ICCD : Indice de Confiance Cyclisme-Dopage.com

INEOS Grenadiers - Saison 2024


cyclisme-dopage.com - 12/06/2024

Sommaire

Introduction Cinq affaires de dopage Aucun coureur épinglé Un dirigeant épinglé Deux coureurs flashés Aucun dirigeant flashé L'équipe adhère MPCC ICCD : notre indice de confiance

Introduction

Introduction écrite en collaboration avec @lllludo.

Vous vous souvenez du premier maillot du team SKY ? Celui de 2010 avec une ligne dorsale bleue censée représenter la frontière entre la défaite et la victoire, entre ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas ? Eh bien cette fine ligne bleue s'est transformée en une grosse baleine sur le dos de Froome et de Thomas à l'été 2018 pour disparaitre l'année suivante à l'arrivée d'INEOS, un mastodonte de la pétrochimie.

Il faut dire que cette frontière du possible semblait très poreuse et mouvante au cours des premières années du Team Sky surtout quand on se souvient du dopage de Tiernan-Locke et d'Edmondson, du contrôle positif de Froome sur la Vuelta 2017, du passeport sanguin frelaté d'Henao, autant d'affaires étouffées. Les hackers russes de Fancy-bears avaient aussi permis que les autorisations frauduleuses de corticos à usages thérapeutiques de Froome et Wiggins ne restent pas enterrées au fond des classeurs de l'UCI de Brian Cookson.

Cette ligne semblait même carrément imaginaire au vu du pédigrée du Dr Geert Leinders, l'ex-médecin du cabri danois Michael Rasmussen, ou des stocks de testostérone du Dr Richard Freeman, prétendument destinés à soigner les défaillances sexuelles du staff.

Et, lors du Tour 2013, en visionnant l'ascension record du Ventoux par un Froome, au rythme cardiaque plafonnant à 160bpm sous les à-coups de ses accélérations, on pouvait aussi considérer cette ligne bleue comme une allégorie de la frontière entre vélo et motocyclisme.

Habilement, au fil des ans, les suspects ou coupables mentionnés ci-dessus ont été évacués, un par un, plus ou moins rapidement. Exit Tiernan-Locke, Edmondson, Henao, Wiggins, Leinders, Freeman et enfin Froome. Exit aussi quelques autres suspectés d'avoir goûté au dopage dans leur vie d'avant comme Barry, Possoni, Julich, De Jongh ou Sean Yates. Probablement rien à voir mais Gary Blem, le mécanicien attitré de Froome n'est plus présent dans l'effectif actuel. Tel un mécano chef en F1, il a suivi son pilote dans sa nouvelle écurie israélienne.

Et puis en 2019, INEOS est arrivé avec un nouveau maillot, une nouvelle identité visuelle débarrassée du bullshitting linéaire. L'équipe cycliste est désormais une caution bien-être du groupe qu'on affiche dans les pubs TV juste après les gels hydroalcooliques pharmaceutique qui ont contribué à sauver la planète face à la pandémie ce Covid-19.

Mais l'âme de cette équipe a-t-elle vraiment changée ? Il semble bien que oui.

Egan Bernal ou Tom Pidcock ont produit des performances extraordinaires, incroyables mais ils incarnent une forme de renouveau, la dernière génération de gars cleans qui battent des records d'ascension de cols datant de l'époque Armstrong. Du côté du staff, Sir David Brailsford, le patron historique, a quitté le monde du cyclisme se préoccupe désormais de football. Rod Ellingworth, son bras droit, s'en est allé à la fin de la saison 2023. Matteo Tosatto, un des principaux directeurs sportifs, a aussi filé alors que Ben Williams, un des directeurs de la performance, a lui aussi cédé aux sirènes du football. Servais Knaven, épinglé dans note annuaire du dopage a été prié de filer sous d'autres cieux dès l'inter-saison 2022-2023. Gabriel Rasch et Brett Lancaster sont partis en même temps. Le grand coach de natation, Tim Kerrison, lui aussi est parti depuis quelques années maintenant.

Parmi les cadres historiques restés en place, on ne retrouve plus guère que le Dr Steve Peters, chef du secteur médical depuis la création de l'équipe et donc coupable d'avoir validé les recrutements de Leinders et Freeman. Il reste aussi le directeur sportif Dario Cioni, 4ème du Giro 2004 à la Fassa Bartolo, et exclu de l'équipe d'Italie cette même année pour un hématocrite supérieur à 50%.

L'âme de l'équipe aurait donc changé et ses résultats s'étiolent. Il est déjà loin le temps où l'équipe dominait les grands Tours. Elle n'a plus gagné depuis 2021.


Histoire de l'équipe

L'histoire de l'équipe Sky-Ineos n'est pas exemplaire, loin de là. Ou alors, disons qu'elle est exemplaire de l'hypocrisie qui règne dans le milieu cycliste.

