Actualité du dopage

« Ils sont propres, mais des artistes sont suspects »


12/07/2023 - ouest-france.fr - Gaspard Bremond

Performance. Jean-Jacques Menuet, ex-médecin de l'équipe Arkéa-Samsic, Cofidis ou AG2R, livre son regard sur les coureurs actuels du peloton. Selon lui, les tricheurs se font très rares. Mais malheureusement, il y a encore des égarés. « Ceux-là ne m'intéressent pas. »

Entretien

Depuis quelques mois, Jean- Jacques Menuet fait une pause avec le vélo. « Je suis en année sabbatique, dit-il. Mais j'aime tellement ce sport, ces coureurs, que je vais y revenir. » S'il dit cela, c'est « parce que je suis persuadé que ce sport est beaucoup plus propre qu'avant, qu'il véhicule des valeurs incroyables avec des champions incroyables. Sinon, je serais parti depuis longtemps, et je n'aurais pas eu envie de le retrouver »

Mais dans le même temps, ce médecin breton est du genre lucide, réaliste. Surtout, il dit les choses. Il y a quelques années, quand nous l'avions croisé sur le Tour de France, lors de la Grande Boucle 2019, il avait été l'un des premiers à tirer la sonnette d'alarme contre les cétones, la nouvelle substance à la mode à l'époque. Ces temps-ci, il s'inquiète des hormones thyroïdiennes (...), du dopage génétique Car de son point de vue, celui d'un médecin, la triche n'a pas encore totalement disparu des pelotons. Ce Tour de France, il le regarde avec son décodeur à lui, en quelque sorte. « Des artistes me paraissent suspects », lâche-t-il par exemple.

Que pensez-vous de ce début de Tour de France ?

D'abord, je tiens quand même à vous dire que je suis médecin du sport depuis longtemps. J'ai eu des patients tennismen, et jamais un seul journaliste ne m'a appelé pour me demander ce que je pensais de ce sport, des Roland-Garros gagnés par la même personne pendant des années. On ne m'interroge non plus jamais sur le football Mais il y a une obsession médiatique pour le cyclisme. Particulièrement pendant le Tour de France, et quelque part ça me dérange.

Je peux vous dire, pourtant, que le cyclisme est le sport le plus surveillé. Le dopage, c'est à la marge qu'il existe à mon sens, et il faut le dire. Sur ce Tour, je vois encore beaucoup de coureurs en souffrance, dans le dur, je vois des gruppettos. Je vois des étapes où ça ne roule pas, où objectivement on constate que le climat s'est assagi. Je vois de belles choses, des champions incroyables

« Ce qui m'interroge le plus, c'est la répétition des efforts intenses »

Vous faites un bilan positif, donc Oui. L'impression, c'est que la grande majorité du peloton joue le jeu. Encore une fois, c'est un sport très contrôlé, où ça a énormément changé. Je sais, par exemple dans l'équipe où j'étais, que 100 % des mecs, à part le c qui avait pris du Tramadol (Nairo Quintana), étaient propres et valeureux. Je sais que ces gars-là mènent leur carrière de façon honnête, qu'ils s'épanouissent sur le vélo mais pas que. Dans l'esprit d'équipe, dans la vie de groupe, dans le partage, dans l'aventure Ils sont heureux, les cyclistes.

Mais vous voyez aussi d'autres choses sur ce Tour, évidemment

Oui, je vois des artistes, devant, qui ne m'intéressent pas. Des artistes qui me paraissent suspects. On peut craindre, malheureusement, qu'il y ait deux vitesses.

Parce que ?

Ce qui m'interroge le plus, et j'ai une lecture physiologique de la chose, c'est la répétition des efforts intenses sans espace de récupération. L'exploit est possible sur une étape, la très haute performance, mais on ne peut pas être au top tous les jours. Je sais aussi généralement, dans les équipes, qu'on envoie un ou deux coureurs au charbon pour bosser, et le lendemain ce ne sont pas les mêmes. Ça n'est pas ce que j'ai vu, là, pour certaines équipes.

Beaucoup de personnes questionnent les puissances développées par les coureurs sur ce Tour, les fameux Watts Ces gens-là feraient mieux d'aller s'isoler un peu sur l'île de Houat où je ne sais où (rires) Ça ne veut rien dire du tout, ça ne tient pas compte de pleins de facteurs, le vent, le kilométrage, d'autres choses Il est possible qu'ils aient raison, mais des calculs de puissance qui veulent tout dire, c'est non. Car je le dis aussi, dans tous les sports il y a des champions, des numéros 1, 2, 3, etc. Peut-être aussi que ces champions ont des entraîneurs doués, par exemple, des techniques différentes. Ces gens-là tirent des conclusions définitives, comme ça, mais il ne faut jamais être catégorique. Ce qui est indéniable, et il y a quand même un truc que l'on observe chez ceux qui réussissent mieux ces temps-ci, c'est le foncier qui a été refait. Ils n'ont pas beaucoup couru, ils ont bossé l'endurance, et ça fait une vraie différence.

« Les hormones thyroïdiennes, c'est criminel ! »

En tant que médecin, quels sont les substances ou les produits qui vous inquiètent, aujourd'hui ? Je m'inquiète des hormones thyroïdiennes. Encore une fois, pas du tout pour la grande majorité des coureurs, mais pour quelques-uns. Que les instances de l'antidopage n'interdisent pas ces hormones thyroïdiennes, c'est criminel ! Ce sont des bombes hormonales qui détraquent l'organisme potentiellement, avec des effets secondaires. Elles font perdre du gras, rendent le muscle plus sec et puissant. Ça stimule aussi l'énergie mentale. Cela fait quelques années que ça traîne, déjà. Le MPCC (...) en parle, déconseille aux médecins de ses équipes de le prescrire, mais ça n'est pas sur la liste des produits interdits alors que ça devrait l'être

Il y a aussi ce que l'on redoute depuis des années, le dopage génétique. On sait que cela coûte très cher, mais sait-on jamais ? C'est en tout cas complètement indétectable.

Le Snus (...), aussi, me préoccupe. Ça, c'est récréatif, on va dire, ça n'est pas du dopage au sens propre, mais c'est de la nicotine, c'est dangereux car ça crée de la dépendance.


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Cette page a été mise en ligne le 01/01/2024