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Tour de France : vous reprendrez bien un petit ver ?


08/07/2019 - cyclisme-dopage.com - Marc Kluszczynski

Le grand spectacle sportif du mois de juillet est toujours organisé avec la plus grande hypocrisie. Même si David Walsh du Sunday Times, qui fait son retour sur le Tour, a questionné David Brailsford sur l’usage éventuel d’AUT par l’équipe Ineos. La réponse est non, bien entendu. Ineos ne nous referait pas le coup de Bradley Wiggins, victorieux en 2012, grâce à la triamcinolone. Par la suite, Wiggins flambera jusqu’au Giro 2013, qu’il abandonnera, vraisemblablement avec un cortisol effondré. La question de l’usage d’une nouvelle hémoglobine en cyclisme est autrement plus importante.

Découverte lors des championnats du monde de ski nordique à Seefeld en février (affaire Aderlass), l’information parue dans la presse est ensuite restée étrangement inexploitée. Quand on sait que l’EPO avait fait son apparition aux mondiaux de ski nordique de Lahti en 1988 et qu’elle avait ensuite envahie le cyclisme, elle reste d’importance. On la pose : l’hémoglobine du ver marin Arenicola marina (ou d’autres espèces de vers marins) est-elle encore utilisée dans le cyclisme et le marathon depuis le Denifl Stefan ? Car il ne fait aucun doute que son usage pourrait expliquer des performances sidérantes depuis les années 2010 (équipe Sky, Eliud Kipchoge sur le marathon), date de la découverte des propriétés de l’hémoglobine de ces petits animaux marins.

Plusieurs hémoglobines solubles existent maintenant, en dehors de celle préparée par l’entreprise française Hemarina (Hemo2Life). Ces hémoglobines transportent quarante fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine, tout en étant 250 fois plus petites qu’un globule rouge. Solubles, elles peuvent être considérées comme le Graal du dopage sanguin. Elles agissent comme les perfluorocarbones (PFC) sans en présenter les dangers. Le passeport sanguin, qui s’avère de plus en plus comme la ligne Maginot de l’antidopage, est berné car il ne s’intéresse qu’à l’hémoglobine intra-globulaire. Le Pr Michel Audran, directeur du laboratoire de Châtenay-Malabry, annonce toutefois pour 2020 un test de détection des microdoses d’EPO efficace jusqu’à 72 heures alors qu’on ne peut les déceler actuellement à plus de douze heures.

Un test de détection des hémoglobines solubles serait-il prêt pour ce Tour de France ? Si oui, on peut s’attendre à un gros scandale si l’AFLD peut agir ! Ce Tour fête le cinquantenaire de la première victoire d’Eddy Merckx en 1969. Tiens, au fait le Cannibale, parlons-en ! Les années 70 n’étaient pas seulement l’époque des amphétamines et stéroïdes. A la suite des travaux du Pr Björn Ekblom sur l’efficacité des transfusions sanguines en 1972, plusieurs cyclistes français de renom lui demanderont assistance pour un programme de dopage sanguin. Le suédois Gösta Pettersson (Feretti) gagnera le Giro en 1971 grâce à elles. L’affaire s’ébruita. Pettersson se vengera en révélant qu’un médecin avait proposé à Merckx des transfusions avant son record de l’heure en 1972 ! Le Belge les a-t-il acceptées ? Le Cannibale mériterait alors le surnom de Vampire. Comme les transfusions se généralisaient dès 1970, on voit mal comment Merckx a pu les éviter, tant il dominait.

NB : Comme favori du TdF 2019, on mise sur les équipes Astana (Jakob Fuglsang) et Movistar (Mikel Landa), qui carburent à plein régime cette année. Des équipes qui ne sont pas à un petit ver près


Marc Kluszczynski est pharmacien
Il est titulaire du diplôme universitaire de dopage de l'université de Montpellier (2006)
Il est responsable de la rubrique "Front du dopage" du magazine Sport & Vie et collabore à cyclisme-dopage.com


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Cette page a été mise en ligne le 08/07/2019