Brève

La grande lessive

03/08/2007 - Le Monde - Daniel Baal, ancien Président de la Fédération Française de Cyclisme

Le Tour de France a été chaotique. Si l'épreuve n'avait guère de crédibilité sportive, le Tour est cependant resté un spectacle prisé. Pour qu'il reste spectacle, mais aussi sport, il faut agir vite et bien.

La guerre contre le dopage menée par l'Union cycliste internationale (UCI) a conduit à rendre publics avant, pendant et après le Tour de nombreux cas de dopage. L'effet "boomerang" a été violent, car on a pu considérer que le dopage progresse, alors qu'il semblerait plutôt qu'il régresse. Et cet effet a été intensifié par le conflit entre l'UCI et l'organisateur du Tour, la société ASO, qui, arguant des carences de la politique antidopage, s'oppose au concept de l'UCI Pro Tour (...).

Le Pro Tour a été créé en 2004 pour permettre aux équipes titulaires de "licences", en principe les meilleures, de participer aux épreuves les plus importantes du calendrier, pour générer davantage de revenus et, sans doute, pour les partager différemment... Trois ans après, il est très contesté. Il ne sert à rien de vouloir imposer un concept mal né. Il faut que l'UCI remette l'ouvrage sur le métier. (...)

Dans le domaine, vital, de l'antidopage, il faut profiter de l'état de crise pour prendre des mesures drastiques. Il s'agira d'une révolution. Cette révolution ne s'est hélas pas faite après le Tour 1998. Les esprits n'avaient pas assez évolué, l'UCI privilégiait la politique des "petits pas", les équipes étaient attachées à la culture du secret et les coureurs avaient une vision limitée à leur propre carrière.

Aujourd'hui, des coureurs sont capables de manifester pour demander un renforcement de la lutte antidopage, alors qu'il y a neuf ans ils avaient la démarche inverse. L'action menée par l'UCI a permis de réaliser des progrès considérables ; le nombre de tricheurs débusqués, y compris parmi les têtes d'affiche, au cours des derniers mois en témoigne.

Le cyclisme est le sport leader de l'antidopage. Les règles et les chartes actuelles ne doivent donc pas être abandonnées. (...) Mais il faut aller encore beaucoup plus loin... et vite.

D'abord, il faut que les équipes soient irréprochables. On en est loin aujourd'hui. C'est pourtant là que se trouve l'enjeu essentiel. L'équipe est l'employeur des coureurs, son dirigeant a donc une vraie fonction hiérarchique. Il doit imposer le strict respect des règles, comme l'exige toute entreprise de ses salariés.

Une équipe fiable implique un encadrement composé de personnalités au-dessus de tout soupçon. Le ménage doit être fait. Combien de managers douteux fanfaronnent toujours ? Le droit d'exercer des fonctions de direction d'une équipe doit être délivré par le pouvoir sportif (...) en fonction de la compétence et de la moralité des personnes. On doit exclure tous ceux qui ont un passé trouble, dirigeants, médecins et "soigneurs". Et il faut inciter les coureurs à révéler les pratiques coupables auxquelles ils ont été confrontés et quels ont été leurs complices. Ces coureurs repentis devront bénéficier d'un traitement adapté à la situation.

Parallèlement, et de manière symbolique, le palmarès de toutes les épreuves majeures devrait être rendu vierge sur au moins les douze dernières années. On sait bien aujourd'hui que la crédibilité de ces palmarès est suspecte ; il faut avoir le courage d'afficher publiquement cette situation, pour repartir sur des bases assainies.

Concernant les équipes, un autre sujet doit être traité. Comment un directeur sportif, un entraîneur, un masseur peuvent-ils aujourd'hui suivre tout au long de l'année des coureurs résidant aux quatre coins de l'Europe ? Comme dans une entreprise normale, comme en sport collectif, il est nécessaire que les coureurs habitent à proximité du siège de l'équipe. Cela empêchera bien des risques de dérive. Pour le reste, je propose, une fois de plus, que le cyclisme soit le premier sport à mettre en place la "carte d'identité biologique et physiologique".

Il s'agit de ne pas se limiter au constat de la prise de substances interdites, mais de suivre les évolutions liées à l'utilisation de substances ou méthodes dopantes. Le règlement international doit fixer les modalités d'utilisation des informations en découlant. Il faut aussi intensifier la politique de contrôle antidopage, sur la base d'échantillons d'urine, de sang et aussi de cheveux, pendant et surtout en dehors des périodes de compétition, renforcer encore les sanctions et revoir la question des autorisations d'usage à des fins thérapeutiques (...).

(...). Il y a urgence à construire le cyclisme de demain. Mais il faut que les décisions nécessaires soient prises, dans les trois mois dans le domaine de l'antidopage et ultérieurement dans l'organisation générale du cyclisme. Ce travail est de la responsabilité du pouvoir sportif, c'est-à-dire de l'UCI et de ses membres, les fédérations nationales. Mais il s'agit d'oeuvrer en synergie avec les parties prenantes, et notamment les organisateurs, certains patrons d'équipes, les autorités officielles, la justice et les agences antidopage.

La construction du cyclisme nouveau nécessite un mode de gouvernance démocratique et transparent, privilégiant l'efficacité aux effets d'annonce.


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Cette page a été mise en ligne le 31/08/2007