Brève

Chris Froome : quel VO2max pour un quadruple vainqueur du Tour ?


24/01/2023 - cyclisme-dopage.com - Marc Kluszczynski

Les performances de Chris Froome suscitent l’incrédulité depuis bien longtemps. Certaines de ses ascensions lors de Tours de France avaient même déclenché une polémique. L’anglais de la Sky s’est-il dopé comme Bradley Wiggins dès 2012, pour développer en 2013, 446 watts lors de la montée d’Ax trois Domaines ou lors de la 10ème étape de la Pierre St Martin en 2015, quand une accélération à la 28ème minute à près de 1000 watts n’avait pas élevé son rythme cardiaque ?

En 2015, avant la Vuelta (22 août au 15 septembre), Froome avait décidé de rendre publics les résultats de tests physiologiques pratiqués au GSK Human Performance Lab par le Pr Jeroen Swart. Les résultats avaient été communiqués à la presse le 4 décembre. Son VO2 max était de 84,6 ml/min/kg pour 1,86 m et 69,9 kg, après le TdF, et un taux de masse grasse de 9,6%. Ce chiffre grimpait à 88,2 pour un poids de 67-67,5 kg avant le Tour (taux de masse grasse de 4,1 à 5,5%). On apprenait aussi que Froome pouvait maintenir un rythme cardiaque de 138 en développant 425 watts avec des lactates à 4,37 mmol/L, ce qui est remarquable dans un col de fin d’étape. En 2007, à 22 ans et 75 kg, son VO2 max était de 80,2 (1) mais avec 16,9% de masse grasse. La perte de 8 kg lui aurait fait gagner 35 watts dans les ascensions, ce que certains spécialistes jugeaient impossible. D’autres jugeaient au contraire crédibles ces résultats avec ses données estimées en compétition (6,2 W/kg et plus pendant au moins 20 minutes).

Froome gagnera le Tour en 2016 et 2017, après ses victoires de 2013 et 2015. Il chutera lourdement lors de la reconnaissance du contre-la-montre du Dauphiné 2019. On le retrouvera en 2021, 47ème au Dauphiné, 133ème au Tour avec l’équipe Israël Start Up Nation. En 2022, positif au COVID-19 alors qu’il était 26ème avec Israël Premier Tech, il abandonne la Grande Boucle. Il assure avoir toujours en tête de gagner un cinquième Tour de France. Mais avec quel VO2 max ?

Une vidéo récente (fin octobre 2022) le montre effectuer un test de VO2 max au Sagol Center for Hyperbaric Medicine and Israël. Il n’a alors plus roulé depuis septembre et la Vuelta qu’il a terminée 114ème. Ici encore, Froome se veut transparent. Il annonce un poids de 72,1 kg et un VO2 max de 70 ! Son poids de forme est maintenant de 70 kg, ce qui donne un VO2 max de 72 à 75. Impossible de gagner le Tour avec une si faible valeur (2). Pour repasser à 89, il devrait se situer à 67 kg (pourquoi n’y arrive-t-il plus ?) et pouvoir capter, transporter et diffuser près de 6 L d’oxygène par minute au lieu de 5 actuellement. Là encore, pourquoi n’y arrive-t-il plus ? Le Froome d’aujourd’hui n’est plus celui d’il y a 7 ans.

On peut donc supposer que les valeurs de la période Sky étaient survitaminées, surtout en ce qui concerne le transport de l’oxygène. A 37 ans, la diminution de la VO2 max n’est pas si importante, et on ne perd pas les capacités de diffusion qui se chiffrent à près d’un litre. Il est aussi peu probable que son accident de 2019 ait laissé des séquelles à ce niveau. En 2019, pour 70 kg, il avait 84 de VO2 ; aujourd’hui, pour le même poids, il a 10 de moins ! Une seule explication nous vient à l’esprit : le Froome de 2022 ne se dope plus. Devant l’étonnement général, l’anglais se justifiera le 7 décembre en déclarant que la baisse de ses valeurs était due au COVID-19 ! Pour justifier son VO2 max bas, l’anglais déclare qu’il n’a pas été capable de récupérer du COVID alors même qu’il n'avait déjà pas été capable de revenir après son accident du Dauphiné 2019. Quelle excuse cherche-t-il ?

(1) Michel Thèze, entraîneur au centre mondial du cyclisme à Aigle, estimait en 2007 que Froome avait un des plus gros VO2 max jamais vu. Or, 80,2 reste un chiffre banal pour un sportif de haut niveau. Laurent Biondi, champion de France en 1982, coureur dont le classement sur les grands Tours oscillait entre la 30ème et la 100ème place avait un VO2 max de 82. Que dire alors des chiffres d’Oskar Svendsen (97,5), Greg LeMond (92,5), Bjorn Daehlie (96), ou Egan Bernal (88,8 à 91) ? Pour Svendsen, Champion du Monde junior du contre-la-montre en 2012, un tel chiffre fut trop difficile à porter. Les attentes qu’on plaçait en lui étaient trop élevées. Il préféra arrêter le sport et reprendre ses études de médecine.

(2) En 2019, alors qu’il est encore sur un lit d’hôpital, il apprendra qu’il est vainqueur de la Vuelta 2011 suite à la disqualification pour dopage (anomalies du passeport biologique) du vainqueur Juan José Cobo. Ce sera sûrement sa dernière victoire dans un grand Tour.


Marc Kluszczynski est pharmacien
Il est titulaire du diplôme universitaire de dopage de l'université de Montpellier (2006)
Il est responsable de la rubrique "Front du dopage" du magazine Sport & Vie et collabore à cyclisme-dopage.com


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Cette page a été mise en ligne le 24/01/2023