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Les performances extraordinaires de Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard, ainsi que leur progression continue depuis quatre ans, interrogent des spécialistes, comme l'entraîneur Alban Lorenzini.
Le constat : des écarts importants et des records battus
Avec un quatrième (João Almeida) déjà relégué à dix minutes du maillot jaune avant même le dernier massif montagneux, Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard et, dans une moindre mesure, Remco Evenepoel, ont fait le ménage autour d'eux. Le Slovène et maillot jaune, déjà double vainqueur du Tour, a également explosé des records de temps d'ascension détenus par des coureurs de l'ère EPO (Pantani, Armstrong).
Dans un sport qui a déjà connu son lot d'affaires et de scandales, ces performances doivent, à juste titre, pousser au questionnement, et ne pas rester crédules face à ces exploits.
L'absence de fatigue
Ces questions, Alban Lorenzini se les pose. Cet entraîneur spécialisé dans les capteurs de puissance, mais également testeur de matériel, est notamment marqué par « l'absence de fatigue » de ces coureurs.
« Ils n'ont aucun rictus de souffrance et rigolent sur le home trainer comme si de rien n'était. Pogacar est capable de lâcher son guidon et de se redresser dans le Plateau de Beille pour enlever ses gants, derrière Vingegaard qui avait attaqué. Adam Yates (équipier de Pogacar) donnait l'impression de ne pas respirer lors de son attaque au Pla d'Adet. »
Cette absence de fatigue est toujours présente au moment d'aborder le dernier col. « Des coureurs comme Derek Gee ont dévoilé leurs données de puissance, qui étaient extrêmement élevées ce week-end durant les étapes, malgré ce rythme en course, ils arrivent ensuite à exploser les records de Pantani ou Armstrong.
Une progression qui ne s'arrête jamais
Deuxième point marquant aux yeux de Lorenzini : la progression continue de coureurs comme Vingegaard ou Pogacar. « Même si on reste sur des approximations, on sait déterminer l'entraînement, etc. À partir de 2022, j'ai commencé à avoir du mal. Depuis 2023, on a dépassé ce qu'on voyait à l'époque Sky. Et en 2024, on est largement au-dessus. »
L'entraîneur avait remarqué la progression chiffrée au Giro de Pogacar, ainsi que celle de ses équipiers au Tour de Suisse (victoire d'Adam Yates devant João Almeida). « On a alors compris que ce serait compliqué pour les autres et que les records allaient tomber. On n'a pas été déçus Enfin, c'est plutôt écœurant. »
Pogacar n'est pas le seul à progresser, c'est aussi le cas de Vingegaard. « Avant sa chute au Pays basque, on n'arrivait pratiquement plus à faire d'estimation de sa puissance car, à plus de 2,5 km/h de différence, l'aérodynamisme entre en compte, et les calculs deviennent beaucoup plus complexes. » Ces progrès semblent irrationnels aux yeux de Lorenzini : « Ces écarts interpellent. Sur une carrière, il y a des améliorations les premières années, mais une fois un plateau atteint, ça devient difficile d'aller chercher de gros progrès. On voit les extrêmes sacrifices réalisés par un Romain Bardet pour gagner quelques watts. »
Le matériel ne justifie pas les temps d'ascension
L'amélioration du matériel est souvent avancée comme argument pour expliquer la hausse des vitesses moyennes des coureurs. Alban Lorenzini ne le nie pas : « C'est même indéniable pour justifier la moyenne du Tour. Cadre, roues et pneus sont bien meilleurs qu'avant et permettent un vrai gain dès qu'on dépasse 30 km/h (pour les pneus) ou 40 km/h (pour le cadre, le casque, le maillot, les roues). »
En revanche, « l'importance du matériel est moindre à basse vitesse. Les pneus qui absorbent mieux les irrégularités de la route, la friction de la chaîne et la qualité des lubrifiants permettent un petit gain de 30 à 40 secondes, max, sur une montée du Plateau de Beille par rapport au vélo de Pantani, par exemple. Mais pas de quoi combler quatre minutes. »
En effet, aussi qualitatifs qu'ils soient au niveau aérodynamique, « il n'y a aucun gain à tirer à la vitesse où sont montés les cols. L'effet aérodynamique n'existe pas. Dans un col, ce qui compte, c'est le watt par kilo (le rapport puissance/poids). D'ailleurs, Pogacar et Vingegaard ne roulent pas sur les meilleurs vélos du peloton, selon les tests en soufflerie », souligne Alban Lorenzini.
Comment expliquer ces performances ?
Comment expliquer, alors, ces performances ? Comme de nombreux suiveurs, Lorenzini se pose la question : « Et je n'apporterai pas la réponse. » Ces coureurs ne seraient-ils pas, tout simplement, des champions ? « On peut l'imaginer. Mais comment expliquer leur progression et qu'ils arrivent à être plus forts que les meilleurs de l'époque EPO ? Ils font quelque chose ou utilisent quelque chose que les autres n'ont pas. Les méthodes d'entraînement et le matériel sont des arguments pour se donner bonne conscience. Ce n'est plus que du cirque à mes yeux. Je ne me reconnais plus dans ce sport. »
Un discours que cet entraîneur n'est pas le seul à tenir.
Cette page a été mise en ligne le 24/01/2025