Dossier dopage

La conviction antidopage des directeurs sportifs


07/07/2012 - cyclisme-dopage.com - Marc Kluszczynski

Dans son autobiographie Racing through the dark, David Millar souligne la responsabilité de l'entourage dans son passage au dopage, une responsabilité d'ailleurs reconnue par la justice lors du procès de l'affaire Cofidis en 2004. La pression venait du plus haut niveau de l'entreprise : François Migraine, directeur de la Société et sponsor principal, exigeait des résultats, et les directeurs sportifs faisaient passer le message aux coureurs. C'est la pire des situations dans une équipe. Et elle pourrait encore exister en 2012 dans quelques équipes du pro Tour (les " résistantes ") qui ont du bien vite se rendre compte de leurs ambitions de plus en plus difficilement réalisables à cause de la montée en puissance de la lutte antidopage.

Une autre catégorie d'équipes serait celle des " attentistes ", comme la Rabobank jusqu'en 2007. Théo de Rooy, directeur sportif de 2003 à 2007, a déclaré récemment que l'équipe hollandaise tolérait le dopage dans ses rangs et que les médecins veillaient juste à ce que les coureurs n'en prennent pas trop ! Le cycliste avait l'entière liberté dans ses choix concernant les dopants. Ce laxisme de l'encadrement montra vite ses limites. Des coureurs comme Michael Rasmussen ou Michael Boogerd s'adressèrent à la clinique privée autrichienne Humanplasma pour organiser leur programme de transfusions sanguines. Au Tour 2007, alors maillot jaune, le danois fut exclu de la compétition pour avoir menti sur ses localisations. L'encadrement de l'équipe vola en éclats. La banque hollandaise Rabobank, sponsor principal, décida alors de rester dans le cyclisme à la condition de pouvoir imposer une tolérance zéro envers le dopage. On pourrait penser qu'elle a été entendue car, en 2011, la Rabobank figurait à la 8ème place des équipes les plus vertueuses derrière les équipes du MPCC (Ag2r, Europcar, FDJ, Cofidis, Garmin, Skil, Bretagne Schuller), dans un classement officieux et controversé établi selon l'indice de suspicion dû aux variations du passeport sanguin. Leur coureur vedette, le russe Denis Menchov, vainqueur du Giro 2009, était en revanche l'un des coureurs les plus soupçonnés, avec un indice de 9. Devenu trop encombrant pour Rabobank, il signe pour Geoxx-TMC en 2011 (ex-Saunier Duval) et en 2012 pour la Katusha.

On peut sans trop se tromper affirmer que le comportement " attentiste " était (et est encore) très répandu parmi les équipes du Pro Tour : citons les Saunier Duval de Mauro Gianetti en 2006, la Saxo Bank de Bjarne Riis en 2010 suite aux révélations de l'affaire Contador, la Lampre en 2010 suite à l'affaire de Mantoue (en cours).

Une 3ème catégorie d'équipe se distingue par la présence d'une composante antidopage clairement affirmée, suite au choix du sponsor principal et/ou du directeur sportif, comme l'a fait en 2006 Jonathan Vaughters avec Garmin Chipotle, aujourd'hui Garmin Barracuda. Vaughters a quitté le cyclisme en 2003 après avoir été l'équipier de Lance Armstrong chez US Postal. Il s'est rendu compte que trop longtemps, les directeurs sportifs européens ne voulaient pas savoir ce qui se passait dans leur équipe et refusaient d'admettre qu'ils avaient le pouvoir d'agir sur le dopage dans l'équipe, avant le sponsor principal. Le directeur sportif est bien le premier responsable de la politique initiée dans l'équipe : elle doit permettre au coureur de ne pas avoir besoin de se doper, ce qui passe aussi par un système de contrôles plus rigoureux que celui de l'UCI et du PS ou même que celui du MPCC qui ne réunit que six équipes sur les dix-huit du Pro Tour.


Marc Kluszczynski est pharmacien
Il est titulaire du diplôme universitaire de dopage de l'université de Montpellier (2006)
Il est responsable de la rubrique "Front du dopage" du magazine Sport & Vie et collabore à cyclisme-dopage.com


Sur le même sujet


Cette page a été mise en ligne le 07/07/2012