L’invraisemblable affaire Freeman et le « jiffy bag » de Bradley Wiggins

Le docteur Richard Freeman a été simultanément employé par la fédération britannique de cyclisme et par Sky entre 2010 et 2015. Il est radié de l'ordre des médecins en mars 2021 après avoir été reconnu coupable par un tribunal professionnel d'avoir commandé de la testostérone (Testogel) en 2011 à des fins de dopage. Au cours de cet interminable procès, il a toujours prétendu que la testostérone achetée était destinée à traiter les problèmes d'érection de Shane Sutton, ancien directeur de la performance de l'équipe Sky. Ce dernier s'en est toujours défendu.

En 2018, Sir Dave Braislsford tentait de rassurer les observateurs : « Nous sommes 100 % propres, expliquait-il ». On se demande encore ce que signifierait « 99% propres ».

Quoiqu'il en soit, Richard Freeman a perdu en appel. Il est désormais définitivement radié du registre médical de Grande-Bretagne. Sur le plan sportif, l'UKAD l'a suspendu pour quatre ans en août 2023.

Cette affaire rocambolesque n'a jamais eu d'impact sur l'équipe de Sir David Brailsford, lequel a été promus par Jim Ratcliffe, PDG du groupe Ineos, et s'occupe désormais de l'équipe de football Manchester United. Le fusible Freeman a parfaitement fonctionné.

Pour en savoir plus sur cette affaire, lire notre revue de presse.

Les bidouilles de Bradley Wiggins


Bradley Wiggins a toute sa place dans notre annuaire du dopage. Il est étrillé dans le rapport de 2018 du Parlement britannique consacré aux pratiques de l'équipe Sky et déclenché à la suite de l'affaire du Jiffy Bag que nous évoquons plus haut. « A partir des preuves reçues par la commission, nous pensons qu'un puissant corticoïde a été utilisé pour préparer Bradley Wiggins, et probablement d'autres coureurs, au Tour de France. Il ne s'agissait pas d'un besoin médical mais d'un souhait d'améliorer son rapport poids/puissance avant la course. La prescription de la triamcinolone, avant le Tour de 2012, a également permis à Bradley Wiggins de profiter de ses propriétés améliorant la performance durant la course ».


AUT du 26/06/2012 autorisant Bradley Wiggins à utiliser de la triamcinolone acetonide
Source : Fancy Bears - 09/2016

En janvier 2024, les journalistes Edmund Willison et Nick Harris révèlent dans un article publié sur le site Honest Sport que Bradley Wiggins a utilisé des cétones lors de sa victoire au Tour de France en 2012 puis lors des jeux olympiques de Londres. Honest Sport, en coopération avec Sporting Intelligence, a obtenu une copie d'une présentation PowerPoint écrite par le professeur Keiran Clarke, le créateur de DeltaG, nom de code de la substance, affirmant que Wiggins était un « adopteur précoce » des cétones et les a utilisées pour battre « des records du monde aux Jeux olympiques et au Tour de France ».

A l'approche des jeux de Londres, Wiggins faisait partie d'un groupe de 91 athlètes britanniques ayant reçu cette « intervention nutritionnelle nouvelle » dans le cadre d'un projet de recherche secret dirigé par UK Sport. La révélation de l'utilisation de ces cétones était apparemment si préoccupante que UK Sport avait mis en place une stratégie de communication pour présenter la Grande-Bretagne comme « en avance sur la courbe » par rapport à ses concurrents, en cas de fuite de cette information.

UK Sport avait dû obtenir une approbation spéciale de l'AMA et de l'UKAD (Agence antidopage du Royaume-Uni) avant de fournir cette substance aux athlètes britanniques. Bien que les cétones n'aient jamais été interdites par l'AMA, leur utilisation par Team Sky (Ineos) sans divulgation antérieure souligne la controverse entourant cette pratique dans le sport. UCI et MPCC recommandent toujours aux coureurs et aux équipes de ne pas utiliser les cétones.

Bradley Wiggins, adopteur précoce des cétones
Source : honestsport.substack.com - 29/01/2024

Le Salbutamol de Chris Froome, « Puff, le dragon magique »


Chris Froome a été contrôlé positif au Salbutamol pendant le Tour d'Espagne 2017. Certes il a été blanchi, à l'issue d'une procédure qui a mobilisé des avocats payés à pris d'or. Nous avons tout de même choisi de comptabiliser cette affaire au passif de l'équipe Sky-Ineos.

Pour en savoir plus sur cette affaire, lire notre revue de presse. On peut aussi utilement lire le portrait que nous avons consacré à Chris Froome.

