Actualité du dopage

Le Tour de France 2023, complètement propre ?


03/08/2023 - ici.radio-canada.ca - Robert Frosi

Antoine Vayer, ancien de l'équipe Festina, et le chroniqueur Stéphane Demorand se posent la question.

Il y a de quoi se questionner quand on regarde froidement les performances du vainqueur du Tour de France, le Danois Jonas Vingegaard. Réalisations exceptionnelles ou exploits douteux? Des questions se posent. Pour qualifier les accomplissements du champion et de son plus proche prétendant, certains spécialistes n'hésitent pas à employer le terme « surréalistes ».

Le Français Antoine Vayer connaît bien le monde du cyclisme, et surtout celui du dopage. En 1995, il est l'entraîneur de l'équipe Festina. C'est précisément cette équipe qui sera au cœur de l'un des plus gros scandales de dopage de l'histoire du cyclisme quand, en 1998, « l'affaire Festina » éclate au grand jour, dévoilant les pratiques dopantes dans le peloton du Tour de France.

Vayer est maintenant connu pour être un farouche défenseur de l'antidopage. Il avoue qu'il était au courant de certaines pratiques à l'époque. Depuis, il n'a de cesse de dénoncer ce fléau, qui est selon lui toujours omniprésent. Il a même témoigné récemment devant le Sénat français pour proposer des remèdes à cette gangrène.

Il y a des années, il a mis au point une méthodologie de calcul qui consiste à comparer le dévoilement des watts que les coureurs développent lors d'une course.

Le spécialiste français explique qu'aujourd'hui, personne n'est dupe. Il n'hésite pas à parler du Tour de France comme d'une mégaproduction cinématographique avec, comme acteurs principaux, deux mutants tout droit sortis des histoires de Marvel.

« Ils ne sont pas suspects, ils ne sont pas miraculeux comme Lance, explique-t-il à Radio-Canada Sports. Ils sont mieux. Stimulés par leur duel, ils évoluent parfois dans la zone des (Marco) Pantani, (Jan) Ullrich, (Miguel) Indurain et (Bjarne) Riis, qui ont marqué ce sport de tant de cicatrices douloureuses. Dans le col de Marie-Blanque, situé à 18,5 km de l'arrivée, Vingegaard a escaladé la rampe de 5,36 km à 10,26 % en 16 min 13 s. Sa puissance moyenne a été mesurée à 486 watts. Pogacar, lui, a été mesuré à une puissance de 466 watts. Ce qui me fait dire qu'il y avait deux Marvel, deux mutants. »

Avec sa méthode de calcul, il a pu comparer les performances du Danois et du Slovène avec celles des coureurs qui ont tous été pris dans les filets de l'antidopage.

« Parlons du contre-la-montre, 22,4 km bosselés, avalés en 32 min 36 s, avec des écarts surnaturels : 1:38 d'avance sur Pogacar, 2:51 sur son coéquipier Wout van Aert, le grand spécialiste de la discipline, qui a roulé avec 8 % de puissance en moins que le Danois, confirmant que Vingegaard et Pogacar roulent avec une puissance en moyenne de 10 % supérieure à tous leurs rivaux et sont capables de développer 450 watts en permanence. Et tout cela est acté et bien triste pour le vélo et les vertueux. C'est le Tour de France avec pas un, mais deux Arsmtrong. »

Stéphane Demorand, kinésithérapeute, conseiller en alimentation santé et micronutrition et chroniqueur au magazine français Le Point, abonde dans le même sens.

« La mesure de leurs performances en watts-étalon, qui est la seule mesure comparative entre les coureurs, a montré qu'ils ont battu à eux deux de nombreux records détenus par Lance Armstrong, Miguel Indurain ou encore Marco Pantani, dont on sait qu'ils prenaient des produits dopants. Enfin, ils ont régné en maîtres en laissant derrière eux 99 % du peloton, incapable de suivre la cadence de ces deux monstres. Tout cela laisse songeur alors que les nombreux contrôles antidopage auxquels ils ont été soumis se sont révélés négatifs », indique-t-il à Radio-Canada Sports.

Il ajoute qu'il est normal que l'on soit suspicieux et que la question du dopage se doit d'être posée

« Le dopage a toujours un temps d'avance sur les tests qui le détecteront et on peut regretter que le doute subsiste face à des performances aussi exceptionnelles que celles de Vingegaard pour Pogacar. L'avenir apportera peut-être une réponse à ces interrogations comme on l'a vu par le passé avec Lance Armstrong, Chris Froome ou Miguel Indurain. »

Le grand patron du Tour, Christian Prudhomme, s'est voulu rassurant pendant le Tour, en précisant qu'il n'est pas illégitime de se poser des questions.

« Il y a eu de réels progrès depuis, notamment sur le matériel, qui est un vrai sujet, a-t-il ajouté. Les progrès sont tels que nous nous interrogeons d'ailleurs sur le plan de la sécurité, car ça va réellement trop vite dans les descentes. La préparation des coureurs n'est pas la même qu'il y a 20 ans. Ce sont des moines soldats aujourd'hui. Ils se refusent le moindre écart, ça explique en partie les performances. »

Quand on entend ces deux spécialistes, on peut revisiter l'écrivain français Émile Zola : « Quand on enferme la vérité sous terre, elle s'y amasse, elle y prend une force telle d'explosion, que le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle. »


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Cette page a été mise en ligne le 31/12/2023