Actualité du dopage

Fraudes technologiques et informatiques ?


10/09/2020 - chronoswatts.com - Antoine Vayer

Il s'en passe des choses étonnantes sur ce Tour de France 2020 ! Ne parlons pas des performances trop exceptionnelles pour être crédibles de certains. Las, nous nous y sommes habitués. Non. Mais prenez Marc Madiot, par exemple, le manager de l'équipe Groupama-FDJ. Alors que j'étais un coureur cadet, en 1979, il avait retardé notre petite course un dimanche qui passait par le parcours des Boucles de La Mayenne séniors qu'il était en train de gagner. Nous sommes tous deux Mayennais. Lui du Sud-Ouest à Renazé dans ce département qui compte trois bovins par habitant, moi du Nord-Est à Pré-en-Pail. On avait dû le laisser passer avant l'heure, échappé, langue dehors. Il m'avait favorablement émerveillé, sauf sa langue de travers qu'il avait l'habitude de mordre pendant l'effort. J'ai été son directeur sportif ensuite, début 1994, l'espace d'une présentation d'équipe lamentable à Paris et d'une course à Bessèges, dans sa dernière équipe « Catavana-A.S Corbeil-Essones-Cedico ». Il a fini péniblement sa carrière là-bas avec son jeune frère, avec qui j'ai pas mal couru en amateur. Son manager Gallopin, le père de Tony, n'avait pas le diplôme pour officier. Il m'avait embauché. Cela n'a duré qu'un petit mois, suffisant pour voir. Nous étions vraiment incompatibles. Entre ces dates, je l'avais vu aussi en assistant en direct à l'émission « à chacun son tour » le 20 Juillet 1987, à Villars de Lans, lors de sa célèbre joute verbale avec Jeannie Longo, avec qui j'ai couru aussi. On ne la lâchait que difficilement. Le Tour se rend encore là-bas cette année, mardi prochain.

A cette époque, depuis 1984, un chouette Tour de France féminin se déroulait en lever de rideau du spectacle hommes. « Il y a des sports qui sont masculins. Une femme qui danse, c'est beau. Une femme qui fait du vélo, c'est moche. [...] Vous, vous êtes moche Je regarderai le cyclisme féminin le jour où elles mettront des maillots un peu plus jolis, etc. » disait-il. Le tout sous le regard amusé de Jacques Chancel et de Laurent Fignon, qui trouvait cela désopilant. Ensuite, ce Tour de France féminin a été rayé du calendrier en 1989, jugé officiellement « trop contraignant sur le plan économique » par l'ancêtre d'A.S.O. Jeannie Longo la Grenobloise, athlète la plus médaillée en France toutes disciplines et genre confondus, a eu une trouble histoire de dopage qui a brisé son après-carrière. Elle était programmée pour devenir ministre des sports, mais son mari a apparemment commandé pas mal d'EPO sur internet. Trop. Cela s'est su.

Ce sont des termes que Marc n'utiliserait plus. Cela lui vaudrait un shit-storm sur les réseaux sociaux. En outre, Marc a prouvé qu'il n'est plus sexiste : une équipe professionnelle FDJ féminine existe ! Il doit concevoir les maillots.

Autre chose étonnante. Marc a avoué aussi sa dépendance à certains produits à une époque lors d'une audition concernant Bernard Sainz, « naturopathe » toujours en procès. Mais se met à critiquer les Bernard. Hinault cette fois, quintuple vainqueur. Il lui a dit qu'il était hors de question que Thibaut se soigne comme par le passé, ce qu'il « suggérait ». Soit avec des corticoïdes. Car tout est suggéré. Rien n'est vraiment dit. Mais là, il a affirmé en texture que ce serait une démarche non éthique, qu'il la refusait, quitte à enlever toutes ses chances pour la grande boucle à son poulain. Comme quoi, avec le temps, rien n'est perdu. Il faut faire confiance en la sagesse. On peut en 2020, faire des coming-out de tous genres. Marc est aussi président de la Ligue Professionnelle. C'est pratique les cumuls. Il est au courant de tout et peut intervenir. J'aime Marc et je lui rends bien. Les Mayennais, avec un temps de fermentation suffisant, peuvent devenir des bons Mayennais.

C'est étonnant. Par contre, ce qui l'est moins, c'est que certains n'ont d'évidence pas compris et n'ont pas la sagesse de Madiot. Ne parlons pas encore de la fraude avec ceux qui se changent leur sang. Trop médiocre. Non, parlons du dopage ou plutôt de la « fraude technologique », termes officiels, que certains qualifient de « plus grave » que le dopage, ce qui est vraiment désopilant. Concernant les moteurs dans le cadre, ceux qui ont dû, pu s'en servir, l'ont fait. On n'a pas cherché à trop savoir. Jean-Christophe Péraud que j'ai entrainé quand il était VéTéTiste, a terminé 2ème du Tour sur route en 2013. Comme Guillaume Martin, il a drafté pendant sa carrière en essayant de suivre les autres plus forts que lui, en économisant ses watts un maximum dans les roues, sauf sur le final. Il a bien observé les roues arrière de Contador. Puis il a été embauché en novembre 2017 par l'Union Cycliste Internationale « pour détecter les fraudes technologiques ». Il a un diplôme d'ingénieur, obtenu avant sa carrière professionnelle qu'il a commencé sur le tard. Il n'a absolument rien trouvé. A-t-il vraiment cherché ? Chez Roglic un temps dans l'oeil du viseur ? À Monaco où habite Froome ? A-t-il déjeuné avec Fabian Cancellara ? Est-il allé voir les équipementiers ? Peu ou pas d'investigation ? Toujours est-il que son bilan c'est : pas une queue de cerise. Il a juste accompagné des contrôles non fiables. Des milliers et des milliers, avec force de communication. Zéro résultat. Rien. Nada. Ils ont été abandonnés en partie en 2020 comme les contrôles antidopage. Cela coûte cher, le rien.

