Actualité du dopage

Bernard Sainz vers une DEUXIEME condamnation pour dopage ?


03/07/2017 - cyclisme-dopage.com

Demain mardi, Bernard Sainz, mieux connu sous le surnom de « Docteur Mabuse » comparaîtra devant le Tribunal Correctionnel de Caen. Il sera accompagné dans le box des accusés par neuf autres protagonistes dont un médecin, un pharmacien et plusieurs coureurs cyclistes.

Son parcours remonte au milieu des années 1970 avec au moins une cinquantaine d'affaires différentes. La plupart du temps, il s'agit de simples procédures pour diffamation où il apparaît comme plaignant, plus rarement comme accusé et encore plus rarement comme condamné. Il a cependant été impliqué dans des affaires plus sérieuses et accusé de détention et trafic de produits dopants, d'incitation au dopage ou encore d'exercice illégal de la médecine. Ainsi, il est poursuivi dans des affaires aujourd'hui anciennes telles que les « Six Jours de Bercy » (une affaire de trafic d'amphétamine en 1986), le dossier « Sainz-Lavelot » (une affaire de dopage soulevée en 1999 dans le sillage de l'affaire Festina et impliquant Richard Virenque), l'affaire « Porzier » (débutant en 2005 dans le milieu hippique puis étendue à des « patients » du docteur Mabuse) ou encore « Medi 14 », qui occupera la Cour demain matin.

Exercice illégal de la médecine

De toutes ces affaires, Bernard Sainz serait ressorti blanc comme neige, ou presque. « La justice m'a toujours donné raison », écrivait-il en 2000 dans Les stupéfiantes révélations du Dr. Mabuse. « J'ai déjà gagné 56 procès en diffamation », ajoutait-il en août 2014 dans un entretien au Journal de l'Orne. Tout juste peut-il admettre avoir été condamné pour exercice illégal de la médecine. Par chance, une loi d'amnistie est parfois passée opportunément pour blanchir celui que certains surnomment « Dieu » comme pour mieux souligner son innocence inoxydable. Dans l'affaire Porzier, il ne peut toutefois pas échapper à une sanction. Dans son arrêt rendu le 27/02/2013, la Cour d'Appel de Caen le condamne à 3000€ d'amende pour exercice illégal de la médecine. Sans surprise, le docteur Mabuse se pourvoit en cassation mais son pourvoi n'est pas entendu.

« Jamais condamné »

Dans le Cash Investigation, diffusé sur France 2, le 28 juin 2016, Bernard Sainz admettait cette condamnation pour exercice illégal de la médecine, tout en tentant d'embrouiller Elise Lucet, arguant (sans fondement) que la cour aurait reconnu qu'il « exerçait une médecine naturelle ». Naturelle donc inoffensive, sans doute. Pour le faux médecin normand, cette condamnation aurait presque valeur de diplôme attestant de ses compétences médicales et, surtout, le disculpant de toute implication dans le dopage de sportifs.

Dès lors, Bernard Sainz n'est plus présenté dans la presse comme n'ayant jamais été condamné mais comme jamais condamné pour... dopage. L'intéressé ne s'embarrasse pas de cette nuance : « Je n'ai jamais été condamné », affirme-t-il solennellement au micro de Jean-Marc Morandini sur Europe 1, au lendemain de la diffusion du reportage de France 2.

L'affaire Sainz-Lavelot : 16 ans de procédure

Pourtant, nous avons pu établir que Bernard Sainz a bel et bien été condamné pour plusieurs motifs directement liés au dopage et pas seulement pour exercice illégal de la médecine, ceci dans le cadre de l'affaire dite « Sainz-Lavelot ».

Ce dossier, qui porte son nom, associé à celui de son avocat Maître Bertrand Lavelot est de celles qui, d'appels en cassation, n'en finissent pas : il aura fallu plus de seize ans de procédure pour aboutir à un jugement définitif.

