Actualité du dopage

Tour de France 2005 : les seringues de Gérardmer


06/2013 - Fin de cycle - Pierre Ballester

Éric Boyer, qui fut l'un des rares managers d'équipe - sinon le seul - de la décennie à s'engager ouvertement pour un cyclisme réformé, nous raconte un épisode symptomatique de la politique menée par les dirigeants. Plus que de pointer un homme, cordial et profondément humain mais enchaîné à un demi-siècle de "traditions", son anecdote dépeint le laxisme ambiant d'une époque pas si lointaine : "Le Tour de France 2005 faisait étape dans les Vosges et notre équipe logeait alors dans le même hôtel que l'équipe italienne Liquigas. Le surlendemain matin, je suis convoqué par le directeur du Tour de France à la permanence de l'épreuve, au village-départ, où nous rejoint Roberto Amadio, le manager de Liquigas. D'un ton ferme, le patron du Tour nous apprend qu'il a été contacté par le propriétaire de l'hôtel où nous avions séjourné. L'homme était furieux: il avait retrouvé des seringues dans les toilettes de son établissement. De mon côté, j'avais la conscience plutôt tranquille au regard de mes coureurs, même si on n'est jamais à l'abri de rien. Le patron du Tour avait compris qu'il avait plus de chance de trouver les fautifs du côté italien. Il était remonté, puis il s'est radouci. En substance, il nous disait que ce n'était pas sérieux, qu'on devait faire attention, qu'il fallait être plus vigilant à l'avenir, qu'on ne pouvait se permettre des histoires pareilles et qu'il entendait bien que ça ne se produise plus. " Joint par téléphone, Roberto Amadio confirme avoir été convoqué lui aussi par Jean-Marie Leblanc après cet incident : " C'est vrai que le ton employé était sévère et il m'a demandé de tirer ça au clair. J'ai alors mené ma petite enquête interne, mais je n'ai rien trouvé. " (...) Nous avons contacté par téléphone le propriétaire de l'hôtel en question, La Jamagne. C'est un établissement trois étoiles familial (sur cinq générations), situé au coeur de Gérardmer, la " perle des Vosges ", connue notamment pour son festival du film fantastique, son domaine de ski nordique et ses espaces boisés. En 2005, le Tour de France y avait organisé l'arrivée de la huitième étape et le départ de la suivante, les 9 et 10 juillet, et Bernard Jeanselme, le propriétaire de La Jamagne, se souvient encore très bien des dommages collatéraux de ce passage: " Le soir même du départ de notre établissement des deux équipes disputant le Tour de France, Cofidis et Liquigas, Roland, notre homme d'entretien, a constaté qu'une des colonnes du collecteur des déchets organiques était bouché. On a donc démonté le collecteur pour finalement tomber sur deux seringues, sans les aiguilles, enveloppées dans des lingettes. Je n'avais jamais vu ça en trente-trois ans d'hôtellerie. Le lendemain matin, j'ai appelé un responsable du service hébergement du Tour de France, celui qui avait réservé les chambres d'hôtel. Il m'a remercié de mon appel et m'a fait envoyer ensuite une cravate et un pin's sans me proposer de récupérer les seringues, ne serait-ce que pour savoir ce qu'il y avait dedans. Alors, j'ai amené les deux seringues chez le pharmacien voisin pour analyses. Il n'a rien trouvé ; elles avaient été rincées. " Nous avons ensuite fait part à Jean-Marie Leblanc de cet incident. L'ancien directeur du Tour de France, qui était aux commandes de l'épreuve cette année-là, se souvient, après quelques efforts, de l'appel de l'hôtelier, mais s'étonne qu'on puisse... s'étonner que l'organisation du Tour de France n'ait pas cherché à aller plus loin que sermonner deux managers d'équipe: " Mais ce n'est pas notre rôle d'aller fouiller ce qu'il y a dans des seringues ! " On insiste sur le rôle échu à notre sens à l'organisateur, sur le contenu possible de ces seringues, sur une enquête à mener, mais Jean-Marie Leblanc s'emporte : " Non, non, on n'a rien à voir là-dedans. On a assez de chats à fouetter sur l'épreuve


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Cette page a été mise en ligne le 21/12/2013