Dopage technologique
Source : Espé - 10/09/2020

Fraudes technologiques et espionnage

« Jicé » a été débauché le 30 juin 2020, sur un échec total de presque trois ans. Ces moteurs, était-ce une légende comme des produits tel l'Aicar ? On sait que non. Dans les cadres le moteur, c'est devenu beaucoup plus compliqué qu'avant pour opérer, on est plus observé. Mais, las, nous verrons cet hiver qu'avec des moyens plus miniaturisés, il existe des solutions illégales pour gagner quelques watts qui font toute la différence. Plus 1%, 10 watts, suffisent pour dominer et faire cette différence, quand on a un niveau proche les uns des autres. Chaque chose en son temps. Nous suivrons cet hiver ce dossier. On est en été. Il faut des preuves, disait Armstrong. Péraud et l'Union Cycliste Internationale n'en ont jamais trouvé. Il faut prendre acte, bien que ce soit fort étonnant.

Ce qui nous préoccupe sur ce Tour, qui rejoint ma chronique #3 « La Bomba ou la 4G », c'est le lièvre levé par notre ami journaliste Marco Bonarrigo, en Italie. Figurez-vous que certains, comme nous le soupçonnions, seraient capables d'espionner les données des autres, de leur compteur posé sur leur guidon, comme celui de Hirschi aujourd'hui.

Ils pourraient aussi recevoir, via leurs directeurs sportifs ou service d'intelligence, des consignes ou renseignements sur l'état de forme de ses adversaires, tous reconnus, tracés, dont on pourrait estimer les capacités en live grâce à un traitement algorithmique. Beaucoup connaissent déjà quelles doses de sucres ingérer sur leur vélo, fonction du coût énergétique de leur pédalage affiché en instantané. On peut voler les données, comme de vulgaires pirates informatiques et les exploiter à des fins de victoire pour ses poulains grâce à l'intelligence artificielle. Ce n'est plus de la fiction.

Ces transmissions bien sûr illégales de « datas » des copains, comme la puissance, qui se monnaieraient bien sûr, permettraient donc de gérer ses efforts fonction des forces de l'adversaire, de savoir comment pédaler plus ou moins vite par rapport à la ligne d'arrivée. Les athlètes pourraient donc être totalement téléguidés si leurs compteurs sont bien réglés.

Bramati récupère un drôle de sachet
Source : Espé - 08/09/2020

Tout Suisse sait skier, avec ou sans aide technologique. Marc Hirschi a attaqué dans le Suc Au May, à 25 km de l'arrivée. Il a gravi la portion raide, 2km à 10,6 %, en 6min26s. Sa puissance étalon était de 477 watts soit 6,95 w/kg. C'est une belle performance car il restait 25 km à parcourir. Le capteur de puissance de Sebastien Reichenbach, autre Suisse de la FDJ de Madiot, juste derrière, n'a pas bien fonctionné. Mais on sait qu'il a gravi la bosse en 6min39sec. Cela fait 460 watts étalon, du 6,6 w/kg. Moins vite donc. Le peloton a laissé faire. Hirschi est très fort sur les côtes courtes. Il avait été le seul à avoir pu suivre Julian Alaphilippe sur la montée du col des 4 chemins lors de la deuxième étape se terminant à Nice. Il est capable aussi de bien grimper les longs cols. Il a gravi le col de Hourcère à la puissance moyenne étalon de 430 watts lors de l'étape de Laruns, soit 6,25 w/kg pendant 33min54s. Il a de l'endurance, il a certainement dépassé les 300 watts de moyenne sur l'étape de Laruns pendant 4h et dépensé 4300 kJ. Il roule fort sur le plat, par rapport à son gabarit léger, il est souvent en position aérodynamique. Il descend vite. C'est, comme Roglic, un ancien skieur, mais pas de saut à skis, de descente.

Toutes ces données, en intégralité, sont-elles intégrées dans un modèle mathématique et informatique intelligent et artificiel qui l'aide à gérer ses efforts dans le réel ? Possède-t-il aussi ceux de ses adversaires, comme celui de Julian Alaphilippe qui a vainement essayé de le rejoindre avant de littéralement exploser ? Non, sans doute que non. Ce serait une théorie presque complotiste comme pour les moteurs dans les vélos, non ? Comme pour l'usage de certains produits. Pas de contrôle positif = pas de dopage ? On ne peut pas dire qu'il a triché, d'aucune manière, ni qu'il a géré ses efforts d'échappé fonction de ses datas et de celles des autres. Mais ce serait possible, dans l'absolu. Puisque c'est possible pour certains. Non, l'important, c'est la probité de son entourage. Son agent, c'est Fabian Cancellara. Même si, au contraire de Marc Madiot, Fabian n'a pas fait son « coming-out » concernant son passé, on le croit sur parole. Un Suisse qui tricherait, ce serait étonnant.


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Cette page a été mise en ligne le 12/09/2020