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ICCD : Indice de Confiance Cyclisme-Dopage.comINEOS Grenadiers - Saison 2022 |
En guise d’introduction, nous vous proposons de (re)lire l’article écrit par @lllludo en juillet 2021.
Vous vous souvenez du premier maillot du team SKY ? Celui de 2010 avec une ligne dorsale bleue censée représenter la frontière entre la défaite et la victoire, entre ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas ? Eh bien cette fine ligne bleue s’est transformée en une grosse baleine sur le dos de Froome et de Thomas à l’été 2018 pour disparaitre l’année suivante à l’arrivée d’INEOS.
Il faut dire que cette frontière du possible semblait très poreuse et mouvante au cours des premières années du Team Sky surtout quand on se souvient du dopage de Tiernan-Locke et d’Edmondson, du contrôle positif de Froome sur la Vuelta 2017, du passeport sanguin frelaté d’Henao, autant d’affaires étouffées. Les hackers russes de Fancy-bears avaient aussi permis que les autorisations frauduleuses de corticos à usages thérapeutiques de Froome et Wiggins ne restent pas enterrées au fond des classeurs de l’UCI de Brian Cookson.
Cette ligne semblait même carrément imaginaire au vu du pédigrée du Dr Leinders, l’ex-médecin du cabri Danois Michael Rasmussen, ou des stocks de testostérone du Dr Freeman, prétendument destinés à soigner les défaillances sexuelles du staff.
Et, lors du Tour 2013, en visionnant l’ascension record du Ventoux par un Froome, au rythme cardiaque plafonnant à 160bpm sous les à-coups de ses accélérations, on pouvait aussi considérer cette ligne bleue comme une allégorie de la frontière entre vélo et motocyclisme.
Habilement, au fil des ans, tous les suspects ou coupables mentionnés ci-dessus ont été évacués, un par un, plus ou moins rapidement. Exit Tiernan-Locke, Edmondson, Henao, Wiggins, Leinders, Freeman et enfin Froome. Exit aussi quelques autres suspectés d’avoir goûté au dopage dans leur vie d’avant comme Barry, Possoni, Julich, De Jongh ou Sean Yates. Probablement rien à voir mais Gary Blem, le mécanicien attitré de Froome n’est plus présent dans l’effectif actuel. Tel un mécano chef en F1, il a suivi son pilote dans sa nouvelle écurie.
Et puis en 2019, INEOS est arrivé avec un nouveau maillot, une nouvelle identité visuelle débarrassée du bullshitting linéaire. L’équipe cycliste est désormais une caution bien-être du groupe qu’on affiche dans les pubs TV juste après les gels hydroalcooliques pharmaceutique qui ont contribué à sauver la planète face à la pandémie.
Mais l’âme de cette équipe a-t-elle vraiment changée ?
Si on regarde la liste des coureurs et la composition du staff d’un distrait ou candide la réponse peut être positive.
Certes Bernal, Carapaz, Geogeghan Hart, Yates (Adam, le jumeau de l’asthmatique) ont produit des performances extraordinaires, incroyables mais ils incarnent une forme de renouveau, la dernière génération de gars cleans qui battent des records d’ascension de cols datant de l’époque Armstrong. Des records douteux. Ces records que Porte et Thomas déjà présents il y a 10 ans, ont martyrisé pendant des années alors qu’ils escortaient le plus grand grimpeur Kenyan de tous les temps dans les cols du Tour et qu’ils continuent de taquiner cette année comme pour assurer le lien avec les années SKY.
Même topo du côté du staff où quelques nouvelles têtes ont débarqué cette année comme Matteo Tosatto, un des hommes de base Bjarne Riis. D’autres visages moins nouveaux sont également apparus : Christian Knees, le Tony Martin du pauvre membre de la garde noire depuis 2010, a rejoint 5 autres ex-coureurs de la SKY au poste de directeur sportif.
Parmi ces cinq ex, deux d’entre eux ont quand même connu des démêlées avec l’anti-dopage. Il s’agit de Dario Cioni, 4e du Giro 2004 à la Fassa Bartolo, et exclu de l’équipe d’Italie cette même année pour un taux d’hématocrite supérieur à 50% et Servais Knaven, ancien lauréat de Paris-Roubaix 2001, intercepté par les gendarmes avec toute la pharmacie de son équipe TVM pendant le Tour de France 1998. Je trouve étonnant qu’ils aient survécu à l’épuration interne orchestrée par Brailsford et tant mieux pour eux car Dario et Servais sont désormais adjoints au Directeur Sportif en Chef, Oliver Cookson, fils de Brian.
