Actualité du dopage

Cofidis, le suicide de Sassone et les spectres du vélo


22/01/2016 - liberation.fr - Pierre Carrey et Mathieu Grégoire

EDITO

L’équipe cycliste Cofidis a fêté, vendredi soir à Roubaix (Nord), ses 20 ans. A l’heure des célébrations, elle a aussi compté ses morts, témoins de sa grandeur sportive et de sa décadence. Frank Vandenbroucke, terrassé par une attaque cardiaque en octobre 2009, à 34 ans, dans une chambre d’hôtel de Saly Portudal (Sénégal). Philippe Gaumont, même destin en mai 2013, à 40 ans.

Robert Sassone, le dernier en date, a mis fin à ses jours mercredi dernier, à 37 ans, en Nouvelle-Calédonie où il était né. Selon le président du cyclisme calédonien, il était atteint d’un cancer depuis plusieurs années. Champion du monde en 2001 sur l’épreuve de l’américaine (...), il était le moins connu de la bande, le plus ingénu aussi. Vandenbroucke, Gaumont, Sassone ont été convaincus de dopage durant leur carrière respective. Les deux derniers ont été cités dans l’affaire Cofidis qui a éclaté en 2004. Une réplique de l’affaire Festina de 1998, sans aucune morale à la fin.

A l’audience, en 2006, le procureur a contemplé des vies cassées, puis il a dit : «La montagne accouche d’une souris.» Au procès, les dirigeants de l’équipe ne sont pas inquiétés, mais sept coureurs écopent. Dont Sassone : six mois avec sursis. Viré de Cofidis fin 2003 pour «manque de résultat», il s’était retrouvé en garde à vue un mois plus tard. Il est un des premiers à avoir parlé. Il a surtout balancé l’ambiance d’une époque, à mi-chemin entre les Chariots de feu et Las Vegas Parano. L’EPO pour la course, le pot belge (...) pour les réjouissances d’après-course. Les coureurs alcoolisés qui se shootent au «Nonox», le Stilnox, un puissant somnifère, avant d’aller courir les filles. Ces gars-là ignorent la peur, ils jonglent avec les seringues, ils enjambent les balcons la nuit et toisent l’apesanteur. Et Cofidis gagne, gagne, gagne Elle n’a plus jamais retrouvé ce niveau.

Certains thuriféraires, et même quelques rescapés, évoquent parfois un «âge d’or» révolu, loin du cyclisme aseptisé d’aujourd’hui : on se marrait bien dans les villages départ et au bistrot le soir, et le Nordiste Gaumont pouvait même rêver de remporter Paris-Roubaix le lendemain. Pour les rescapés (citons Médéric Clain, David Millar, Massimiliano Lelli, Marek Rutkiewicz ou l’homme lige de Vandenbroucke, Nico Mattan), chaque mort constitue une tragédie, mais cette série de copains fauchés n’est qu’une coïncidence, le revers banal de leurs temps heureux. Sassone avait surtout la carrure d’une victime. Influencé par d’autres, couvert dans ses pratiques par d’autres encore. En Nouvelle-Calédonie, les gens racontent que la métropole l’a perverti. Ses camarades de la piste affirment qu’il a succombé au dopage à cause de la route. Carrière brisée, il s’est fendu d’une lettre ouverte en 2004: «Je suis jeune et [] je me suis retrouvé dans un milieu dur et sans pitié. On ne m’a fait aucun cadeau et on m’a utilisé. Dans le peloton, je n’étais rien et on me l’a bien fait sentir.»


Lire l'article en entier



Sur le même sujet


Cette page a été mise en ligne le 21/01/2019