Les aveux de Josh Edmondson

En 2017, Josh Edmondson, avoue s'être injecté un cocktail de vitamines lorsqu'il courait pour Sky, et ce « deux à trois fois par semaine pendant un mois ». Certes, les vitamines sont légales, mais problème, l'UCI interdit d'utiliser des aiguilles comme matériel d'injection. C'est la « No needle policy ».

Edmondson a également admis l'utilisation de Tramadol à la même période. Le puissant opiacé n'était pas encore interdit par l'UCI.

Le passeport douteux de Sergio Henao


L'UCI a dû enquêter sur les valeurs anormales du passeport biologique du Colombien entre 2011 et 2015. L'équipe Sky mobilise experts et avocats pour convaincre l'UCI que tout était normal et dû aux effets de l'altitude sur son profil physiologique. Victoire, l'UCI est convaincue et blanchit le coureur. Pas nous.

Liste des affaires de l'équipe
Coureur Produit Course Date Sanction Contrôle
Froome Christopher Clive Salbutamol Tour d'Espagne 2017 Non Contrôle positif
Edmondson Joshua Thomas Vitamines en injection, Tramadol 2014 Non Aveux en 2017
Henao Montoya Sergio Luis Passeport biologique non conforme 2014 Non Passeport biologique
Wiggins Bradley Corticoïdes Tour de France 2012 Non Enquête disciplinaire
Freeman Richard Achat testostérone Critérium du Dauphiné 2011 Oui Enquête disciplinaire

Pour voir plus d'informations sur l'équipe dans l'annuaire du dopage, cliquez ici

Nous aurions pu comptabiliser dans ces affaires les AUT dont bénéficiaient Bradley Wiggins et Chris Froome. Ces AUT ont été révélées par les Fancy Bears.

Une enquête parlementaire britannique s'est emparée du sujet. Elle rend ses conclusions cinglantes et sans appel, en mars 2018 : « Nous pensons que ce puissant corticoïde a été utilisé pour préparer Bradley Wiggins, et peut-être aussi d'autres coureurs (de l'équipe) le soutenant, pour le Tour de France. L'objectif n'était pas celui d'un traitement médical, mais bien d'améliorer son rapport poids-puissance avant la course ». Miracle, l'équipe Sky a continué son petit bonhomme de chemin comme si de rien n'était.


Les coureurs épinglés

Aucun coureur actuellement dans l'équipe INEOS Grenadiers n’a été épinglé dans notre annuaire du dopage.


Les dirigeants épinglés

A l'origine, l'équipe Sky se voulait exemplaire. Aucun dirigeant ne devait avoir été mêlé à des affaires de dopage. Faute d'avoir pu mettre la réalité en adéquation avec le discours, il a fallu faire un peu de nettoyage à la fin de l'année 2012 : Michael Barry, Morris Possoni, Bobby Julich, Steven De Jongh et Sean Yates en font les frais. Curieusement, deux directeurs sportifs Dario Cioni et Servais Knaven, sont longtemps passés entre les mailles du filet. Le premier exerce encore dans l'équipe tandis que le second a dû quitter le navire à la fin de la saison 2022.

Un médecin qui vient de rejoindre la formation britannique retient aussi notre attention. Il s'agit du Dr Dirk Tenner qui exerçait chez Milram de 2007 à 2009, grande époque des déboires d'Alessandro Petacchi et Igor Astarloa. Il est ensuite passé par Cervelo Test Team, Dimension Data, UAE et Israel Premier Tech. Le parcours interroge mais nous en restons là et sa présence ne pénalise pas notre indice de confiance.

Pour l'anecdote, on relèvera aussi la présence du mécanicien Inaki Etxeberria qui exerçait ses talents en 1998 dans l'équipe Festina.

Dario Cioni est donc aujourd'hui le seul encadrant de l'équipe a avoir eu le déshonneur de figurer dans notre annuaire du dopage.

Dario Cioni


Dario Cioni est exclu de l'équipe italienne de cyclisme après que le contrôle sanguin diligenté par la fédération italienne lors des championnats du monde 2004 eût révélé un hématocrite supérieur à 50%. Membre de l'équipe Fassa Bortolo et en partance pour la Liquigas, il avait pris la quatrième place du Tour d'Italie.

Il termine sa carrière de coureur dans l'équipe Sky (2010-2011) avant de devenir directeur sportif en 2014. Depuis, il n'a pas quitté la formation britannique.


Les coureurs flashés

Les radars placés sur les étapes clés des grands Tours consistent à mesurer les performances des meilleurs coureurs sur les ascensions qui seront parcourues à quasi-100% de leur capacité. La moyenne de ces performances peut ensuite être calculée. Seules sont prises en compte les dernières ascensions d'étape dont la durée est supérieure à 20 minutes. Les performances des forçats de la route sont classées en quatre catégories. Il y a les « mutants », capable de développer plus de 450 watts étalons en moyenne, les « miraculeux » qui oscillent entre 430 et 449 watts et les « suspects » qui naviguent entre 410 et 429 watts.