Parmi les autres cadres respectables restés en place on retrouve des figures emblématiques le génie de la préparation physique Rod Ellingworth, de retour au bercail après un passage raté chez Bahreïn où il aura échoué à ressusciter Mark Cavendish, le grand coach de natation, Tim Kerrison ou encore le pionnier de la préparation mentale, le Dr Steve Peters, chef du secteur médical depuis la création de l’équipe et coupable d’avoir validé les recrutements de Leinders et Freeman.
Que des gens sérieux, bien sûr au-dessus de tout soupçon pour le journaliste lambda, qui entérinent l’amélioration de l’image de marque du Team Ineos.
En 2021 le staff d’INEOS compte même un membre du MPCC « à titre individuel ». Ne nous emballons pas il ne s’agit pas d’un médecin mais d’un statisticien dont nous tairons le nom pour ne pas lui attirer des ennuis au cas où ...
Même si une hirondelle ne fait pas le printemps on pourrait se réjouir d’un signe aussi positif.
Eh bien non impossible de se réjouir. Impossible car le boss, la tête pensante, la cheville ouvrière demeure indéboulonnable et inamovible. David Brailsford est le General Manager de l’ensemble depuis les débuts en 2010 et même avant puis qu’il a repris le flambeau de DTN Britannique en 2002. C’est ce bon Dave qui a créé cette machine de guerre qu’il imaginait plus proche de l’US Postal que de Linda Mc Cartney, la dernière grande équipe pro britannique. Pour cela il a engagé tous ces gens, qu’il a dû virer pour des problèmes d’éthique au fil des ans, qui ont contribué à tous ces succès souvent issus de performances délirantes, lesquelles ont continué à rythmer l’année 2021, que ce soit au Giro, en Catalogne au Dauphiné ou en Suisse Romande ou non.
Son anoblissement par la Reine lui conféra probablement un joker, lui qui fut convoqué en 2018 devant une commission parlementaire pour sa gestion calamiteuse ou malhonnête du secteur médical du team Sky. Brailsford survit à tout car il est en téflon.
Seulement la seule présence de Brailsford, son arrogance, son éthique douteuse, ou devrait-on dire son absence d’éthique, son passé trouble, ses stratégies d’attrition, font du team Ineos Grenadiers l’équipe qu’on aime haïr. À tel point que sur les réseaux sociaux cette équipe est surnommée « l’Empire » en référence à Star Wars. Sacrée référence mais les troupes de l’Empire, le vrai, enfin celui du cinéma, sont également vêtues de noir. Les officiers de l’Etoile Noire, pas le bus de l’équipe mais le vaisseau spatial, s’exprimant aussi avec un accent british l’analogie est totale.
Alors Brailsford, pour vous, c’est plutôt Vador ou Palpatine ? Je vous laisse y réfléchir en revisionnant Carapaz en train de poser une mine pour contrer Pogacar dans le Col du Portet au son de la Marche Impériale de John Williams.
Finalement cet après-midi Carapaz s’est fait griller la politesse par Pogacar et Vingegaard. Mais après 10 ans de ce régime autoritaire, force est de constater que les leaders de la rébellion, des Slovènes qui préparent le Tour cachés dans leurs montagnes et un de leur gregario, un jeune danois pâlichon, portent également des uniformes à dominante noire.
L’histoire de l’équipe Sky n’est pas exemplaire, loin de là. O alors, disons qu’elle est exemplaire de l’hypocrisie qui règne dans le milieu cycliste.
L’invraisemblable affaire Freeman
Le docteur Freeman a été simultanément employé par l'équipe britannique et Sky entre 2010 et 2015. Le Dr Richard Freeman est radié de l'ordre des médecins en mars 2021 après avoir été reconnu coupable par un tribunal professionnel d'avoir commandé de la testostérone (Testogel) en 2011 à des fins de dopage. Au cours de cet interminable procès, il a toujours prétendu que la testostérone achetée était destinée à traiter les problèmes d'érection de Shane Sutton, ancien directeur de la performance de l’équipe Sky. Ce dernier s’en est toujours défendu.
BREAKING: Ex chief Team Sky & British Cycling doctor Richard Freeman found GUILTY of ordering banned testosterone in 2011 “knowing of believing it was to be administered to an athlete to improve their athletic performance.”
