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Actualité du dopage |
Le Slovène Tadej Pogacar a remporté son troisième Tour de France, après ceux de 2020 et 2021 et est le premier coureur depuis Marco Pantani en 1998 à réaliser le doublé Giro-Tour la même année. C'est très fort et il est normal de s'interroger sur cette domination aussi insolente que troublante.
Un clown, un illusionniste, un magicien, un acrobate, un équilibriste, n'en jetez plus : Tadej Pogacar maîtrise tous ces métiers du cirque. Et cela tombe bien car certains sports - pas seulement le cyclisme -, sont devenus un grand cirque en raison du juteux business qu'ils rapportent. Vainqueur de son troisième Tour de France en cinq participations, dauphin de Jonas Vingegaard lors des deux autres, Pogi incarne cette réussite décomplexée et procure des sentiments ambivalents. Il est fort, amusant, frais. Il monte vite les cols et franchit la ligne sans fatigue sur son visage. Des jambes hors du commun. C'est un héros de son temps. Génération Netflix et Instagram. Avec les simagrées face camera, le sourire ultra brite, mais toute cette mise en scène ne peut occulter le trouble que génère sa domination, ses records d'ascension, son exceptionnelle récupération.
À bientôt 26 ans, Tadej Pogacar traverse sa meilleure année. Il a plané sur cette 111e édition du Tour de France, comme un mois plus tôt sur le Tour d'Italie avec une facilité déconcertante. Pourtant, l'opposition était plus consistante sur les routes du Tour. Six étapes à la clef, à chaque fois... Clin d'œil de l'histoire ou ironie vacharde, il s'agit du premier doublé Giro-Tour depuis Marco Pantani et ce Tour 1998 de la honte, celui où éclata l'affaire Festina. Avec les preuves d'un dopage organisé dans la majorité des équipes.
Une lutte antidopage à revoir
Vingt-six ans plus tard, on a trop souvent le sentiment d'être revenu au même point. Pourtant Lance Armstrong a été déchu de ses sept Tours (...). Les affaires Puerto, Landis, Saunier-Duval, Gerolsteiner, Rabobank Aderlass, le contrôle positif d'Alberto Contador, les doutes profonds sur la domination de Sky (1) ensuite nous font penser que seules les éditions 2011 et 2019 présentaient un visage plus humain.
On se raccroche à des impressions, on nous reproche de ne pas apporter de preuves à nos doutes, mais la lutte antidopage ne nous aide pas beaucoup. Fonctionne-t-elle en dépit des moyens considérables engagés ? Il n'y a plus aucun coureur de premier plan contrôlé positif. Mais un contrôle négatif ne signifie pas un blanc-seing, car l'utilisation de substances interdites avec maîtrise, notamment par microdoses, permet d'échapper à la patrouille. Tout le milieu le sait. Il y a un silence assourdissant des instances et organisateurs, face à la montée de la suspicion. C'est patent depuis 2020 et le retour aux compétitions post Covid. Cyclisme à deux vitesses et omerta.
Pas de smicard dans le peloton
L'argument économique est forcément une explication. Il est révolu le temps où les meilleurs coureurs amateurs rechignaient à passer professionnel, car ils touchaient une misère (...). Aujourd'hui, il n'y a plus de smicard dans le peloton World Tour. L'arrivée de partenaires de poids ou d'États sponsors font couler l'argent à flot (...). Recherche et développement, soins et technologie de pointe. Personne n'a intérêt à voir partir la poule aux oeufs d'or, mais tout le monde ne profite du même menu. Les miettes sont cependant assez nourrissantes pour qu'une forme de complaisance gangrène le peloton.
Pour dire quoi de tout façon ? Tous dopés ? Certainement pas. Tous médicalisés, oui. Caféine, cétones, et monoxyde de carbone maintenant. Tous désabusés ? Plus sûrement. Thibaut Pinot a jeté l'éponge l'an dernier, Romain Bardet le fera en 2025. Des fleurons usés avant l'âge par cette sentence devenue ridicule.
Hypocrisie à grande échelle
Personne ne sait quel est ce « truc » en plus que possèdent UAE et Visma, pour ne citer que les dernières équipes lauréates du maillot jaune. En revanche, leurs plaidoiries sur les stages en altitude et la nutrition sont ressenties comme une insulte. Car ce sport s'est professionnalisé depuis deux décennies, mais les calculs de puissance observés interrogent autant qu'ils indisposent. Pantani et Armstrong, déchus de records d'ascension dans les Pyrénées ne roulaient pas sur des charrues de 15 kg !
Le déni ne mène nulle part. Douter de ce Pogacar est inévitable au regard de l'héritage que ce sport nous a laissé. Le Tour de France conserve une magie populaire mais doit se méfier de la manipulation exercée par les démons qu'il laisse prospérer.
Cette page a été mise en ligne le 25/07/2024