Pour en savoir plus sur le calcul des Watts élaborée par Frédéric Portoleau et sur la méthode des radars proposée par Antoine Vayer, visitez les pages suivantes :

Ils sont deux coureurs à avoir dépassé les 410 Watts-Etalon de moyenne sur les radars positionnés sur les routes des trois Grands Tours par Antoine Vayer et Frédéric Portoleau. Il s'agit du vieux briscard Geraint Thomas et de Carlos Rodriguez.

Carlos Rodriguez [424 WE - seuil suspect]


L'Espagnol Carlos Rodríguez Cano a commencé à s'illustrer en 2018 dans l'équipe de développement Kometa, créée par son idole Alberto Contador. Il devient notamment champion d'Espagne du contre-la-montre juniors 2019.

Il passe pro à seulement 19 ans chez Ineos Grenadiers en 2020.

Il dépasse le seuil « suspect » de 410 WE lors du Tour d'Espagne 2022 qu'il termine à la 7ème place. Il établit un solide 416 WE de moyenne.

Plus solide encore, il réussit 424 WE de moyenne sur le Tour de France 2023, se hissant à la 5ème place du classement général final et s'imposant dans l'étape de Morzine.

Il fait partie de cette jeune génération qui explose les watts sans vergogne.

Geraint Thomas [423 WE - seuil suspect]


Geraint Thomas fait flasher les radars à l'occasion de son Tour de France victorieux en 2018. Il réussit une moyenne de 417 WE. En deux jours, il remporte deux étapes de montagne : Albertville – La Rosière - Espace San Bernardo et Bourg-Saint-Maurice - Les Arcs – L'Alpe d'Huez. L'ancien pistard est devenu grimpeur, comme Bradley Wiggins avant lui.

Après plusieurs années où son niveau avait clairement baissé, il retrouve du poil de la bête depuis quelques temps : il réussit 412 WE de moyenne sur le Tour de France 2022 et même 423 WE, son record absolu, au Tour d'Italie 2023 qu'il termine sur la deuxième marche du podium.

Le profil de puissance de Geraint Thomas - Tours de France 2018 et 2022
Source : Frédéric Portoleau - 2023


Les dirigeants flashés

Les radars placés sur les étapes clés des grands Tours consistent à mesurer les performances des meilleurs coureurs sur les ascensions qui seront parcourues à quasi-100% de leur capacité. La moyenne de ces performances peut ensuite être calculée. Seules sont prises en compte les dernières ascensions d'étape dont la durée est supérieure à 20 minutes. Les performances des forçats de la route sont classées en quatre catégories. Il y a les « mutants », capable de développer plus de 450 watts étalons en moyenne, les « miraculeux » qui oscillent entre 430 et 449 watts et les « suspects » qui naviguent entre 410 et 429 watts.

Pour en savoir plus sur le calcul des Watts élaborée par Frédéric Portoleau et sur la méthode des radars proposée par Antoine Vayer, visitez les pages suivantes :

Aucun membre de l'encadrement actuellement dans l'équipe INEOS Grenadiers n’a allumé les radars de Frédéric Portoleau et Antoine Vayer.


Attitude vis-à-vis du MPCC

Le MPCC (Mouvement pour un cyclisme crédible) est une association créée en 2007 par des équipes cyclistes professionnelles dont le but est de défendre l'idée d'un cyclisme propre, en imposant le strict respect du code éthique de l’UCI et pouvant aller jusqu’à imposer des règles plus strictes que ne l’impose le Code Mondial Antidopage édicté par l’AMA. En plus des équipes, le MPCC offre la possibilité aux coureurs et membres de l’encadrement des équipes d’adhérer à titre individuel.

En 2010, le Team Sky avait une colonne vertébrale bien dessinée. Sur le maillot, la ligne dorsale bleue représentait la frontière entre la défaite et la victoire, entre ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. Manifestement, les INEOS se placent du côté de la frontière où le MPCC n'est pas. En 2024, seuls deux coureurs et trois encadrants adhèrent à titre individuel au MPCC.


Liste des coureurs adhérents du MPCC
Liste des membres de l'encadrement adhérents du MPCC


ICCD : notre indice de confiance

Pour la saison 2024, l'équipe obtient la note de 13,1/20. Ceci la place en 14ème position sur 27.

Note ICCD 2024 INEOS Grenadiers

A sa naissance, l'équipe Sky-Ineos se voulait exemplaire. Elle ne l'a jamais été même si sa note s'améliore d'année en année. Au détriment des performances semble-t-il. Les Sky-Ineos sont rentrés dans le rang.

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