— Dan Roan (@danroan) March 12, 2021
A verdict that will send shockwaves through GB sport pic.twitter.com/ocBgIHxm1q
Richard Freeman a fait appel de la décision.
Cette invraisemblable affaire n’a pas eu d’impact sur l’équipe de Sir David Brailsford. Le fusible Freeman semble avoir parfaitement fonctionné.
L’affaire avait démarré par la rocambolesque livraison par le médecin de la fédération britannique Simon Cope d’un colis destiné à Bradley Wiggins pendant le Dauphiné 2011. Officiellement, le colis contient du Fluimicil.
Pour en savoir plus sur cette affaire, lire notre revue de presse.
Le Salbutamol de Chris Froome
Chris Froome a été contrôlé positif au Salbutamol pendant le Tour d’Espagne 2017. Certes, à l’issue d’une procédure qui a mobilisé des avocats payés à pris d’or, il a été blanchi. Nous avons tout de même choisi de comptabiliser cette affaires au passif de l’équipe Sky-Ineos.
Pour en savoir plus sur cette affaire, lire notre revue de presse. On peut aussi utilement lire le portrait que nous avons consacré à Chris Froome.
Les aveux de Josh Edmondson
Former Team Sky rider Josh Edmondson admits to violating no-needle rules in 2014 https://t.co/Wqu35zDFRk pic.twitter.com/vEoWuoQcsO
— Cyclingnews (@Cyclingnewsfeed) March 16, 2017
En 2017, Josh Edmondson, avoue s'être injecté un cocktail de vitamines lorsqu'il courait pour Sky, et ce « deux à trois fois par semaine pendant un mois ». Certes, les vitamines sont légales, mais, problème, l'UCI d'utiliser des aiguilles comme matériel d'injection. C’est la « No needle policy ».
Edmondson a également admis l’utilisation de Tramadol à la même période. Le puissant opiacé n’était pas encore interdit par l’UCI.
Sergio Henao
L’UCI a dû enquêter sur sur les valeurs anormales du passeport biologique du Colombien entre 2011 et 2015. L’équipe Sky mobilise experts et avocats pour convaincre l’UCI que tout était normal et dû aux effets de l'altitude sur son profil physiologique. L’UCI a été convaincue et a blanchi le coureur. Pas nous.
Coureur | Produit | Course | Date | Sanction | Contrôle |
Froome Christopher Clive | Salbutamol | Tour d'Espagne | 2017 | Non | Contrôle positif |
Edmondson Joshua Thomas | Vitamines en injection, Tramadol | 2014 | Non | Aveux en 2017 | |
Henao Montoya Sergio Luis | Passeport biologique non conforme | 2014 | Non | Passeport biologique | |
Freeman Richard | Achat testostérone | 2011 | Oui | Enquête disciplinaire |
Pour voir plus d'informations sur l'équipe dans l'annuaire du dopage, cliquez ici
Nous aurions pu comptabiliser dans ces affaires les AUT dont bénéficiaient Bradley Wiggins et Chris Froome. Ces AUT ont été révélées par les Fancy Bears.
Une enquête parlementaire britannique s’est emparée du sujet. Elle rend ses conclusions, cinglantes et sans appel, en mars 2018 : « Nous pensons que ce puissant corticoïde a été utilisé pour préparer Bradley Wiggins, et peut-être aussi d'autres coureurs (de l'équipe) le soutenant, pour le Tour de France. L'objectif n'était pas celui d'un traitement médical, mais bien d'améliorer son rapport poids-puissance avant la course ». Miracle, l’équipe Sky a continuer son petit bonhomme de chemin.
Aucun coureur actuellement dans l'équipe INEOS Grenadiers n’a été épinglé dans notre annuaire du dopage.
A l’origine, l’équipe Sky se voulait exemplaire. Aucun dirigeant ne devait avoir été mêlé à des affaires de dopage. Faute d’avoir pu mettre la réalité en adéquation avec le discours, il a fallu faire un peu de nettoyage à la fin de l’année 2012 : Michael Barry, Morris Possoni, Bobby Julich, Steven De Jongh et Sean Yates en font les frais. Curieusement, deux directeurs sportifs sont passés entre les mailles du filet.
Dario Cioni est exclu de l'équipe italienne de cyclisme après que le contrôle sanguin diligenté par la fédération italienne lors des championnats du monde 2004 eût révélé un hématocrite supérieur à 50%. Membre de l'équipe Fassa Bortolo et en partance pour la Liquigas, il avait pris la quatrième place du Tour d'Italie.
