soir, il avait une autre valise à boucler. Il s'envolait dès le lendemain pour quelques semaines de vacances au Mexique. « Parmi les plantes les plus emblématiques de la médecine traditionnelle mexicaine, on retrouve le peyote. Ce cactus sacré, sans épine, occupe une place centrale dans les pratiques spirituelles des communautés indigènes comme les Huichols (Wixárikas), les Tarahumaras, et les Cora », nous apprend le site mexique-decouverte.com. Le docteur Mabuse va adorer le Mexique.


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Cette page a été mise en ligne le 20/03/2025