Actualité du dopage

Ça triche encore. Ça va Bardet ?

16/07/2022 - cyclisme-dopage.com - Antoine Vayer

Je suis né le 18 novembre 1962, par grand froid, à La Ferté Macé. Mon père, instituteur comme ma mère, a emmené ma mère pour accoucher, en allant de Saint-Cyr-en-Pail dans la Mayenne à La Ferté Macé dans l’Orne par une petite route où il y avait des congères de neige. Depuis, la terre se réchauffe vite. Après avoir vécu 23 Tours de France en tant que spectateur passionné, où chaque année je rédigeais quotidiennement des résumés, le premier à l’âge de dix ans, j’en ai vécu trois en tant qu’acteur : j’ai entraîné l’équipe Festina de septembre 1995 à 1998. Après le scandale, j’ai commencé à le couvrir en tant que chroniqueur pour Le Monde à partir de 1999. J’ai couvert onze Tours de France pour ce journal, sept pour Libération et disons un et quart pour L’Humanité. Depuis, 2020, je le couvre de manière totalement libre avec mes amis. Nous avons fait des media écrits, indépendants, que je relaie sur mon compte Twitter @festinaboy. La presse en France ne joue plus son rôle de quatrième pouvoir. Elle est aseptisée et atone comme l’est le cyclisme professionnel. Elle a peur, elle mange dans la gamelle. Alors disons que cela fera en 2023, cinquante ans que je scrute en détail l’événement qu’est la Grande Boucle. Depuis vingt-trois ans, je fais du datajournalisme. J’investigue aussi quand je peux. Je lance certaines alertes. Je résiste. Les chiffres parlent. Je les interprète. Il n’y a pas de tricheurs, que des preuves de tricherie : les watts.

Plus Vite

Néanmoins, certains s’attachent à considérer la vitesse moyenne comme témoin. Ainsi Romain Bardet, 4ème du classement général s’offusque régulièrement, de manière discrète et quasi-subliminale. Lisez son commentaire après son ascension de l’Alpe d’Huez, notre quatrième radar du Tour 2022. Il sent bien que soit il régresse, soit certains progressent. Pour l’instant, il ne parle pas de dopage. Point trop n’en faut.

TDF #12 : chauuuud
Source : Strava - 14/07/2022

La vitesse moyenne record du Tour (bientôt 120 ans depuis sa création en 1903) appartient à Lance Armstrong en 2005 avec 41,654 km/h. Bon, il a été rebaptisé “Non attribué” et ses 7 victoires ont été effacées des tablettes. La vitesse moyenne de 2022 peut conforter Romain Bardet dans son analyse primaire. Pogastrong, s’il s’énerve et prend sa revanche sur Vingegaardaricco peut battre Armstrong, comme il l’a déjà fait pour une dizaine de records d’ascensions que nous appelons des radars et où nous calculons les temps d’ascensions. Nous avons été précurseurs dans ce domaine avant Strava.

Vitesses moyennes du Tour de France 2022 après la 13ème étape
Source : Frédéric Portoleau - 16/07/2022

Grâce à ces vitesses, nous calculons précisément la puissance individuelle associée et dégagée : les Watts. Nous les transformons en Watts Étalon (ceux qu’un athlète de 70 kilos fournirait) pour pouvoir précisément comparer les performances entre athlètes légers ou plus lourds. Les vitesses de ce Tour 2022 affolent les compteurs, même en montagne où Wout Van Aert, coéquipier de Vingegaardaricco grimpe aussi comme un cabri ! Qu’est-ce à dire Romain ?

Plus fort, moins haut

Plutôt que la vitesse moyenne, ce qui m’intéresse, ce sont donc les watts, la puissance, une donnée qui est le centre de toutes les attentions depuis que j’ai démocratisé leur usage avec quelques rares pionniers au début des années 1990 (lire ici), après avoir été décrié. On m’a craché dessus au début avec mes Watts en me traitant péjorativement de « Monsieur Watts ». J’utilise les Watts depuis 1992 pour entraîner les coureurs. Ils m’ont permis d’en apprendre beaucoup sur les effets du dopage, notamment pendant mes années Festina où, en quelque sorte, j’ai eu sous la main un laboratoire et des cobayes traités par les docteurs. La montagne est révélatrice de la tricherie et du dopage. La technique des Watts a fait ses preuves, là où la « lutte » antidopage ou contre la fraude technologique a échoué lamentablement et a montré son incompétence crasse, quand elle ne sert pas de moyen de couverture, d’alibi aux tricheurs qui s’enorgueillissent de leurs tests « tous négatifs ».

Où en sommes-nous après quatre radars sur sept, placés en fin d’étapes de montagne et dépassant vingt minutes, quand la fatigue est censée se faire ressentir, après souvent cinq heures d’effort et quelques cols escaladés auparavant ? J’ai déterminé quelques seuils. Celui dit « humain » (code couleur vert) pour la moyenne totale des radars à la fin d’un grand tour : sous 410 Watts. Il ne signifie pas que les coureurs, notamment les équipiers qui ont aidé leurs leaders, ne se dopent pas. Mais disons qu’humainement, c’est réalisable. On ne les traite pas de suspect comme ceux qui sont entre 410 et 430 Watts Etalon (WE), le seuil suivant dit « suspect » justement (code couleur jaune). C’est à ce niveau que se placent pour l’instant Vingegaardaricco ( 423 WE) et Pogastrong (415 WE) ainsi que cinq autres coureurs. Romain Bardet, à essayer de suivre les gros bras et à y parvenir, montre qu’il est dans une forme incroyable, comme jamais. Je dois le rassurer : il reste trois radars de 25 minutes environ et un plus long Hautacam de plus de 35 minutes. Le bilan définitif sera tiré à leur issue.

Les seuil « miraculeux », entre 430 et 450 Watts Étalon (code couleur orange), celui « Mutant » à plus de 450 WE (code couleur rouge) ne sont plus que rarement dépassés. Le presque 100% des coureurs qui se dopaient aux produits lourds à fait place à des pourcentages bien moindres qui se dopent avec des micro-doses. Mais il suffit de quelques-uns pour fausser la course. C’est même d’autant plus facile de dominer les autres, pour dépouiller les vertueux.

Les radars du Tour de France 2022 - Bilan après l'Alpe d'Huez
Source : Frédéric Portoleau - 16/07/2022

Avec la fatigue, censée être un des piliers du sport cycliste, après les exploits accomplis dans cette première grosse moitié de Tour, certains devraient retrouver la zone verte au bilan final. Ils seront derrière Vigegaardricco (1m75, 60 kilos) encore plus maigre qu’un haricot. Du moins plus maigre que Romain (1m84, 65 kilos).

Enfin, je l’espère.

Sinon, « ça va Bardet ! ».

Il me fait peur le poster du monsieur squelette...
Source : Espé - 16/07/2022

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Cette page a été mise en ligne le 16/07/2022