Actualité du dopage

Jumbo-Visma, le mépris du succès


10/09/2020 - liberation.fr - Pierre Carrey

L’équipe du maillot jaune, Primoz Roglic, domine outrageusement le Tour cette année.

L’équipe Jumbo-Visma méduse le peloton du Tour de France. Sidère. Intrigue. Fait peur. Fait rire. «Il y a eux et les autres. On parle quand même d’une équipe qui a réussi à ridiculiser Ineos et à la faire passer pour une équipe moyenne.» «Avec eux, ça ne sert à rien d’attaquer. Suivre, on se demande» C’est une dizaine de coureurs de formations différentes qui s’expriment. Sous anonymat, condition obligatoire. La garde rapprochée du maillot jaune, Primoz Roglic, évolue un étage au-dessus de toutes les autres formations depuis le départ de Nice.

Hégémonie

Son «train» est une nouvelle fois attendu vendredi sur les rails du puy Mary, sommet du Cantal. Un autre concurrent s’agace : «Quand ils embrayent à 100 kilomètres de l’arrivée, ils ne cherchent pas seulement à gagner, mais à humilier.» La formation néerlandaise Jumbo-Visma s’est construite sur les décombres de Rabobank, en garantissant qu’elle ne cautionnerait aucun dopage. Mais son hégémonie réveille la suspicion dans une large partie du peloton : «On rêve tous de connaître leur secret.» Interrogé par l’Equipe sur la recette de ce succès, Richard Plugge, le manager, répond : «Je ne sais pas.» Avant d’ajouter : «Essayer d’être les plus professionnels possible dans tous les domaines et d’obtenir l’implication maximale de tous les membres de l’équipe.» Tout en réaffirmant : «Nous avons une politique antidopage très stricte. Je crois que tout le monde a appris du passé.»

(...) «Au Tour de l’Ain, c’était gênant, retrace un coureur. Tony Martin [de Jumbo-Visma] roulait à bloc dans un col sur la dernière étape. Dans le passage le plus difficile, Chris Froome attaque. Une grosse attaque. Mais Froome voit Martin rouler à côté de lui, façon de dire "Ton attaque ? Quelle attaque ? On n’a rien senti !" Martin l’a regardé fixement dans les yeux. Quand tu es à bloc, c’est le genre de chose que tu ne fais pas.» Ce n’est pas fini. «Au sommet du col, George Bennett (...) se retourne et voit que le groupe a explosé. Il dit "Hé, les gars ! Y a plus personne ! Et pourtant, on n’a pas roulé vite !"» Ce genre de récit fait le tour du peloton. L’écrasement était-il du même ordre au Critérium du Dauphiné ? «Oui.»

Même du temps de Sky, devenue Team Ineos, (...) le peloton ne se sentait pas autant méprisé. «Il faut espérer qu’ils se couchent dans la troisième semaine [du Tour de France], confie un adversaire. Normalement, ils devraient se coucher. Normalement» Si ce n’est la fatigue, ce peut être une autre faille qui ruine soudain les efforts colossaux de Jumbo-Visma : sa stratégie. Un témoin du peloton les trouve «bourrins, pas malins». Poli, un autre souligne : «Ce n’est pas l’équipe qui réfléchit le plus.»

Morale

L’an passé, sur le Giro, l’équipe avait concédé le maillot rose de leader à son adversaire Richard Carapaz, qui ne le lui avait jamais restitué. Mieux, elle n’avait pas réussi à dépanner à temps Primoz Roglic, pris dans un incident mécanique : les conducteurs de la voiture suiveuse s’étaient arrêtés pour pisser Autre étonnement samedi, dans la première étape des Pyrénées, quand l’équipe sacrifie son coleader Tom Dumoulin, lequel peinait à suivre le rythme collectif Un coureur veut croire qu’il y a une morale à la fin : «C’est le signe d’une arrogance, et l’arrogance se paye un jour.»


Lire l'article en entier



Sur le même sujet


Cette page a été mise en ligne le 19/09/2020