Tout débute pour Sainz le 7 mai 1999 lorsqu'il est interpellé en possession de 725 francs (110 euros environ) en espèces, de trois chèques dont deux émis par des coureurs, d'un document comportant des mentions manuscrites se rapportant à un bilan sanguin axé sur le transport d'oxygène et d'un bon de commande de 5 flacons en verre auprès d'une pharmacie. Dans son véhicule immatriculé en Belgique, les enquêteurs saisissent sept flacons contenant un liquide identique à celui retrouvé sur un coureur lui aussi interpellé le même jour, une seringue et deux ampoules de Redoxon (vitamine C). Dans un second véhicule immatriculé au Luxembourg, les enquêteurs découvrent une plaquette de Survector, quatre boites d'huile de Harlem et deux fioles en partie pleines. A son domicile d'Almenêches (Orne), on retrouve deux seringues de Diprostène et cent capillaires héparinisés pour mesurer l'hématocrite. A son domicile parisien et sur le lieu de travail de sa compagne, on saisit des flacons, des médicaments et des dossiers relatifs à des coureurs cyclistes et à des chevaux. Au domicile de Bertrand Lavelot, dans lequel le Dr Mabuse avait à sa disposition un bureau, les policiers saisissent 77 500 francs (environ 11 800 euros) et 900.000 francs belges (environ 22 300 euros), cinq flacons contenant notamment de la caféine, des seringues et aiguilles, un paquet de solution injectable de syncopal (médicament administré en cas d'insuffisance rénale), un flacon de testostérone, deux seringues contenant de la testostérone et de la bétaméthasone (corticoïde) ainsi que des documents se rapportant à l'affaire Festina, à Richard Virenque, à des protocoles de dopage, une sacoche lui appartenant et contenant dix ampoules de testostérone Propionat et dix-huit capsules d'huile de Harlem.

Une vingtaine d'interpellations dans le milieu cycliste s'ensuivent et Sainz est incarcéré. Il ressort de la maison d'arrêt de Fresnes le 30/07/1999 et est placé sous contrôle judiciaire. Au fil de l'enquête et des interrogatoires, il sera mis en cause par plusieurs coureurs dont Richard Virenque, Frank Vandenbroucke et Philippe Gaumont (ces deux derniers sont décédés depuis). Marc Madiot, aujourd'hui responsable de l'équipe FDJ, le présente comme un maître-chanteur.

Bernard Sainz ne se laisse pas déstabiliser par toutes ces accusations. La testostérone ? C'est pour ses chevaux (en micro-doses) et... sa consommation personnelle en vue d'améliorer ses capacités sexuelles. La Pantestone et le Proviron ? Pareil. Le Syncortyl ? C'est pour sauver des vies en cas de chute de tension. Les seringues ? Elles avaient été utilisées plusieurs années auparavant mais voilà, il ne jette rien. L'argent ? Il n'a jamais passé d'accord financier avec les coureurs.

Premier procès en 2008

Le procès a finalement lieu le 26/03/2008 devant la 31ème chambre du Tribunal Correctionnel de Paris. Lavelot est relaxé. Sainz, en revanche, est condamné à 3 ans de prison, dont 18 mois fermes, pour :

D'appels en cassation, l'affaire s'enlisera pendant encore plus de sept ans au point qu'on finira par l'oublier et que la " non-condamnation " de Bernard Sainz dans des affaires de dopage deviendra au fil du temps une " vérité " admise par tous.

Une condamnation pour incitation au dopage devenue définitive en octobre 2015

Pourtant, nous nous sommes procurés une copie du jugement prononcé par la Cour d'Appel de Paris le 30 septembre 2014. Bernard Sainz est reconnu coupable du délit de détention de diprostène, syncortyl, proviron, testotérone et de corticoïdes. Pour ces faits, ainsi que pour l'aide et incitation à l'usage de produits dopants, l'exercice illégal de la profession de médecin, il est condamné à 2 ans de prison dont 20 mois avec sursis.

Comme à son habitude, le docteur Mabuse se pourvoit en cassation mais, dans un arrêt rendu le 13 octobre 2015, la Cour de Cassation déclare le pourvoi non admis. Coup de chance pour Bernard Sainz, les journalistes qui suivaient l'affaire à ses débuts ont depuis longtemps perdu le fil de l'histoire et l'arrêt de la Cour de Cassation ne reçoit aucun écho dans la presse.

Toutes mes affaires ont un point commun. Elles démarrent sur les chapeaux de roues, puis ressemblent à un ballon de baudruche qui se dégonfle inévitablement , déclarait-il au Journal de l'Orne le 21 août 2014. Depuis le 13 octobre 2015, ce n'est donc plus vrai. Demain à Caen, il devra répondre des faits d'"aide à l'utilisation de substance ou méthode interdite aux sportifs dans le cadre d'une manifestation sportive". Si la justice le reconnaissait coupable, ce serait donc une deuxième condamnation pour des faits de dopage.

Contrairement à sa prestation devant Elise Lucet, Bernard Sainz pourrait faire profil bas devant ses juges. En avril 2008, il s'était présenté devant la Cour d'Appel de Paris comme un humble retraité harassé par le poids des accusations dirigées contre lui. Il devrait jouer le même rôle demain. Un habit plus facile à porter que celui d'un récidiviste.



Pour retrouver toute la chronologie de l'affaire Sainz-Lavelot, cliquez ici.


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Cette page a été mise en ligne le 03/07/2017