Il termine sa carrière de coureur dans l’équipe Sky (2010-2011) avant de devenir directeur sportif en 2014.
Servais Knaven, a débuté sa carrière en 1993 dans la sulfureuse formation néerlandaise, la TVM. Il reste jusqu’en 1999.
Il est intercepté par les gendarmes avec toute la pharmacie de son équipe TVM pendant le Tour de France 1998. L’enquête révèle que son taux d’EPO est extrêmement bas (0,7 mUl/ml), ce qui peut s’expliquer par une hémodilution et un arrêt de prise d’EPO exogène.
Interrogé par les enquêteurs, Servais Knaven, nie toute prise d’EPO.
Il semble qu’il ait réussi à convaincre les dirigeants de la Sky car il échappe à la purge organisée en octobre 2012.
Pour en savoir plus sur le calcul des Watts élaborée par Frédéric Portoleau et sur la méthode des radars proposée par Antoine Vayer, visitez les pages suivantes :
Trois coureurs ont dépassé les 410 Watts-Etalon de moyenne sur les radars positionnés sur les routes des trois Grands Tours par Antoine Vayer et Frédéric Portoleau : Richie Porte (Tour 2016, Tour 2020), Geraint Thomas (Tour 2018) et Adam Yates (Tour 2016). Ils sont dans la zone « suspecte ».
Richie Porte a allumé les radars une première fois pendant le Tour de France 2016 (418 WE) et une seconde en 2020, toujours pendant le Tour (417 WE). Cette année-là, il monte sur le podium du classement général.
Geraint Thomas fait flasher les radars à l’occasion de son Tour de France victorieux en 2018. Il réussit une moyenne de 417 WE. En deux jours, il remporte deux étapes de montagne : Albertville – La Rosière - Espace San Bernardo et Bourg-Saint-Maurice - Les Arcs – L'Alpe d'Huez. L’ancien pistard est devenu grimpeur, comme Bradley Wiggins avant lui.
L’année suivante, toujours sur le Tour, il s’incline devant son coéquipier Egan Bernal. Il a nettement baissé de niveau comme le montre le profil de puissance ci-dessous.
C’est pendant le Tour de France 2016 qu’il termine au pied du podium qu’Adam Yates réussi à allumer les radars avec 416 WE.
Il frôle encore les 410 WE fatidiques au Tour de France 2020 (408 WE) et au Tour d’Espagne 2021 (419 WE) mais les flashes restent éteints.
Pour en savoir plus sur le calcul des Watts élaborée par Frédéric Portoleau et sur la méthode des radars proposée par Antoine Vayer, visitez les pages suivantes :
Aucun membre de l'encadrement actuellement dans l'équipe INEOS Grenadiers n’a allumé les radars de Frédéric Portoleau et Antoine Vayer
.Le MPCC (Mouvement pour un cyclisme crédible) est une association créée en 2007 par des équipes cyclistes professionnelles dont le but est de défendre l'idée d'un cyclisme propre, en imposant le strict respect du code éthique de l’UCI et pouvant aller jusqu’à imposer des règles plus strictes que ne l’impose le Code Mondial Antidopage édicté par l’AMA. En plus des équipes, le MPCC offre la possibilité aux coureurs et membres de l’encadrement des équipes d’adhérer à titre individuel.
En 2010, le Team Sky avait une colonne vertébrale bien dessinée. Sur le maillot, la ligne dorsale bleue représentait la frontière entre la défaite et la victoire, entre ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. Manifestement, les INEOS se placent du côté de la frontière où le MPCC n’est pas. L’équipe n’adhère pas et seul le médecin-ostéopathe franco-néerlandais Stéphan Jacolino adhère à titre individuel.
Pour l’anecdote, on remarquera que le statisticien Kevyn Yven qui était en 2021 le seul adhérent d’INEO au MPCC ne figure plus sur la liste des adhérents au 28/05/2022. Stéphan Jacolino restera-t-il longtemps au MPCC ? Les paris sont lancés.
Pour la saison 2022, nous attribuons à l'équipe la note de 11,3/20. Ceci la place en 22ème position sur 28.
A sa naissance, l’équipe Sky-Ineos se voulait exemplaire. Force est de constater qu’elle ne l’est pas. C’est même une des pires équipes de notre classement.
Pour consulter l'article ICCD de l'équipe INEOS GRENADIERS en 2021, cliquez ici.