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Après les classiques de printemps et les courses à étapes d'une semaine (Paris-Nice, Tirreno-Adriatico), Tour du Pays Basque, Tour de Catalogne) on s'aperçoit que le fossé se creuse parmi les équipes du Pro Tour. Certaines arrivent à s'adapter aux conditions actuelles d'une lutte antidopage renforcée, d'autres beaucoup moins. On pourrait même affirmer que certaines jouent le jeu, d'autres pas. Le sport reste donc bien un reflet de la société : certaines classes sociales en temps de crise arrivent à tirer leur épingle du jeu mieux que d'autres et l'écart grandit entre les comportements extrêmes. Les inégalités progressent en temps de crise. Il ne faut pas oublier que le cyclisme est lui aussi atteint par des conditions économiques plus difficiles (Horner et Sanchez ont eu du mal à trouver une équipe, des sponsors se sont retirés), et par une crise existentielle des comportements : quelle conduite adopter face à une évolution de la lutte antidopage et au rejet grandissant du dopage parmi les spectateurs ?
A mi-saison, Alberto Contador se retrouve en tête du classement UCI. Avec ses deux victoires à Tirreno et au Tour du Pays Basque, l'espagnol a l'air d'avoir retrouvé la santé et le moral qui lui ont manqué en 2013. Il est entraîné dorénavant par Steven de Jongh, licencié par Sky après avoir avoué son dopage à l'EPO de 1998 à 2000 chez TVM, ce dont le propriétaire de l'équipe, le banquier et milliardaire russe Oleg Tinkoff, et Bjarne Riis, n'ont cure.
A la 3ème place du classement UCI pointe Alejandro Valverde (Movistar), encore un ex-impliqué dans l'affaire Puerto en 2006. Ce que fait Valverde (34 ans) depuis deux saisons est étonnant : sa régularité dans le haut du classement est constante, de février à septembre ! Il cumule déjà 8 victoires cette saison en 27 jours de compétition. Suspendu 2 ans en 2010 dans le cadre de l'affaire Puerto, Valverde intègre la Movistar en 2012, un choix qu'il ne doit pas regretter alors que le champion du monde 2013, le portugais Rui Costa, la quittera pour la Lampre en 2014, très surveillée dans l'affaire de Mantoue, et se fera très discret dans sa 1ère partie de saison. L'espagnol signera le meilleur temps absolu dans l'ascension du mur de Huy à la Flèche wallonne le 23 avril : 2 min 37 pour les 112 m d'ascension, soit 513 watts et 8,56 W/kg ! Il sera le coureur le plus régulier sur les classiques ardennaises (4ème à l'Amstel Gold Race, vainqueur à la Flèche, 2ème à la doyenne).
Une lutte antidopage qui tourne à vide, un changement apparent des comportements.
Pendant ce temps, le Tribunal antidopage italien menace Paolo Savoldelli d'une suspension de 2 ans et 8 mois à la suite de l'action conjointe de l'UCI et de l'USADA dans l'affaire Armstrong. Petit problème : le cycliste italien a pris sa retraite en 2008. Johan Bruyneel, directeur sportif de l'US Postal, se voit suspendu 10 ans par l'USADA. Mais les suspensions prononcées par les agences antidopage ne sont pas vraiment dissuasives, demandez donc au Dr Ferrari ! Contador, Valverde doivent bien en rire ! Dans le cyclisme, rien n'a donc vraiment changé. La plupart des directeurs sportifs du Pro Tour n'ont pas voulu s'exprimer sur la suspension de Bruyneel. Et Jim Ochowicz (BMC et ex-directeur sportif de Lance Armstrong chez Motorola) a menacé de boycotter les journalistes de Cyclingnews s'ils continuaient à écrire sur leur coureur Alessandro Ballan, suspendu deux ans dans l'affaire de Mantoue. Brian Cookson, successeur de Mc Quaid à la présidence de l'UCI, veut éradiquer le dopage. Il apprendra que vouloir réprimer une activité humaine illicite n'entraîne pas son extinction, mais son déplacement. Pour pouvoir toujours jouer un coup d'avance, le dopage se doit d'évoluer.
Marc Kluszczynski est pharmacien
Il est titulaire du diplôme universitaire de dopage de l'université de Montpellier (2006)
Il est responsable de la rubrique "Front du dopage" du magazine Sport & Vie et collabore à cyclisme-dopage.com
Cette page a été mise en ligne le 09/06/2014