Actualité du dopage

« Au niveau national, on a un cyclisme douteux, sale » en Colombie


23/09/2020 - ouest-france.fr - Juliette Marie

Ancien grand reporter au journal « L’Équipe », Guy Roger connaît très bien le cyclisme colombien. Alors que des soupçons de dopage planent au-dessus des frères Quintana (Arkéa-Samsic), dont le médecin et le kiné ont été placés en garde à vue, le journaliste livre un éclairage sans concession sur le dopage qui mine une partie du peloton en Colombie.

(...)

Quelle a été votre première réaction quand vous avez appris le placement en garde à vue du médecin et du kinésithérapeute proches des deux frères Quintana ?

Je suis complètement abasourdi. J’ai parlé, lundi, au Dr Álvaro Mejía, un ancien coureur (4e au Tour de France 1993) devenu médecin, qui a exercé au sein de la fédération colombienne de cyclisme. C’est un missionnaire sur la question du dopage. Il est intransigeant. Pour lui, il n’y a pas d’alternative : il faut un cyclisme propre. Le ciel lui est tombé sur la tête ! Lors de la perquisition ont été retrouvés du sérum physiologique mais aussi d’autres produits et du matériel d’injection. Et tout le monde sait à quoi sert le sérum physiologique C’est un produit qui permet de faire baisser le taux d’hématocrite, donc, pour prendre un raccourci, c’est un produit masquant.

Vous connaissez très bien le cyclisme colombien, auquel vous avez consacré le livre Bernal et les fils de la Cordillère. Cette affaire pourrait-elle entacher l’image du cyclisme colombien ?

Si vous voulez, il y a deux facettes au cyclisme colombien. D’un côté, celle qui rayonne à l’international et qui reflète la nouvelle image que l’on peut se faire de la Colombie, loin des cartels, loin du narco-cyclisme et loin des clichés, avec le vainqueur du Tour 2019, Egan Bernal, et des garçons comme Rigoberto Urán, Superman Lopez, Nairo jusqu’à preuve du contraire Et de l’autre côté, au niveau national, on a un cyclisme douteux, sale qui est encore malheureusement aux mains de managers ou de directeurs sportifs véreux

Voulez-vous dire que le cyclisme colombien est miné par le dopage ?

En 2019, c’est le deuxième pays à avoir le plus de cas de dopage derrière le Costa Rica selon l’Union cycliste internationale (UCI). On marche sur la tête ! En 2019, l’UCI a suspendu le Team Manzana- Postodon pour plusieurs cas de dopage puis l’équipe a été dissoute. Avant cela, en février 2017, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a ordonné la suspension de l’agrément du laboratoire antidopage Coldeportes, à Bogota, parce que les contrôles n’étaient pas fiables. (...) Le drame c’est qu’en Colombie, le dopage n’est pas considéré comme un délit. Le nouveau ministre des sports, le Dr Lucena, a fait des promesses : il s’est engagé à durcir la loi pour mieux réprimer le dopage.

Mais le fait que l’entourage de Quintana pourrait être mêlé à une affaire de dopage vous surprend-il ?

Quintana était jusqu’à mercredi, le jour de la perquisition à Méribel (Savoie), au-dessus de tout soupçon. Mais pour tout le monde en plus ! Donc personne ne comprend. Luis Fernando Saldarriaga – quand il dirigeait Quintana – l’a protégé : il ne voulait pas que Quintana dispute un Tour de Colombie car il avait peur des managers qui gravitent autour. D’ailleurs, aujourd’hui, les gardes à vue ne concernent que le kiné et le médecin. Dayer et Nairo ont, lundi, répondu à des questions mais ce n’est pas allé plus loin Mais si le dopage est avéré, pour moi, c’est gravissime et c’est la fin de la carrière de Quintana. En Colombie, les gens ne peuvent pas y croire Tout le monde essaye de trouver une explication

Justement, quelles auraient pu être les raisons de Quintana à franchir la ligne ?

Je dirais son mauvais état de santé, sa chute avant le Tour – quand il a été renversé par une voiture durant son entraînement en Colombie – et pendant. Peut-être pour supporter la douleur Mais ce n’est pas une excuse ! Pour moi, si c’est avéré, c’est terrible car c’est toute l’image du cyclisme en Colombie qui est abîmée. Quintana a fait renaître là-bas l’espoir du maillot jaune. C’est quelqu’un qui ose et s’engage. Moi j’ai une grande admiration pour lui. Et je dirais même une certaine affection mais là je suis triste à la fois par la faute qu’il pourrait avoir commise, si c’est avéré, et par les conséquences que ça pourrait avoir en Colombie.


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Cette page a été mise en ligne le 28/10/2022