Brève

Romain Bardet : "Ma conception du métier nétait plus en phase avec celle du milieu"


12/11/2024 - eurosport.fr - Christophe Gaudot

Il ne reste qu'une préparation et une demi-saison à Romain Bardet avant la fin de sa carrière professionnelle sur route. Tout juste revenu du Japon où il est monté sur le vélo pour la dernière fois en 2024, l'Auvergnat de 34 ans s'est retourné sur un été particulier entre annonce de retraite et maillot jaune sur le Tour de France, sa conception du métier et les dérives du cyclisme.

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2018, est-ce l'année où le rêve de remporter le Tour est devenu inaccessible ?

Romain Bardet : Oui et non. J'ai un jour sans en 2018 mais je fais un Tour quand même assez solide. Je n'étais pas loin de gagner à l'Alpe d'Huez. (...) C'est une des ascensions où je me suis senti le plus fort sur le Tour de France. 2018 a un peu été vécu comme une déception en interne chez AG2R. En 2019, j'ai mis les bouchées doubles sur la préparation et ça n'a pas payé. A partir de là, quand tu passes deux saisons sur le Tour de France à être en dessous, c'est difficile de s'en relever. 2020, ça partait bien mais c'était déjà l'avènement de la nouvelle génération.

C'est à ce moment-là que les allures sont devenues folles

R.B. : Bien sûr, c'est bien documenté. C'est difficile de trouver le ton juste pour en parler entre la vieille gloire qui se cherche des excuses pour ne plus occuper le devant de la scène et être conscient d'un phénomène d'accélération globale du cyclisme. En 2020, il y a l'étape qui arrive à Laruns et qui passe par le Col de Marie-Blanque. C'est le premier jour où je me suis senti dépassé en montagne. Je ne dis pas que je n'ai jamais été lâché avant, ça m'est souvent arrivé, mais là j'avais une bonne journée et j'ai vraiment senti qu'il y avait une vraie différence par rapport aux tous meilleurs. J'ai le flash de quand ils ont démarré, ça allait vraiment vite. J'ai connu les accélérations de Froome mais c'était quand même moins impressionnant.

Cette année 2020 marquait l'avènement de Tadej Pogacar. Comment jugez-vous sa saison 2024 ?

R.B. : Je ne sais pas quoi répondre. J'en fais abstraction. Honnêtement, ce n'est pas la même catégorie de poids. Je suis étonné mais, à la fois, il a mis bout à bout l'immense potentiel qu'on voyait en lui. Apparemment, il ne savait pas s'entraîner. Maintenant, il sait. Il met bout à bout un potentiel qu'on a vu ces dernières années sur ses deux premiers Tour de France qu'il gagne sur la classe. Il est tellement supérieur. C'est difficile à expliquer. Je ne passe pas beaucoup de temps à chercher des explications. Même en étant contemporain et dans le milieu, on a le sentiment de ne pas vraiment être un de ses adversaires.

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Récemment, on parle de l'utilisation du monoxyde de carbone dans le peloton. Comment avez-vous réagi ?

R.B. : Honnêtement, je l'ai appris par la presse. On voit les études. Tout est possible. Je n'ai jamais eu écho de quoi que ce soit mais à la fois, je ne serais pas surpris. Il y a tellement de recherches qui sont faites avec l'idée d'optimisation de la performance Il y a dix ans, on fondait plein de promesses autour de l'attitude. Tout le monde se mettait dedans, c'était un petit peu la panacée. On sait exactement où ça peut nous amener. Ce n'est pas étonnant qu'il y ait certains chercheurs, certaines équipes, acteurs du vélo qui recherchent ailleurs. Il y aura toujours la volonté de rechercher des avantages concurrentiels.

Comment vous positionnez-vous ?

R.B. : C'est l'intime conviction de chacun de placer le seuil de ce qui semble éthique, équitable dans la recherche absolue et désespérée du résultat final par rapport à ses valeurs. C'est comme les cétones, comme plein de choses, c'est sujet à l'interprétation. Et malheureusement, comme les règles ne sont pas clairement édictées, que cette interprétation est laissée à la discrétion de chacun et qu'on fait un sport ultra-concurrentiel où seule la victoire compte, il ne faut pas s'étonner des possibles déviances.

Le monoxyde de carbone peut expliquer la trajectoire de certains qu'on ne connaissait pas il y a un an, un an et demi, mais c'est aussi un procès un peu facile à leur faire sans s'intéresser à leur trajectoire. Ces procédés sont documentés et c'est maintenant aux instances de décider si on les interdit ou pas, de faire des contrôles. C'est totalement vain dans un monde aussi concurrentiel avec autant d'enjeux économiques de croire que c'est le bon vouloir et l'éthique irréprochable des coureurs et des équipes qui vont permettre une régulation saine du milieu. C'est totalement illusoire.

Il y aussi un phénomène plus large de surmédicalisation du peloton

R.B. : C'est pareil, c'est au niveau des cadres légaux d'avoir des chartes de déontologie strictes. Je n'ai jamais, par rapport aux personnes du milieu médical que j'ai pu côtoyer dans ma carrière et dans le sport, senti cette déviance. Culturellement, je trouve même que le cyclisme était dans une bien moins bonne situation au niveau de l'utilisation des médicaments quand je suis arrivé chez les professionnels que maintenant. Je crois qu'il faut intensifier encore la lutte et avoir des structures légales fortes que ce soit l'UCI, l'AMA qui prennent des positions et qui surtout soumettent les personnes qui encadrent et les coureurs à ce que finalement on veut faire du sport.


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Cette page a été mise en ligne le 17/11/2024