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L’exploit « pantanesque » d’Alberto Contador cachait-il un moteur ?


25/04/2019 - Giro - Pierre Carrey

Le Tour d’Italie cycliste reste un monument de défiance. (...) L’exploit « pantanesque » d’Alberto Contador sur le Mortirolo en 2015 est ainsi entaché d’une accusation suprême, la triche des triches dans le peloton : un vélo à moteur. L’Espagnol est, avec Hinault, l’un des deux seuls champions invaincus dans l’histoire de la course : à chaque participation, une victoire. Zéro échec. Si ce n’est, pour Contador, une déchéance de son titre 2011, quand l’UCI le suspend pour son test positif au clenbutérol remontant au Tour de France 2010. Le Mortirolo devait être l’un de ses derniers triomphes. Une minute reprise à ses rivaux en 12 kilomètres. Un déhanché qui s’arrache aux forces de la gravité. Un mécène, Oleg Tinkov, si confiant dans ses chances de réussite qu’il avait proposé une prime de 250 000 euros à ses rivaux pour qu’ils participent aux trois grands tours la même saison – en coulisse, le magnat russe était persuadé que son grimpeur gagnerait les trois, record insensé, jamais battu, jamais osé.

Les allégations gâchent tout. « Cipo », sprinter retraité, accuse Contador dans l’émission Processo alla tappa : le vélo de rechange utilisé avant le Mortirolo pourrait être un de ces engins électriques, avec un moteur caché soit à l’intérieur du cadre (l’ancienne version datant de la fin 1998), soit dans la roue arrière (le nec plus ultra de la technologie). Contador proteste. Il soutient qu’il a été victime d’une crevaison dans la descente de l’Aprica, qui l’aurait contraint à ce dépannage technique. Tentative d’humour : « J’ai cinq moteurs sur mon vélo ! » Plus méprisant : « Toute cette histoire est de la science-fiction. »

L’Équipe contre-enquête. Citant un « officiel de RCS » témoin des faits, le quotidien français parle d’une « vraie-fausse crevaison ». Contador n’aurait jamais eu de pneu à plat et, dans ce cas, il aurait délibérément menti. D’autres éléments intriguent. « El Pistolero » est coutumier de la manœuvre dans ce Giro, enfourchant un nouveau vélo avant la plupart des cols stratégiques. Une plongée dans les archives de presse démontre que c’était déjà une manie en 2011, même si, à l’époque, personne n’y voyait malice. Bjarne Riis, manager de Contador, argue qu’il faut parfois se munir de pneumatiques spéciaux ou sous-gonflés, afin d’éviter la crevaison. Une défense inaudible, puisque, par association de lieux, de dates, d’indices, suivant la chaîne classique des théories du complot, on se rappelle que Riis dirigeait le Suisse Cancellara en 2010, lorsque celui-ci a écrasé les classiques pavées, dans un style qui a fait naître les premières hypothèses de fraude mécanique... Pour dissiper ces doutes, l’UCI entreprend de contrôler le matériel de Contador à l’aide de tablettes magnétiques. Les résultats sont négatifs, comme toujours à l’époque (...). Est-ce que le procédé de détection est défaillant ? Ou tout simplement n’y a-t-il aucune tricherie de la part de Contador ?

Vittorio Adorni, vainqueur du Giro 1965, lâche une confession crousti-brûlante et passée relativement inaperçue. Le 11 mai 2015, l’ancien coureur déclare au journal de l’université de Parme, ParmAteneo : « J’ai pensé utiliser un petit moteur lorsque je courais. Un artisan de La Spezia avait conçu un projet pour moi mais il était impossible de le dissimuler parce qu’il était trop grand... » Le Giro devient un peu plus intranquille. La suspicion jamais débranchée. Nibali s’étonne ainsi en privé de plusieurs prouesses adverses. En 2017, le bruit veut que deux équipes se soupçonnant l’une l’autre parviennent à un accord : les mécaniciens auront le droit de procéder à leurs propres contrôles sur le matériel d’en face, à tout instant.


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Cette page a été mise en ligne le 27/02/2020