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Dossier dopage |
Installé à Condom, Philippe Coquerelle décide de se confier à 36 ans L'ex-espoir français révèle sa vie brisée par le dopage «Tant pis si je subis des représailles, je veux faire bouger les choses... » Douze ans après sa décision de rompre avec le cyclisme, Philippe Coquerelle en a toujours gros sur le coeur. (...) [Il] était un nom très connu dans les pelotons durant les années 80: à 15 ans, il débute la compétition à Nérac, puis rejoint Marmande où il se constituera un beau palmarès. Le jeune coureur remporte, à 20 ans, Bordeaux-Saintes, devient deux fois vice-champion d'Aquitaine en poursuite individuelle, puis champion régional par équipe. C'est la tête remplie de rêves qu'il signe, en 1986, dans une écurie des Hauts-de-Seine (région parisienne), dernière étape où sa vie va déjà basculer. Le semi-professionnel Philippe Coquerelle participe à toutes les grandes classiques des environs, de Paris-Troyes (où il obtient la onzième place) à Troyes-Dijon, aux côtés de rivaux comme Laurent Jalabert ou Luc Leblanc. Le tremplin de la grande carrière annoncée? Non, plutôt vingt-quatre mois de précipice... « Je suis arrivé complètement naïf, dans le but de faire ma vie dans le vélo », se souvient-il. « Mais je suis tombé de haut. Un docteur de l'équipe, qui officiait aussi dans un cabinet en Lot-et-Garonne, voulait nous faire des piqûres à tous, sans nous dire de quoi il s'agissait. J'ai dit non à chaque fois. Maintenant, je sais que l'EPO n'était pas loin... » Avec sa vingtaine de coéquipiers, le coureur n'en parle pourtant pas. « Entre nous, c'était tabou. En dehors de la route, il n'y avait aucune intimité entre nous. Mais je sais que certains allaient chercher des pilules en Espagne. » En conflit avec le directeur sportif de son club, c'est déjà le début de la fin pour l'espoir français déchu. Mais la suite vaut le détour...
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« Le directeur m'a dit: il faut prendre ces piqûres. Il ne voulait pas d'un coureur qui ne se dopait pas. Si je l'avais fait, j'aurais terminé dans les cinq premiers des classiques, alors qu'on m'a donné un rôlé d'équipier, pour faire gagner les autres. Mais je tournais au Supradine et au café. » Même ses propres parents ne comprennent alors pas Philippe Coquerelle. « Ils me disaient: tu as une grande carrière devant toi. Vas- y... » Le ressort est au contraire bel et bien cassé: déprimé, le cycliste stoppe son jeune parcours à 23 ans. Avant de subir une dépression nerveuse. (...) « Combien de fois ai-je terminé second dans des courses, en sachant que les autres ne tournaient pas à l'eau claire, mais au 'Vittel fraise'? », ironise le retraité des pelotons. « Mais j'étais trop jeune pour en parler, et le contact avec les médecins était notre seul moment d'intimité dans le cyclisme. A Paris, des copains ont renoncé à une carrière professionnelle à cause de la même chose. Je n'aimerais pas que des jeunes de maintenant, émerveillés devant le tour de France, soient un jour brisés comme moi. » Philippe Coquerelle n'a pas d'enfants. Mais si c'est le cas un jour, il les mettra en garde contre sa passion...